Je fixe l'enveloppe depuis une bonne dizaine de minutes, affalé sur la chaise de bureau bancale de Sam. Je tapote nerveusement sur le rebord du bureau. Je saisi la lettre et la déchire par petits coups secs. Dedans, il y a la convocation pour cette fameuse école de musique. Une grosse audition. Ça me fais peur. Là bas, il y aura qu'une bandes de surdoués avec des parents pleins aux as et surtout pas un ancien SDF qui vit à trois dans un appartement miteux et qui galère à joindre les deux bouts. Je pousse un long soupir et sors de la pièce. J'entre dans la salle de danse sans un bruit.Yuri est assis par terre, complètement essoufflé. Ses mains tremblent violemment. Je m'accroupis à ses côtés, le prends doucement par l'épaule et lui chuchote ;
-Aller, viens on va un peu dehors.
On sort dans le froid glacial. Ses cheveux rouges volent dans tout les sens sur ses joues rougies. Il y'a un silence doux, apaisant. La nuit n'est pas encore tout à fait tombée mais le ciel s'est déjà légèrement obscurcit.
Les lumières clignotants et colorées de la fête foraine ressortent dans ce décor sombre. Ça sent le caramel, l'insouciance et la liberté. Un sourire nait sur les lèvres de Yuri.
-Pourquoi tu m'emmène ici ?
-Tu vas voir.Je glisse ma main dans la sienne et on de met à courir entre les marchands de churros et les machines à pinces. Les couleurs défilent de plus en plus fortes, de plus en plus vite. C'est enivrant. Tout devient flou, tout se mélange. Le vent souffle sur nous. Le rire scintillant de Yuri m'électrise tout entier.
L'air a un parfum doux de bonheur et de barbe à papa. Les lumières s'allument et s'éteignent sans discontinuer. Les voix des forains se mêlent à celles de la foule qui se presse aux abords des manège à sensation. Les couleurs se reflètent dans les yeux brillants d'excitation de Yuri. Il ne sait plus où donner de la tête. On admire des jeunes ados qui tirent à la carabine sur des ballons, un père aux cheveux décolorés qui tente de gagner une peluche pour sa petite fille et une enfant qui pêche des canards en plastique.
Mais ce que je cherche est un peu plus loin.
La grande roue. Majestueuse, immense, lumineuse, imposante. Elle déploie ses nacelles dans la nuit noire. On se glisse dans la queue pour acheter deux petits cartons brillants jaune et rouge. Certaines personnes se retournent et chuchotent en voyant les cheveux de feu de Yuri, mais on ne s'y attarde même pas. On entre dans une nacelle et une bulle se referme autour de nous. Rien que nous deux. Le sol commence à s'éloigner progressivement de nous. Peu à peu la ville se dévoile devant nos yeux d'enfants ébahis. Yuri, accroché à la rambarde, admire les toits des immeuble baignés de la faible lumière du soleil couchant. On s'élève lentement, loin de tout, en hauteur par rapport au reste de la foule.
Notre monde à nous.
Nos regards se croisent, brûlants. Ses yeux verts transpercent les miens comme un coup de poignard. Mes doigts chauds effleurent sa joue glacée. Le vent s'infiltre dans la nacelle et il frissonne. Je remet doucement sa longue écharpe autour de son cou. C'est doux, tout doux...
On regarde les couleurs, immenses, qui se dessinent. Les lumières explosent devant nos yeux. Plus un mot ne résonne dans notre bulle. On retient presque notre souffle face à ce spectacle magique. Yuri pose sa tête sur mon épaule et ses cheveux colorés viennent chatouiller mon cou. Tout est calme.
Je sens la main de Yuri qui vient timidement caresser la mienne du bout des doigts. On se sourit. Mes mains sont chaudes sur sa peau blanche et pâle. Un contraste saisissant. Là, pendant qu'il regarde la vue, et malgré son air pur et fragile, je le trouve magnifique. Son souffle chaud se pose sur ma nuque. Mon coeur bat fort. J'ai une boule de chaleur au creux du ventre qui ne me quitte pas. Je ne sais plus quoi penser. J'ai juste envie de tout lâcher pour une fois et de perdre dans cette grande roue.
Doucement, la neige se met à tomber. On se penche et on tente d'attraper les flocons en plein vol. On se regarde et on explose de rire en même temps. Nos éclats de rires résonnent entre les lumières de la ville.
Je me sens bien.
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Néza
Short StoryJe considère que ma vie est séparée en deux parties, la première avant l'annonce et la deuxième quand tout s'est écroulé. La première est synonyme d'enfance, d'innocence, de piano, de mon amitié avec Aloïs, de la boutique de disque et malheureusemen...