Ce garçon là

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-J'y vais !

Je met mes chaussures d'une main, tandis que j'essaie d'enfiler mon sweat de l'autre. Je saisi ma veste, mon sac et mes clefs au passage dans l'entrée. Je jette un dernier coup d'oeil au salon avant de partir. Elijah est installé en position larve, entortillé dans les draps du canapé et Aïssa rédige des documents sur la table basse.

-J'en ai pas pour très longtemps, juste le temps de voir les jeunes qui vont passer l'audition. T'es sûre que ça te dérange pas d'amener Eli à son rendez vous Aïssa ?

-Mais oui, c'est pas bien loin l'hôpital on va s'en sortir. Va profiter. Souffle un peu Néza, t'as le droit après avoir fait tant de choses
pour Elijah.

Ce dernier, à moitié endormi, me sourit et m'adresse un vague signe de la main. Depuis qu'il vit dans l'appartement avec nous, il a passé son temps à rattraper son sommeil perdu des dernières années. Il est très faible pour l'instant. Son corps est bien trop abîmé. Il a choppé une saloperie de maladie dans le bordel où il travaillait.

Je n'ose pas lui demander exactement comme tout s'est passé. C'est un peu un sujet tabou, un sujet délicat à aborder dont il n'a pas forcément envie de se rappeler. Je sais juste qu'il travaillait beaucoup trop, enchaînait les clients, parfois plusieurs par jours. Ça me répugne. Toutes ces personnes qui ont pu lui faire du mal, le toucher. J'ai peur d'imaginer ce qui aurait pu se passer si je ne l'avais pas trouvé à temps.

Je dévale les escaliers à toute vitesse. Arrivé en bas de l'immeuble, ma tête me tourne et je dois me tenir au mur le plus proche pour ne pas tomber. La fatigue engourdie pendant quelques instant mes membres avant que je reprenne mes esprits. J'ai conscience que je force un peu sur le boulot en ce moment mais j'ai choisi de faire des heures supplémentaires. J'ai besoin d'argent. On est quand même trois à vivre sous le même toit maintenant.

Perdu dans mes pensées, je marche jusqu'au local de Sam. Sam c'est ma sauveuse, un ange gardien. Elle est manifique et bienveillante. Sans elle, j'aurais surment fini par mourir d'une mauvaise angine, allongé par terre dans une rue dégeulasse. Je ne suis même pas sûr que j'aurais eu droit à une cérémonie d'enterrement.

Sam a fondé un groupe de danseurs, de chanteurs et de musiciens amateurs pour participer à des concours. Elle a de l'ambition. Ça fait plusieurs mois qu'elle fait passer des auditions à des jeunes. Souvent je lui file un coup de main, comme aujourd'hui où elle m'a demandé de venir l'aider à ranger et nettoyer la salle.

Je pousse la porte du studio. Mon amie me salue presque aussitôt.

-Néza ! Je t'attendais ! Comment ça va avec ton ami malade ?

-Ça va, on gère.

-Super. Bon, j'ai plein de trucs à t'annoncer viens voir.

Je la suis dans son bureau. Elle me tend un tract et me pointe du doigt une page internet sur son ordinateur.

-Une école de musicologie recherche des nouvelles personnes et fait passer des auditions prochainement. Ils ne recherchent pas forcément des gens qui ont une technique parfaite mais plutôt des créateurs tu vois ? Faut que tu y ailles.

-Quoi ? Attends, attends...

-Je t'explique, une fois que tu y es, tu as des cours et il te mette aussi en contact avec des agences ou des sociétés qui ont besoin de musiques personnalisées. Et c'est rémunéré.

-J'ai déjà deux jobs, comment je peux tout faire tenir ?

-On trouvera bien une solution. Bon faut que j'aille accueillir les nouveaux. Si tu veux passer les voir ils seront dans la salle du fond.

Elle repart à toute allure. Je sors fumer une cigarette, secoué par la nouvelle que Sam vient de me balancer en deux en trois mouvements. Je suis accoudé à la barrière qui me sépare du fleuve et souffle doucement ma fumée grise et dévastatrice. Cette histoire d'école de musique me met des étoiles dans le cerveau. J'ai toujours rêvé de travailler dans la musique. Mais est ce que j'aurais vraiment le talent nécessaire ?

Je finis par écraser mon mégot par terre et rentre à l'intérieur du bâtiment. Des filles s'entraînent dans la salle principale et de la musique résonne dans celle du fond. Je m'approche silencieusment et me met sur ma pointe des pieds pour regarder par l'ouverture vitrée.

La première chose que je vois c'est ce garçon là. Mes yeux ne voient que lui. Je ne peux plus détacher mon regard de ses mouvements.

Il danse.

Et ses cheveux sont rouges.

NézaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant