— C'était donc bien vous, l'auteur de ce billet, dit-il amusé.
Nous nous sommes retrouvés là où je l'ai écrit, la chose devant lui paraître bien singulière.
Sous les pâles rayons solaires matinaux, il rayonne tout de même, si bien vêtu.
— En effet Monsieur, je me suis éveillée, j'ai vu ce ciel clair, alors j'eus l'envie soudaine d'une promenade, lui confié-je.
Puis, j'ai pensé à vous, toujours sur vos affaires compliquées auxquelles vous avez à penser, je me suis persuadée que l'air frais vous rafraîchirait l'esprit. Vous n'avez d'obligations qu'à partir de dix heures c'est cela ?
Il étire un si ravissant sourire.
— Vous êtes bien spontanée.
Je ne crois pas que ça lui déplaît.
— Je dois avouer que je craignais que vous ne trouviez cela trop.. Impudent ?
Une brise légère se lève, faisant rabattre une de mes mèches blondes sur mon visage.
Il l'ôte délicatement puis prononce :
— Je crois au contraire que vous avez eu là une excellente idée. La faisons-nous donc cette galopade ?
Cette lueur dans ses yeux, j'espère que j'ai la même. Parvenus aux écuries royales, on nous apporte deux grands chevaux.
Un palefrenier m'aide à monter sur la monture scellée, en amazone.
— Vous y êtes accoutumée ? me demande-t-il, une fois bien installé sur le dos du fier pur sang.
— Oui, cela ira, réponds-je en me redressant, arborant un sourire confiant.
Nous nous éloignons gentiment.
— Nous allons jusqu'au bout du Grand Canal ? lui proposé-je tel un défi.
Sans même attendre de réponse, je pars au triple galop ; l'air frais est vivifiant, il n'y a aucune limite, aucune borne, juste le sentiment d'être libre.
— Vous ne m'aviez pas dit qu'il s'agissait d'une course ! rit-on derrière moi.
Il me rattrape bien vite, autant amusé que moi.
Nous entrons dans la forêt et les bois environnants, dont les arbres sont parés de mille couleurs.
Le soleil s'élève timidement à l'horizon. Ses rayons tentent de se frayer un chemin au travers des cimes pour parvenir jusqu'à nos visages.
Je hume ces odeurs propres à l'endroit, humides, mousseux et feuillus.
— Mademoiselle ! Si vous saviez comme cela m'avait manqué ! me dit-il soudain, criant presque.
Et il avance de plus belle, il resplendit d'une façon si singulière avec un éclat particulier, il respire la joie.
Je me risque à ôter mes mains des rênes un instant pour les lever à même le vent.
Je contiens des rires. Quel sentiment unique. Je me sens prête à m'envoler.
Il en rit. D'un si joli rire. Je souhaite le réentendre.
Il se met à m'imiter, me regardant, j'ignore ce qu'il pense à ce moment, mais moi je n'ai qu'une voix qui me répète qu'il est ravissant.
Au milieu de ces bois, je me sens presque chez moi, me rappelant les forêts qui bordent mon domaine familial.
Je ricane en me souvenant de la réaction de Mélanie tout à l'heure, lui ayant demandé de me vêtir alors que les sept heures n'avaient pas sonné. Elle me criait que j'allais attraper du mal sottement. J'ai réussi tant bien que mal à maintenir le secret quant à mes intentions, car si j'étais assurée au moment d'écrire le billet destiné à Jérôme, je l'étais bien moins la demi-heure qui suivit.
VOUS LISEZ
La comtesse de Lisière [EN PAUSE]
RomanceFin XVIIe siècle (1680-90) Fille de comte, Élisabeth de Lisière est une harpiste de talent qui reste très affectée par la mort de son père, celui-ci laissant pour seul héritage de lourdes dettes. Attachée à l'espoir de retrouver son meilleur ami d'...