Chapitre 18

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Je décide de rejoindre Jules, nous prendrons le petit-déjeuner ensemble, sa mère n'est point au palais, c'est une excellente manière de commencer la journée.

Autour de chocolats et de brioches, nous plaisantons au sujet des dernières rumeurs, ces secrets connus de tous :

— J'ai appris avec un vif intérêt que Mme de Lunéville, veuve, userait de sa retraite à des fins moins dévotes qu'elle ne le laisse entendre, commence-t-il.

— Oh tiens donc ? Et moi, que Monsieur le marquis s'est vu refuser ses avances par une fille de tailleur parisien.

— Non point, cela est-il vraisemblable ? réagit-il faussement offusqué.

Nous en rions en cœur. Soudain, je revêts une mine plus sérieuse, ma mère et la lettre me reviennent à l'esprit.

— Jules, voilà plus d'une semaine que nous avons envoyé la lettre destinée à ma mère, n'est-ce pas ?

Il plisse légèrement les yeux, tout en hochant la tête.

— C'est bien singulier que nous n'ayons encore rien reçu... Ton domaine est à peine à quelques heures d'ici. Se pourrait-il qu'elle ne veuille tout simplement pas te répondre ?

— Cela ne lui ressemble pas... Il nous faut attendre encore un peu.., tenté-je de me convaincre moi-même.

Le lendemain, pour l'après-dîner, le Roi ne voulut point la chasse, accompagné de Jules – étonnamment vêtu de rouge – , et de la Cour, nous faisons donc une promenade sans prétention. Depuis l'avant-veille au soir, je ressens que le souverain me couvre d'un regard bienveillant, que partagent étonnamment ces femmes qui furent les premières à me mépriser.

Je n'ai guère de temps pour y méditer, on me sollicite, notamment le jeune Louis.

J'ai l'impression que le Roi est plus prompt à sourire ; cela me ravit. Nos regards se croisent accidentellement, je baisse les yeux par réflexe, il en sourit.

Nous sommes parvenus jusqu'au bosquet mêlant l'abrupt marbre et la délicate verdure, où ces colonnes s'élèvent fièrement.

— Élisabeth, le marbre rose n'est-il pas votre favori ? reprend le jeune prince, admirant le lieu. C'est une couleur qui vous irait à merveille.

Touchée, observant ce si beau marbre aux nervures blanches, j'acquiesce, emplie d'une gaieté innocente.

Au centre du bosquet circulaire, je lève les yeux, et voyant ce soleil dont les rayons nous atteignent, je souris niaisement ; Louis me le rend.

Je me sens alors entièrement libre, ignorant toute la Cour assemblée, je propose gaiement :

— Monseigneur, dansez-vous ? J'en ai l'envie soudaine.

Quelque peu surpris, il étire rapidement un bien grand sourire.

— Ma foi, telle est votre spontanéité que nous apprécions chez vous. Je dirai que je ne suis pas des plus mauvais, et que ce serait un honneur d'être votre partenaire.

Alors enjoués, nous débutons une de ses danses plus festives que le traditionnel menuet de Cour. On nous imite bien vite, en même temps que des musiciens nous rejoignent.

Dans ce flot musical se mêlent nos rires, il est bien rare de voir le duc de Bourgogne s'amuser aussi franchement.

Encore plus le Roi, qui semble juger la scène d'un œil amusé, sous le regard toujours suspicieux de La Maintenon.

La première danse finie, je laisse Louis à sa cousine, et m'en vais retrouver mon meilleur ami.

— Ah Elie, qui pour te ressembler ? Je suis partagé entre rire et dépit.

La comtesse de Lisière [EN PAUSE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant