Chapitre 23

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Le Prince d'Orange a accepté la proposition des Anglais, soit le trône et un pouvoir limité au profit d'un Parlement. Il est en ce moment même accueilli par le peuple de Londres.

La menace de Louis XIV devient effective.

Plus que jamais il est question de campagnes, de troupes ; l'air s'est alourdi, il nous faut se préparer.

Ce matin, Jules vient donc d'être nommé lieutenant par Monseigneur le Dauphin, aux côtés duquel il se battra.

Je passe mes mains sur ses épaules pour les épousseter, ressentant une certaine fierté à lui voir l'habit militaire. Il garde le visage grave, observant durement son reflet dans la glace.

— Élie.. Ce sont les circonstances qui m'ont nommé.

— Aucunement. Elles ont seulement avancé ce jour, rétorqué-je. Ton précepteur d'armes a toujours été fier de toi. Je le sais puisqu'il me l'a dit.

— Quand cela ?

Je me contente d'esquisser un sourire mystérieux.

— On a dit que c'était aujourd'hui, c'est cela..., reprend-il.

Il inspire, s'humecte les lèvres, et enfin nous avançons vers les appartements de Madame la Duchesse, sa mère.

Je lui ai promis de le défendre face à elle, après Louis-Alexandre et son subalterne, je crois que je suis en mesure d'affronter n'importe quel regard menaçant.

Sa main se crispe dans la mienne à la vue de Madame, bien plus heureuse qu'à l'accoutumée – mauvais augure.

— Mes félicitations mon fils, oh comme vous êtes beau ! j'en étais certaine, je gage pour l'ordre du Saint-Esprit vous concernant. Votre père va vous trouver un beau régiment, et vous nous reviendrez couvert de gloire, s'enthousiasme-t-elle.

— Merci, Mère... J'ai à vous parler. Au sujet du mariage, commence-t-il.

— Oui, j'en ai déjà prévenu la famille d'Aumont, il faudra reporter les noces à la fin de la guerre, ils n'en sont point fâchés. Ils ont un certain orgueil à imaginer leur gendre futur Maréchal de France, je n'en doute point.

La situation devient problématique, sa joie est telle qu'elle n'a même pas prêté attention à ma présence – c'est dire.

— Mère...

— Chaque fois que je vois cette petite, elle s'embellit, vraiment je suis fière de mon choix.

— Mère ! crie-t-il, sous les yeux maintenant effarés de sa mère.

— Eh bien, parle mon fils, parle.

Piquée, elle se rassoit à son sofa, renouant avec ces grands airs hautains.

Mon frère me lance alors un regard de désespoir, je lui transmets tout mon courage.

— Il s'agit, Mère, que.. Mon cœur s'est attaché à une autre, que j'ai formé le dessein de l'épouser, et que personne ne saura me faire revenir sur ma décision. Vous m'aviez dit que si sa dot s'élevait au même montant que celle de Constance d'Aumont, vous vous y soumettriez. Ma foi, elle ne l'atteint pas, mais peut rivaliser, son aîné commence une carrière dans l'administration, je gage facilement de ce qu'il grossira la dot de sa sœur.

Outrée par le ton très sec employé et les propos énoncés, elle allait répondre que son mari la devance, entrant joyeusement dans la pièce.

— Qu'est-ce que j'entends donc mon fils ? Je suis bien curieux de savoir qui a su ravir ton cœur.

— Elle se prénomme Laure, de la famille de Beaujeu. Une demoiselle de compagnie de la Dauphine.

— Vraiment ? Par quel hasard, il s'avère que tout juste hier soir, j'ai rencontré le marquis de Beaujeu, et que je me suis pris d'amitié pour cet homme. Droit et juste comme il n'y en a plus.

La comtesse de Lisière [EN PAUSE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant