Chapitre 21

1.3K 86 37
                                    

Le temps est à la chasse dans ce grand parc de Marly, où seuls quelques privilégiés entourent Sa Majesté, qui ne semble plus vouloir quitter sa monture – les cinq heures approchant.

Je me sens à la fois flattée, honorée, et un peu dubitative. Depuis ce matin déjà, dès la cérémonie du Lever, la Cour en était préoccupée. Il n'était question que de cela, l'ultime question portant sur le nom des invités.

Je ne veux point savoir comment ils ont réagi en apprenant que je faisais partie de ces cent personnes choisies.

Je regrette l'absence de mon duc et de Jules, mais je peux compter sur la famille royale pour combler ce manque.

Notamment grâce à Louis, qui m'offre un sourire de ses fines lèvres, me présentant une escarpolette (NDA = balançoire) dont la place vient de se libérer.

— Je n'en ferai rien. Je ne suis plus une enfant, protesté-je, faussement sérieuse.

— Je vous en prie Élisabeth. Pour mon bon plaisir, le ferez-vous ?

Je m'y résigne, m'asseyant sur le siège ; le jeune prince me pousse doucement, et je savoure niaisement l'instant.

Ce domaine est tout à fait plaisant, et l'étiquette bien moins stricte.

Finalement, voilà qu'on rentre de la chasse, les gentilshommes encadrent le Roi qui semble se diriger vers les jeux des jardins, soit vers nous.

Je me relève pour exécuter la révérence.

Il me couvre toujours de son regard bienveillant.

— Mademoiselle, je fais jouer demain une représentation du Bourgeois gentilhomme. Je gage que vous n'avez pu encore rire d'aucune des pièces de talents de notre bon Molière, qui nous quitta tantôt ? Vous êtes trop jeune pour cela. Vous verrez, je vous en assure le jeu et l'amusement.

— Je n'en doute pas, Sire. Je vous remercie.

Puis, après que nous ayons incliné tous deux poliment la tête, ils se dirigent vers le terrain de mail. Je crois que le roi apprécie ce jeu. On interpelle Louis afin qu'ils les rejoignent.

Alors que je les observais s'éloigner, on me surprend :

— Bonsoir Mademoiselle, je me présente à vous, Marquis de Dangeau.

L'homme d'un certain âge au visage plutôt sévère quitte son large chapeau.

— J'aurais à vous entretenir.

J'accepte. Nous voici donc à marcher le long des bassins et des quelques pavillons qui parsèment le chemin, je l'écoute attentivement.

— Rares sont ceux qui peuvent se vanter d'être un ami proche du roi. Nous sommes nés la même année, et je crois qu'il y a peu de choses dont j'ignore. J'ai à penser qu'il vous estime. J'ignore de quelle nature mais.. Il a appris pour votre.. investissement dans les affaires militaires – oui, cela a fait le tour des connétables du Royaume, et bien sachez que son unique réaction fut un fin sourire dont j'ignore l'interprétation. Peut-être en fut-il amusé..

Il s'interrompt soudain dans notre avancée :

— À la vérité, je voulais vous entretenir plutôt pour savoir comment vous percevez votre relation avec le souverain.

— Marquis, je suis d'abord honorée de cet entretien. Et je n'ai qu'un seul profond respect que réclame Sa Majesté... Il a daigné poser sur moi un regard plein de grâces et reconnaître mes talents musicaux, je lui en suis immensément obligée.
Je m'octroie parfois la pensée qu'il me porte un regard paternel, ou si celui-là s'apparente plus à de la pitié, je m'en accommode, et le reçois comme un honneur.
Savez-vous peut-être que je suis orpheline de père..

La comtesse de Lisière [EN PAUSE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant