Chapitre 20

1.3K 86 57
                                    

—  Suivez-moi.

Consternés, on obtempère, suivant les pas assurés du Gouverneur, qui a la mine bien grave.

L'air est lourd.

Nous sortons à l'extérieur pour se rendre à l'aile des ministres, en face ; le ciel est couvert.

Au moment de franchir le perron de la porte, je reste hésitante.

— Pourquoi ton père tient-il à notre présence ? Je ne me sens pas rassurée, lui confié-je.

Il ignore quoi me répondre, d'autant plus que celui-ci s'est retourné nous voyant arrêtés. Je lui crispe un sourire, que le gouverneur me rend plus franchement.

Nous arrivons sur une salle plutôt vaste, bas de plafond, aux grands bureaux couverts de papiers et dossiers qui semblent importants ; les hommes vêtus de noirs ont tous notre même visage songeur, certains s'emportent. Enfin à la vue du Gouverneur, les bruits cessent, on se précipite :

— Du nouveau qui mérite votre présence, Monsieur ? s'enquiert un commis aux finances.

Je reconnais des généraux, ou encore le secrétaire d'Etat à la guerre que j'ai rencontré à la bibliothèque le soir dernier.

Je baisse les yeux.

Je sens alors un léger coup de coude de la part de Jules, je relève la tête.

Je découvre la présence de Louis-Alexandre.

— Oui, répond le gouverneur, ces jeunes gens ont soulevé à juste titre, que les troupes d'Huxelles vont se rassembler dangereusement près de l'ambassade qu'on vient de quitter. Je crois qu'il serait bon de l'en avertir au plus vite et de lui ordonner de rejoindre Lille qui est plus haut.

— Vous avez eu des nouvelles du lieutenant général, le marquis d'Huxelles? Et comment savez-vous où se situe l'ambassade ? Ne les pensez-vous pas déjà en Angleterre ? réagit le secrétaire d'Etat.

On nous apporte une grande carte, qu'on déploie sur le bureau, poussant quelques affaires. Je ne parviens à détacher mon regard de Louis-Alexandre, qui me paraît bien anxieux.

— Oui, pourquoi ne seraient-ils pas déjà en Angleterre ? reprend-il.

— Je m'occupe de recevoir le courrier de mon père, et le général nous informait dans un pli de sa partance pour Douai, répond Jules à son aise.

— Et.. sachant que la veille il plut fortement, par calcul on devine que l'ambassade doit s'être arrêtée là..., poursuis-je désignant du doigt l'endroit.

On se questionne du regard, jusqu'à qu'un réagisse :

— Mais oui.. C'est l'évidence même. Mathieu ! Je vous dépêche de remettre au général ce pli.

Il prend de l'encre et une plume, écrit quelques lignes, et le donne au jeune Mathieu, qui nous quitte en courant.

— Il faut à tout prix éviter ces petits incidents diplomatiques qui seraient tout sauf bénéfiques. Imaginer l'ambassade face à notre armée que nous préparons officieusement... Merci Messieurs, Mademoiselle.

Retournons à nos études sur le budget que nous nécessiterait la guerre. Monsieur le Gouverneur, vous n'auriez pas d'ailleurs des chiffres à nous communiquer sur votre régiment, et vos besoins en armes ?

— Si tout à fait, mes enfants, ramenez cela.

On acquiesce, se hâtant ; je cache une petite excitation qui émerge au fond de moi, juste à l'idée d'être au milieu des affaires.

La comtesse de Lisière [EN PAUSE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant