Chapitre 17

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La nuit venue, la tête encore embrumée par ces questions de guerre et de régiment, j'ai l'envie d'aller à la bibliothèque me changer les idées. La compagnie des livres a toujours su m'apaiser.

D'une main frêle, mes doigts fins parcourent l'étagère aux nombreux livres dorés. Je m'en saisis d'un qui a su retenir mon attention, et doucement, à la pâle lueur de la fenêtre, je m'assois et débute ma lecture.

Le temps est suspendu.

Lisant légèrement souriante, je m'en détache un instant, risquant un regard vers l'extérieur. Ce ciel clair, cette lune au loin, ces quelques étoiles ; une vue rassurante.

Dans cette solitude et ce calme nocturne, seule avec moi-même et personne pour me juger, je reprends mon souffle.

Soudain, un grincement devant provenir de la porte me surprend.

Une silhouette vague semble s'en dégager.

— Qui êtes-vous ? commencé-je.

L'homme allumant une bougie, son visage m'apparaît, il semble autant soucieux que je le suis.

— Je vous retourne la question Mademoiselle.

Je me lève de mon fauteuil, le cœur battant, articulant les yeux baissés :

— J'ai l'autorisation de pénétrer ici.

Il s'en pince les lèvres, quelque peu agacé.

— Et que lisez-vous donc à une heure aussi avancée ? reprend-il plutôt sèchement.

— Des passages des Essais...

— Montaigne ? Est-ce une lecture pour une jeune fille ? Lisez donc quelque chose de plus fortifiant que ces écrits épars et sans but.

Je n'apprécie point cet air hautain qu'il revêt, surtout que je subsiste dans l'ignorance quant à son identité.

Il porte alors son attention sur la bibliothèque, et en parcourt les étagères. Ayant posé sa bougie, il se saisit d'un ouvrage dont le titre est en langue étrangère.

— Je repose ma question Monsieur. Qui êtes-vous ?

Il feuillette le livre, l'air préoccupé.

— Le Secrétaire d'Etat à la guerre, Mademoiselle de Lisière, répond-il sans même avoir levé les yeux.

Je m'approche, me plaçant en face.

— Oh.. Alors vous êtes certainement en mesure de me répondre.

Il semble plongé dans sa lecture. Prenant du courage, je poursuis :

— La guerre est-elle l'inévitable finalité de ces menaces ?

Brusquement, il referme l'ouvrage, et le ramène à sa place.

— Je ne suis point devin. Seulement, la chose paraît plutôt évidente, oui.

Un sentiment bien désagréable me prend, et me tord le ventre.

— Quel serait le rôle joué par le Saint-Empire..? m'effrayé-je soudainement.

Son regard se plante dans le mien. Il prononce :

— Écoutez Mademoiselle, j'ignore déjà comment vous semblez être aussi documenté sur le sujet, cela ne vous concerne guère. Et puis, qu'en sais-je ?

Il paraît piqué, j'en baisse la tête, un peu honteuse et désolée.

— Je ne voulais point..., balbutié-je.

— Contentez-vous de faire le plaisir du Roi. Passez une bonne soirée Mademoiselle.

C'est avec cérémonie qu'il me quitte, me laissant confuse.

La comtesse de Lisière [EN PAUSE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant