Chapitre 2

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Plantée devant ma glace, le cœur battant, c'est aujourd'hui que ma vie prend un tournant et j'ignore si je le souhaite réellement.

Appréhender la nouveauté, c'est naturel, et c'est ce qui rend la chose excitante. Je m'en convaincs.

— Comment me trouves-tu ?

— Très belle, ce bleu vous sublime. Laissez donc une mèche de vos beaux cheveux blond vénitien, ainsi.

Elle la dégage, et une jolie mèche bouclée se retrouve devant, tombant sur mon épaule. 

— Merci Mélanie. Honnêtement si tu n'avais pu m'accompagner, je serais très certainement revenue sur ma décision...

— Et oui, que feriez-vous sans moi, Mademoiselle Elisabeth ? s'amuse-t-elle à me répondre. Je descends cette dernière malle, et nous pourrons partir !

— Quelle malle ? D'où vient-elle ? 

Il me semble que tout a déjà été descendu. Elle m'offre un sourire en coin, je garde un regard suspicieux. Elle la dépose sur le lit, et l'ouvre. Je découvre alors un ensemble de robes, toutes plus belles les unes que les autres. 

— Qu'est-ce que..? 

Je me saisis de la première, d'un vert tout à fait sublime, et ces rubans, détails de dentelles, j'en reste sans voix. 

— Présent de votre mère. 

Je ne peux accepter.. Avec un peu de culpabilité, je referme la malle, et la tend à mon amie trentenaire. Je devrais me sentir reconnaissante, non l'inverse. J'y vois plutôt une réelle marque de soutien de la part de ma mère. 

Assise bien au fond de la cabine, le trot régulier des chevaux en guise de seul bruit de fond, je dégage la tête de l'ouverture pour voir une dernière fois ces lieux où j'ai passé l'entière exclusivité de ma courte vie.

Je me revois rire avec ma sœur dansant sous la pluie, ou encore courir avec Jules sans but.
C'est vrai que j'y ai été heureuse. 

Enfin, jusqu'à ces trois dernières années.. Mon cœur se serre, une sorte de malaise me prend, je le chasse, je dois me concentrer sur l'avenir. Ne pas regarder en arrière, mais avancer. Je serre contre moi mon livre recueillant toutes les partitions que j'ai composées, dont la première est en partie de la main de mon père. 

La Cour. Il y faisait fréquemment des séjours, et voyait souvent le Roi. Mon père avait une place de choix dans l'armée royale. Il partit au champ de bataille alors que je n'étais encore qu'un bébé. 

Je retrouverai peut-être de ses anciens amis, j'ai le souvenir imprécis de quelques visages présents lors de l'enterrement.

Le paysage boisé défile, je n'y prête garde, plongée dans mes pensées.

Je sais que ma mère, elle, n'aimait guère la Cour, n'y allant que rarement, prétextant souvent des migraines.. Pourtant, elle y a passé une grande partie de sa vie. 

Je regrette son cercle très fermé de familiers, qui s'est réduit davantage avec son deuil. Elle le supporte bien plus mal que moi. Assurément, elle devait l'aimer.

— Nous rejoignons votre oncle maternel, c'est cela ? À son hôtel particulier ? demande soudain Mélanie alors que nous approchons.

Je hoche la tête.

— Comment est-il ?

— Froid et..

— Élisabeth, bonsoir.

— Hautain, finis-je ma phrase, murmurant.

Occupé avec des papiers, il ne m'accorde pas un regard, ce brun aux yeux de la même couleur.

La comtesse de Lisière [EN PAUSE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant