Chapitre 28

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J'entrouvre les paupières. Je sens sa respiration sur ma peau. Il est là, toujours assis sur le fauteuil, mais la tête dans ses bras, sur le bord de mon lit, assoupi, les cheveux cachant son visage. Ma main est toujours dans la sienne. Je savoure cette tranquillité.

— Vous m'avez terriblement manqué, Comtesse, murmure-t-il soudain.

— Vous aussi...

Il ouvre les yeux, ses yeux de ce doux bleu.

— Avez-vous bien dormi ?

— Oui, grâce à vous.

Nous restons un moment ainsi. C'est amusant, j'aurais pensé que nous aurions mille choses à nous raconter si nous nous revoyions, mais nous restons dans cet agréable silence, à nous regarder, jusqu'à ce qu'il se décide et se redresse lentement, séparant nos doigts.

Nous avons dû nous réveiller fort tard, le soleil est à son zénith.

— Je vais prévenir votre ami de ce que vous êtes réveillée.

Un dernier regard, puis il revient avec Jules, qui se précipite à mon chevet.

— Elie, comment te sens-tu ? Te penses-tu capable de te lever ? Et ta cheville, te fait-elle toujours mal ?

— Je me sens beaucoup mieux, n'aie d'inquiétude.

En témoignage de ma bonne foi, je me redresse et m'apprête à me lever. Il me retient.

— Je vais appeler quelqu'un pour t'aider à te vêtir. Je suis désolé Elie, nous n'avons pas pu emporter beaucoup d'affaires avec nous, j'ai essayé de choisir des robes selon ce que tu avais l'habitude de porter...

D'une main, il me présente une malle. En effet, je ne suis pas vêtue de manière décente pour leur faire face. Ils me quittent en même temps qu'entrent deux jeunes filles.

Je me lève pour ouvrir la malle, et y découvre mes plus beaux ensembles. Ils ne me paraissent soudain pas si différents de cette robe que je dus mettre devant les deux étrangers, exposant une richesse que je n'ai pas - à me provoquer du dégoût.

Le Roi en faisant de moi sa musicienne m'avait offert de multiples robes sophistiquées, et je dois avouer que parmi la Cour et ces marquises somptueusement parées, je ne voulais pas me démarquer, mais...

Tout au fond, je trouve cette robe lilas aux détails de dentelle blanche, celle que Jérôme avait complimentée, la plus simple mais aussi la plus élégante de toutes.

— Mettons celle-ci !

Les femmes de chambre m'aident aussi à me coiffer, de manière simple, avec quelques perles. Elles sont aussi contentes que moi du résultat.

Ainsi apprêtée, je décide de retrouver mon duc qui doit être dans la chambre d'à côté - ma cheville me fait un peu mal, mais cela est supportable. Je me sens encore assez faible, comme si, si je me mettais à courir, je ferais de nouveau un malaise.

Il s'est changé lui aussi, il a quitté sa simple chemise pour arborer une tenue qui sied à son rang : un bleu profond côtoie le rouge vif, agrémenté de broderies dorées.

Je le trouve penché sur un billet, la mine soucieuse, où ne figurent que deux phrases écrites dans une langue qui m'est étrangère. Serait-ce de l'allemand ?

— Oh, Elisabeth. Je suis heureux de vous voir sur pieds. Vous êtes superbe.

Ses yeux brillent d'une telle façon que je sais qu'il la reconnut.

— Cette couleur violette se marie toujours aussi bien avec vos yeux noisette.

— Merci. Et qu'est-ce ? Serait-ce un mot du Fürst ?

La comtesse de Lisière [EN PAUSE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant