Chapitre 4

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Le lendemain matin, je rejoins le palais. Mon pas est plus assuré que la veille. Je m'attarde sur les détails du ciel, la vie me paraît avoir retrouvé de son éclat ; illuminée par le sourire de Jules.

Ce dernier, bien trop pressé, se dispense de me saluer pour me faire asseoir directement devant la harpe.

Il se prend une chaise, se met en face, et semble prêt à m'écouter.

Je contiens un rire, puis lui demande :

— Alors, que veux-tu que je te joue ? Dans mes partitions je n'ai que des brouillons plus ou moins achevés..

— Ton morceau favori, que ton père a composé !

— Oh.. Et bien oui, si tu veux. Je l'ai repris et y ai ajouté quelques éléments.

Je parcours la partition des yeux, une fois qu'elle m'est entièrement revenue à l'esprit. Je place mes doigts, inspire, et commence.

Les paupières fermées, les souvenirs ne peuvent que revenir, je les craignais.

Je le revois, le réentends ; mais cela ne me rend pas triste, c'est une douce nostalgie. Il me montre où je dois placer mes doigts sur le clavier, il sourit lorsque je réussis.

Père. Pourquoi m'avez-vous été ôté ?

Soudain la nostalgie devient un violent coup dans le cœur, ma poitrine me fait mal, je souffre. Les larmes viennent, je dois reprendre mon souffle, je retire mes doigts de l'instrument.

— Élie ? Pardon, je..

— Ce n'est rien, ne t'en fais pas..

Je prends une grande inspiration, et passe un doigt sous mes paupières, après trois ans j'en deviens sotte.

— Bois quelque chose. Clément, s'il vous plaît.

Il se lève, se rapproche de moi, et me force à le regarder dans les yeux.

— Pardon, c'était maladroit de ma part.. Mais sache que c'était très beau.. Tu te sens bien, tu es certaine ?

J'acquiesce, lui offrant l'esquisse d'un sourire.

On m'apporte un verre d'eau, que je finis bien volontiers.

Soudain, il sourit de façon bien trop enjouée.

— Sais-tu que mon père dispose d'une splendide bibliothèque ? À notre hôtel particulier, non loin d'ici.

J'en suis alors piquée par la curiosité et l'envie. Il me tend sa main, j'y mets la mienne, ravie.

— On part s'immerger dans le passé, comme nous nous amusions à le faire ?

Ces si beaux souvenirs. Peut-être les meilleurs.

— Quelle époque ? La Grèce antique, la République romaine ? propose-t-il.

— J'ai lu dernièrement des discours de Cicéron, il y a matière à débattre, poursuis-je.

Il enfile un de ces justaucorps brodés, inspirés de l'habit militaire, ma foi fort seyant.

— Et bien, va pour notre ami Marcus Tullius Cicero, fait-il en m'ouvrant gentiment la porte.

— Notre ami ? Tu es donc du côté des Optimates ? le taquiné-je.

— Ne sommes-nous pas de la noblesse ? Bien sûr que je suis de leur côté. Serais-tu du camp de Jules César ? s'horrifie-t-il de manière à me faire rire. Ce traître de la République !

En compagnie des livres, lancés sur des sujets antiques, à la mode humaniste, le temps vole. On débat, nous prenons pour de grands orateurs romains, essayons de lire du latin avec un accent italien, tentons de trancher sur la question d'une terre plate ou sphérique tout en sachant bien quelle est la vérité ; on s'amuse à philosopher ainsi sans grande conviction.

La comtesse de Lisière [EN PAUSE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant