Je suis devant mes appartements, en haut des trois marches, en face de la haute porte de chêne.
Jérôme, qui m'a raccompagnée, a ôté son chapeau, et se fige, les yeux baissés.
— Élisabeth je.. Rassurez-moi sur votre état.
Il est vêtu d'un joli rouge aujourd'hui. Je le remercie tant de sa présence, de sa bienveillance, de sa bonté à mon égard, de son amitié qu'il m'a offerte dès le premier soir.
— Merci Jérôme. Sincèrement.
Il sourit spontanément, essayant de l'ôter en se pinçant les lèvres.
— C'est la première fois que vous m'appelez par nom..
Oh, c'est vrai. Qu'il en tienne compte me donne à sourire aussi.
— J'ai été seulement un peu blessée, on m'a exprimé un tel mépris, fondé sur d'odieux mensonges.. D'autant plus que naïvement, je niais les regards et les jugements, désormais j'en ai saisi les fondements.. et.., bredouillé-je amèrement.
Plissant les lèvres, empathique, ayant dû bien saisir de quoi il s'agissait, il m'assure de sa voix douce et grave à la fois :
— Quiconque prend le temps de vous entretenir sait qu'il n'en est rien, que cela ne vous atteigne pas. Dites-vous que cela n'en vaut pas la peine.
Touchée, j'acquiesce, et me laisse y croire.
— Je garderai ces mots.. Merci. Oui, il faut passer outre, affirmé-je.
— C'est bien, vous êtes forte.
J'acquiesce, convaincue, et rassurée. Je le remercie intérieurement de ne point me demander plus de détails. Un dernier signe de la main, et nous nous quittons.
Avançant dans l'antichambre à pas lent, j'ai une sensation à la fois confuse et agréable, comme si Jérôme et moi étions amis depuis toujours, qu'il avait toujours été là, que son sourire m'avait toujours réconfortée, sa voix toujours soutenue..
Il m'apaise, tout à fait.
Puis me revient alors en mémoire cette Princesse allemande dans une douleur telle.
Qui suis-je pour rivaliser avec une Princesse ? Je m'étonnais du montant de ma dot, mais celui d'une fille de tel rang doit bien approcher le million...
Et puis pourquoi cela m'importe tant ?
Nier l'évidence ne mène à rien.
Mon cœur y est attaché.
C'est alors que je l'entends m'appeler ; j'accours vers la porte, le cœur battant.
— Élisabeth ! Je.. C'était un moment bien agréable avec votre ami, je suis encore honoré de ce que vous avez tenu à me le présenter.. Je vous suis obligé, et je désire agir de même. Je n'ai pas été honnête jusqu'au bout avec vous.. Je vous ai évoqué mon oncle, en omettant sa nièce qui l'accompagnait, que je considère comme ma cousine germaine.
Je l'ai en estime. J'ai passé ces trois dernières années à Vienne en sa compagnie. Je vous présenterai. Elle a un accent, mais elle parle et entend le français.
À l'entente de ces mots, je ressens une douce chaleur dans ma poitrine, diffuse, abondante. Cette jeune femme est de son sang.
— Très bien, ce sera avec plaisir. Ce soir même ? Je viens au Grand Couvert.
— Oh, oui, formidable. J'ai un ami proche également, sur le territoire lorrain, nous avons une petite différence d'âge, mais c'est ainsi qu'il est devenu un peu une figure fraternelle. J'espère pouvoir vous le présenter un jour.
VOUS LISEZ
La comtesse de Lisière [EN PAUSE]
RomanceFin XVIIe siècle (1680-90) Fille de comte, Élisabeth de Lisière est une harpiste de talent qui reste très affectée par la mort de son père, celui-ci laissant pour seul héritage de lourdes dettes. Attachée à l'espoir de retrouver son meilleur ami d'...