Je plongeai mon regard dans le sien et m'y noyai, partagée entre l'effroi et l'euphorie. Ariane s'était levée et se demandait comment elle pouvait bien me faire revenir a la réalité. Mais c'était a peine si je la voyais, obnubilée par le regard sombre de l'entraineur. Je savais qui il était mais je ne voulais l'admettre. Je ne voulais ni le voir ni l'entendre. Je souhaitais qu'il disparaisse a nouveau, comme lorsqu'il avait passé la porte en bois massif de l'orphelinat.
Une colère sourde consumait mon corps, faisant frémir mes doigts et trembler mon échine. J'étais incapable de lui en vouloir d'être parti, mais j'avais mis tellement de temps a essayer de me remettre de son départ, que le fait qu'il resurgisse ainsi dans ma vie m'ébranla violemment. Et c'était difficile à admettre, mais je m'étais habituée de son absence, j'avais appris à dire "je" au lieu de "on" et j'avais imaginé un avenir sans lui. J'étais passé à autre chose, et pourtant Clyde se tenait à nouveau devant moi.
Il m'observait simplement, sans aucune réaction visible, essayant sûrement de percer le mystère de ma présence ici. Etait-il au courant que j'étais sur Vivia depuis deux mois maintenant, ou étais-je la seule à ne pas savoir qu'un simple mur nous séparait ? Ariane savait-elle seulement combien il avait compté pour moi, ou était-elle aussi perdue que je l'étais en ce moment même ? Des centaines de questions dansaient devant mes yeux en me brouillant la vue, et je n'étais plus maître de mes sentiments, car je ne ressentais plus rien. J'étais complètement vide, aussi sentimentale qu'une pierre tombale. Que faisait-il là, bon sang ?
En l'observant plus en détails, je me rendis compte qu'il n'était plus exactement le même que dans mes souvenirs. Son nez semblait avoir été cassé à maintes reprise et son bras gauche, lequel il avait l'habitude d'enrouler autour de mes épaules, avait été remplacé par une prothèse en acier lui donnant la même allure que Bucky Barnes dans les Avengers. Son corps entier avait été sculpté par les coups, par la guerre et par la violence de ce monde. Il n'avait plus rien a voir avec celui de l'adolescent gauche que j'affectionnais tant. Mais dans ses yeux aux teintes d'hiver d'apparence, son regard était resté le même. En y plongeant dedans j'étais capable d'apercevoir le jeune homme confiant, plein d'espoir et avide de découvrir le monde et ses mystères. Il avait sûrement déjà tout vu et tout fait sur le front de guerre, mais j'espérai au plus profond de moi, qu'il était resté le même, le jeune écossais rebelle et visionnaire de l'orphelinat.
D'interminables secondes défilèrent, mais j'étais toujours incapable de faire le moindre mouvement ou de prononcer le moindre mot. J'examinai chacun de ses mouvements, essayant d'y déceler des bribes de réponses a mes questions, quelque chose, n'importe quoi qui m'expliquerait comment, de son voyage sur le continent, avait-il finit ici, seul, combattant dans une guerre qu'il n'avait pas voulu. Son voyage en Europe avait-il été réel, ou était-ce simplement une excuse comme mon entretien d'embauche ? Quand je relevai enfin mes yeux sur son visage je fus surprise d'y trouver des yeux presque larmoyants, une fêlure dans son armure en fer blanc. Une preuve qu'il avait gardé un semblant d'humanité. Je n'attendais à présent que d'entendre le son de sa voix, sa voix qui ferait enfin pencher la balance de mes émotions, et me donnerai la confirmation qu'il était bien là, face a moi. Mais quand je l'entendis enfin, ce fut une voix tout droit sortie des ténèbres, aussi froide qu'un blizzard:
"- Professeur McKin, que fait-elle ici ?"
Son regard métallique était braqué sur le professeur, qui semblait aussi gêné et désemparé qu'Ariane. Mais il n'eut apparemment pas à répondre pour que Clyde comprenne:
"- Vous l'avez aussi formée pour la guerre ? Mais elle ne peut pas, elle n'est pas faite pour ça ! Elle ne pourra pas s'en sortir ! Pourquoi l'avez-vous amenée au détriment de sa vie ? Etes-vous aussi égoïstes, vous et votre saleté de planète, pour penser que kidnapper des jeunes terriens sans leur avis pour ensuite les jeter dans la cage au lion rendrait la justice ? Vous êtes simplement trop faibles pour mouiller votre maillot à notre place. Je ne vous accordais pas une grande confiance avant, mais dorénavant, je ne vous comprends plus !"
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Sur une autre planète
Science Fiction"La vie sur Terre est un combat permanent pour ne pas sombrer, mais je ne pensais pas que la vie sur Vivia en serait un nouveau, tout aussi différent..." Depuis mon arrivée sur Vivia, planète qui m'était jusqu'à maintenant inconnue, je redoute chaqu...