Sur une autre planète

☾Partie 1/4

L'entraînement virtuel s'arrêta quelques secondes plus tard, et je me retrouvai dans le noir, mon casque appuyant encore contre mon oeil blessé. J'entendis dans le vide la voix d'Hemna, qui félicitait l'équipe verte. A cette phrase, je sentis mon sourire vainqueur s'élargir encore de quelques millimètres, et je fus rassurée à l'idée que personne ne me voyait rougir, leur casque encore sur leur visage.

Quand j'eus défait mon équipement et retrouvé la lumière du jour, je découvris le drapeau que je tenais dans mes bras. En réalité augmentée, je voyais un grand étendard flamboyant, couleur sang et qui scintillait presque au milieu de la neige. En vérité, un bout de tissu minable était simplement accroché à une branche, et la couleur était fade, se rapprochant plus du marron. Pourtant, cette vue ne me répugnait pas, et j'étais toujours aussi fière d'avoir réussi à le dégoter, presque sans encombre.

En me retournant, difficilement à cause des câbles qui me tenaient, je découvris tous les autres apprentis, en sueur. Apparemment, la glace et le vent ne leur avait pas empêché de revenir en nage. En peu de temps, tous les regards se dirigèrent en particulier vers mon bras droit qui tenait l'objet de convoitise des verts. J'entendis quelques applaudissements, ainsi que des grognements voulant dire que cette victoire n'était pas méritée. Au loin, je vis William, un léger sourire sur le visage. Il semblait tout de même heureux pour moi, et j'en étais touchée, après ce que Giles, Esmée et moi lui avions fait. Je voyais d'ailleurs ces deux au fond, le rouge aux joues. Giles, lui, semblait mécontent, encore plus renfermé qu'avant. Ses yeux étaient en même temps fuyants mais lourds de colère. M'en voulait-il pour quelque chose ? Mais contrairement à lui, Esmée arborait fièrement ses deux pouces vers le haut dans ma direction, effectuant en même temps un clin d'oeil rempli de compassion.

"- Encore uns fois, félicitations pour l'équipe verte et mes applaudissements pour Jo Beveridge, détentrice du drapeau rouge."

***

Encore sur un nuage, je traversais le couloir, entourée par le reste des apprentis. Quelques regards se faisaient insistants sur moi, mais je n'y prêtai pas attention. J'étais maintenant décorée d'une nouvelle queue de rat sur ma combinaison, mais je cherchais vainement Giles, pour lui demander des explications à propos de son attitude. Depuis que nous étions sortis de la salle de réalité virtuelle, il était devenu introuvable. Je me rappelais encore quand j'avais cherché Ariane après notre premier entraînement identique à celui-ci, je l'avais retrouvée blessée, presque chauve et embarquée dans un pétrin qui lui aura valu plusieurs nuits blanches.

Mais, emprisonnée par la foule, je me retrouvai dans les dortoirs féminins, au milieu de toutes les jeunes femmes qui parlaient toutes plus fort pour se faire entendre. Ariane me rejoignit, le sourire aux lèvres:

"- Alors comme ça, on trahit sa copine rouge pour voler son drapeau ? Mais je rigole, ma Jo, je suis trop fière de toi ! me cria-t-elle quand elle vit que je me sentais gênée. Je te jure, quand j'ai su que tu avais gagné, j'étais la plus heureuse de mon équipe."

D'une tape dans le dos, mon amie me redonna le sourire et je me mis à tout lui expliquer, mon angoisse face à la défaite, l'excitation d'avoir trouvé le drapeau, la rassurance au moment où j'ai trouvé Esmée, jusqu'à ma fierté sans fin quand je tenais l'étendard. Giles m'était alors complètement sorti de la tête.

"- Personnellement, me lança Ariane, j'ai suivi le troupeau sur la colline, mais je n'ai pas fait grand chose. J'ai été tellement flemmarde, pendant cet entraînement ! Mais finalement, ça ne m'a pas déplu."

D'un seul coup, elle se mit à rire, et je fis de même à ses côtés. Cette victoire m'avait réellement détendue, et je me sentais agréablement bien. Cette nouvelle médaille sur ma combinaison semblait peser contre a poitrine, assez pour que je sente sa présence et que cela me procure une grande fierté. Mais au bout de quelques minutes, le remue-ménage dans la pièce commune féminine me monta à la tête, et l'envie de retrouver Clyde apparu en moi. Et qui sait, peut-être trouverai-je Giles en chemin. En avertissant seulement Ariane et Esmée, je sortis du dortoir et profitai un moment du silence pesant qui emplissait le couloir.