Sur une autre planète

- Ariane -

Qu'avais-je fait pour en arriver là ? Cette question tournait en boucle dans ma tête pendant que je regardais les portes du vaisseau se refermer sur nous. Avais-je pris les bonnes décisions ? Referais-je les mêmes, si j'avais l'occasion de recommencer ? N'avais-je seulement jamais eu le choix ? Ou ma vie n'était-elle qu'un infini recommencement des mêmes erreurs n'ayant qu'une conclusion possible ? Je laissai ces doutes planer. Peut-être que mes actions d'aujourd'hui pourront pardonner les erreurs que j'avais commises ?

Face à toutes ces questions sans réponse, je fermai les yeux, et me retrouvai à nouveau dans les vieux quartiers de Londres, l'odeur des pavés humides de la dernière pluie emplissait mes narines, et la nuit couvrait mes méfaits, comme elle le faisait toujours...

***

Enchainant marche rapide et course effrénée, je ne pus éviter la flaque d'eau face à moi, et ma ranger noire embrassa le liquide transparent en l'espace de quelques secondes. Eclairée par le réverbère à quelques mètres de moi, je pus nettement voir la tâche d'eau commencer à se démarquer sur le bas de mon pantalon, et les jurons atteignirent mes oreilles avant même que je me rende compte que c'était moi qui les lançais par ribambelle. Enervée, je fis tomber mon deuxième pied dans l'eau, qui paraissait noire dans l'obscurité, et continuai mon chemin, les deux chaussures maintenant trempées.

Je ne m'attardai pas dans les ruelles peu sûres, et montai vivement les escaliers jusqu'à arriver au palier de ma porte. En sortant rapidement les clés de ma poche, celles-ci m'échappèrent des mains et tombèrent dans un bruit fracassant, qui occasionna de nouveaux soupirs de ma part. En les enfonçant enfin dans la serrure, je savais déjà qu'en ouvrant la porte, Elena, ma sœur, serait là. Elle me raconterait les derniers ragots du secondaire, me décrirait le garçon sur lequel elle craquait, me donnerait les notes de son dernier contrôle de mathématiques et je l'écouterai attentivement, oubliant un instant que d'ici quelques heures seulement, je repartirai travailler. J'effectuerai des livraisons, réparerai quelques moteurs, dormirai un peu et je repartirai accomplir ce qui ne pouvait être fait en plein jour.

Le seul job qui me permettait d'assumer nos deux vies à moi seule. Dans mes rêves, je travaillais pour le MI5 et protégeais mon pays des gens comme moi, de ces parasites qui fournissaient armes et drogues aux mauvaises personnes. Si seulement j'avais encore le choix, si seulement je n'avais pas choisi la facilité, si seulement je m'étais accrochée un peu plus fort à ces rêves.

Mais quand je rentrai dans notre appartement, tout s'effaça, et les rires de nos longues soirées d'été parvinrent une nouvelle fois à mes oreilles. Ces gloussements, que j'oubliais rapidement après avoir passé le pas de la porte, revenaient sans cesse quand je parvenais dans mon petit appartement, et ce même sentiment me faisait chaque fois sourire. Le chat vint se frotter contre mes rangers, avant de disparaitre sur une étagère de la bibliothèque, et je m'empressai de balancer mes chaussures à côté du paillasson. Cette boule de poil noire n'était que l'objet d'un caprice d'Elena. Celle-ci avait refusé de le laisser dehors, cet hiver, et le chat de gouttière partageait depuis notre foyer. Par manque d'idée, de temps, et d'accord commun, nous l'avions finalement baptisé "Chat", et Elena disait ironiquement que ça lui allait bien.

Mes chaussettes rencontrèrent le contact doux du tapis moelleux au sol, et je m'empressai de m'asseoir sur le canapé, laissant échapper un long râle de soulagement. En jetant un coup d'œil à ce qui faisait notre maison, j'observai les cahiers de cours encore ouverts sur la table basse, les tasses de cafés entamées posées négligemment à côté, et les plantes sur le meuble du salon qu'on avait du mal à garder en vie. Lorsque leurs feuilles commençaient à brunir, nous nous empressions de les remplacer par de nouvelles, qui nous donnaient à nouveau l'impression d'avoir échangé ce Londres pluvieux pour un pays tropical.

Dans les cadres, qui trônaient sur la petite bibliothèque de l'entrée, étaient affichées des photos des Noëls, ainsi que des après-midi jeux de plateaux avec le petit ami d'Elena, et de vieilles photos avec notre frère ainé, avant que celui-ci parte vivre le rêve américain de l'autre côté de l'Atlantique. Je le trouvais tellement égoïste pour m'avoir laissée ici me noyer dans les dettes, l'éducation d'Elena et le deuil de maman. Mais peut-être avait-il été le plus intelligent de nous deux, en s'enfuyant en premier.

***

Aujourd'hui, je pouvais le comprendre, n'avais-je pas fait pareil ? Ce jour là, j'avais été contactée par mon mentor, j'avais entendu parler de Vivia pour la première fois, et j'avais tout laissé derrière moi pour tenter l'aventure. Je m'étais assurée que les études d'Elena furent entièrement payées, qu'elle puisse un jour s'en sortir, j'avais fourré mes affaires dans un sac a dos, l'avais embrassée une dernière fois et m'étais à mon tour enfuie. Je ne pouvais envisager l'idée qu'un jour, mes ennuis me rattrapent et qu'un officier de police lui annonce que mon corps avait été retrouvé sans vie dans une de ces ruelles malfamées, car c'était ce qui aurait fini par arriver. Peut-être aura-t-elle le courage dont j'avais manqué pour appeler Jaime, notre frère, et le rejoindre dans l'Ohio ? Une chance de ne plus avoir qu'à se préoccuper de comment allait-t-elle s'habiller pour le bal, et non plus de savoir si sa sœur rentrera ce matin.

Quand je rouvris les yeux, j'étais de retour dans le vaisseau rempli de jeunes soldats et je me demandai ce qu'eux faisaient ici aujourd'hui. Essayaient-ils, à leur tour, d'échapper à un passé trop lourd ? Je me demandais aussi ce que le recruteur avait vu en moi, était-ce ma détermination, ou ma capacité à effectuer les tâches les plus ingrates qui l'avaient décidé ce jour-là ?

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Un petit passé d'Ariane, qui, on ne va pas se le cacher, fait plutôt plaisir, hehe ! 😜

J'espère qu'il vous aura plu, car après celui-ci viendra celui de William et d'Esmée ! Et après, j'ai bien peur que ce soit terminé... snif 😢

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