☾Partie 4/4

120 17 27
                                    

Mes yeux étaient lourds et ma tête, encore dénuée de pensées. Je sentais peu à peu l'agitation revenir autour de moi. Quelques secondes plus tard, je pus discerner la voix de l'homme.

L'homme, les nausées, les gardes, Vivia, Madame Rossignol. Tout me revint en tête, et le calme que j'avais enfin trouvé laissa place à un violent ouragan, qui ramena avec lui mes vieux souvenirs. Un orage éclata en moi, j'ouvris les yeux.

Ils étaient tous autour de moi, et me regardaient tranquillement.

"- Ah, tu es enfin réveillée, dit le petit homme."

Je le foudroyais du regard. J'étais à nouveau ligotée sur une chaise, avec maintenant deux cordes autours de mes mains et trois autour de mes jambes. Ils avaient pris des précautions... Et si être attachée comme un saucisson ne suffisait pas, ils avaient enfoncé leur corde sale et poussiéreuse dans les entailles faîtes plus tôt sur mes poignets en me dégageant. Mes avant-bras brûlaient maintenant en me lançant des décharges de douleur, et je craignis l'infection. Mais la colère, elle, ne m'avait pas quittée. Ce sentiment haineux me tiraillait l'estomac. J'avais soif de vengeance. Je voulais montrer à ces personnes ma colère, mon dégoût envers eux. Mais comment ? Aucune idée. Voir leur tête me donnait envie de leur cracher au visage et de leur vomir dessus. Je voulais faire quelque chose, mais je n'en avais pas les moyens.

"- Pourquoi me suis-je évanouie ?! demandai-je avec brutalité."

Les gardes regardèrent leur chef, en cherchant une réponse dans son regard.

"- Tu étais bien trop énervée, nous devions te garder en place. Tu as respiré un peu de gaz anesthésiant et ça a fait l'affaire. Tu es restée évanouie quelques heures et nous sommes bientôt arrivés."

La nervosité, qui m'avait quittée quelques secondes, revint en grande force. Je me mis alors à éclater d'un rire féroce, en levant la tête au ciel et tapant des pieds par terre. Je ne savais pas d'où venait cette nervosité, mais je me sentais idiote derrière cette allure de colérique au tempérament diffcile. Si idiote d'avoir perdu 18 ans de ma vie à ne rien faire et se retrouver là. Là où ma vie n'aura plus aucun sens. Cette vie qui était la mienne était maintenant tellement dénuée de sens, que c'en devenait horriblement hilarant. Je vais servir de chair à canon au milieu d'une guerre que je n'ai pas commencé et pour une planète qui n'est pas la mienne. Tellement improbable... Mais comme d'habitude, aucun réflexe du côté des gardes, et encore moins de l'homme.

Ils me regardaient en me prenant sûrement pour une folle, mais je continuais, sans pouvoir m'arrêter. Je vis le petit homme s'approcher de moi, lentement. Arrivé à quelques centimètres de mon visage, il leva sa main et me frappa avec une force qui m'était inconnue. La vue de sa main s'approcher dangereusement de moi m'avait fait un choc, mais je n'avais pas eu le temps

La violence de sa claque sur ma joue me fit presque tomber de la chaise, et les tâches noires réapparurent devant mes yeux. C'était comme si j'avais quitté la terre ferme quelques secondes pour atterrir brutalement sur le sol.

La douleur fulgurante transperça ma joue et commença à me brûler atrocement. J'avais la bouche ouverte, et n'avais plus la force de la fermer. Je sentais que ma respiration était saccadée et mon pouls s'accélérait. L'homme m'avait assommée, autant au sens propre qu'au figuré.

"- Tu te sens mieux, maintenant ?"

Personne n'avait bougé dans la salle. La honte grandissait en moi, et maintenant, il n'y avait pas que ma joue qui me brûlait. Tout mon corps était en feu, mais pas pour la même raison. Cette chaleur était ma colère, ma tristesse et mon désarroi mélangés, qui tentaient de s'échapper.

"- Apparemment, donner une claque aux personnes incontrôlables les calme. A ce que je vois, tu ne rigoles plus comme une demeurée. La technique a dû marcher.

- C'était nerveux..."

Si il y a quelques minutes, je rigolais sans pouvoir me contrôler, les larmes jaillissaient maintenant de mes yeux. Le cyclone voulait apparemment sortir... Ma joue, encore brûlante et sensible, tressaillait à chaque nouvelle goutte salée.

"- Je veux rentrer, simplement rentrer."

Malgré mes pleurs tout aussi incontrôlables, ma voix était restée la même. Aucun tremblement ou sanglot n'était sorti de ma bouche. La voix du petit homme retentit dans la salle:

"- Messieurs, pourriez-vous quitter la pièce, afin que je m'entretienne avec mademoiselle Beveridge ?"

Les gardes acquiescèrent de la tête et sortirent silencieusement. Maintenant, j'étais encore plus mal à l'aise. La peur s'était ancrée en moi et ne comptait pas s'y déloger.

"- Ecoute Jo, tu n'es vraiment pas une fille facile. Mais c'est ce qui fait de toi une combattante redoutable. Tu ne te laisses pas faire."

Je ne répondis pas.

"- Tu peux encore pleurer longtemps si tu le veux, mais ça ne changera rien à ton destin.

- Savez-vous ce qu'était sensé être mon destin ? Avoir un petit boulot assez stable pour me payer un petit appartement, trouver un petit ami, me marier, trouver un meilleur travail, gagner plus, avoir des enfants et mourir en paix, tout en restant sur Terre ! Vous avez chamboulé toute ma vie, toute mon existence ! Connaissez-vous ce sentiment ? Ce sentiment que vous ne manquez à personne, que mourir n'affectera aucune autre vie ?

- Oui, je le connais parfaitement."

J'étais en train de lui cracher toute ma haine au visage, mais sans raison apparente, sa réponse me calma d'un coup. Il était aussi passé par là. Il me comprenait.

"- J'avais 15 ans quand on est venu me chercher sur Terre, avec ma sœur. Elle était dans un autre vaisseau que le mien, et je ne pensais qu'à la revoir tout le long du trajet. Je n'étais qu'un adolescent, mais j'avais l'impression que ma vie s'arrêtait là.

- Vous avez aussi été enlevé...

- Je comprends ton sentiment d'impuissance, et je sais ce que ça fait. Mais sache que chaque personne qui a vécu ce chamboulement dans sa vie s'en est sortie.Tu trouveras une place dans notre société, bien meilleure que sur Terre. Ton rôle sera de protéger ton peuple. Ta vie aura enfin un but, tu auras une cause à défendre et la vie de populations entières dépendra de toi.

- Mais ce n'est pas mon peuple ! Je serai encore plus inconnue sur Vivia que je l'étais sur Terre ! »

J'avais l'impression d'avoir à nouveau fait éclater ma rage, mais il semblait continuer de réciter un discours appris par cœur et ne semblait même pas avoir entendu mon intervention :

- Si tu veux rentrer, ma foie, nous pouvons te ramener sur Terre et te laisser mourir en paix. Mais ta vie sera loin d'être banale, elle sera médiocre et sans but apparent. Si tu nous suis sur Vivia, ton rôle sera de protéger ton peuple. Ton travail ne sera pas de faire des pizzas et être remerciée par le chef cuisinier, mais te battre contre nos ennemis, et avoir la gratitude de toute une planète. Bien sûr, tu mettras ta vie en danger chaque jour et c'est le prix à payer pour ressentir la fierté d'avoir vaincu l'ennemi, de lui avoir fait mordre la poussière et d'être acclamée par des millions de personnes. A toi de voir si le jeu en vaut la chandelle. Tu tiens ton destin entre tes mains, alors je vais te poser une seule question. Veux-tu rentrer sur Terre ?"

Sa voix résonnait en écho dans mon esprit "Veux-tu rentrer sur Terre ?". Les secondes se succédaient, mais j'étais incapable de répondre à cette question. Je ne pouvais pas choisir. Je n'y arrivais pas.

_________________________

Ahlahlah... dur dur de faire un choix !! 😟

Qu'en pensez-vous, jusqu'à maintenant ? 

Pour plus d'action... votons !! 🌟

__________________________

Sur une autre planèteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant