☾Partie 2/2

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Voilà maintenant cinq bonnes minutes que les explosions se faisaient entendre autour de nous, cinq minutes d'angoisse qui me tiraillaient le ventre. A quelques mètres de moi, je voyais Ariane et Esmée me jeter des regards terrifiés, auxquels j'étais incapable de répondre. Mes muscles se figeaient les uns après les autres, tandis que je m'imaginais des milliards de scénarios différents dans mon esprit. Etait-ce au moins un exercice ? Je l'espérais intérieurement, je l'espérais de tout mon être jusqu'à en oublier de respirer.

La fenêtre à présent brisée, je sentais la fraîcheur de la nuit s'engouffrer entre les rideaux et dans la pièce, et une fumée sombre dansait devant nous. Ces nuages âcres me donnaient des hauts le coeur, et je parvenais par moment à apercevoir ces volutes, lorsqu'un nouvel obus atterrissait dehors, provoquant quelques étincelles. Au milieu de cette cohue, j'eus le temps d'apercevoir Hemna ouvrir la porte et entrer en trombe dans le dortoir.

"- Recrues, habillez-vous, et vite ! Tout le monde dans les salles d'entraînement d'ici deux minutes !"

Une jeune fille se risqua à demander ce qui se passait à notre cheftaine, mais celle-ci ne lui adressa même pas un regard. La porte resta ouverte, et je l'entendis se diriger rapidement vers le dortoir des garçons. Malgré la peur qui me scalpait l'estomac et me tailladait la gorge, je me levai sans attendre et attrapai ma combinaison à la volée. Celle-ci était encore humide par le lavage, mais cette sensation n'atteignit même pas mon cerveau. Embrouillée par l'angoisse et le choc, mes membres bougeaient en cadence, comme un robot, mais malgré ça, il me fallut plusieurs secondes pour enfin réussir à enfiler mon vêtement.

Plusieurs filles étaient déjà sorties de la pièce en courant, alors que je peinais encore à lacer mes chaussures convenablement. Très vite, Esmée passa à côté de moi, et m'intima de la suivre, pour ne pas perdre de temps.

"- Tu feras ça plus tard, ce n'est pas ce qui presse !"

Sans attendre, je suivis ses ordres et me mis à courir derrière elle. J'avais l'horrible impression que mon coeur remontait jusqu'à ma gorge, et des nausées me prirent à plusieurs moments. Mais je n'avais pas le temps pour écouter mon corps, je ne pouvais pas le laisser faire, cette fois-ci. L'esprit est plus fort que le corps, l'esprit est plus fort que le corps... Je me répétai cette phrase un nombre incalculable de fois, mais des fourmis commençaient déjà à remonter le long de mes bras, et mes yeux rougissaient. Après ce réveil plus que violent, le manque d'énergie s'empara à nouveau bien vite de moi, et je dus me retenir de trébucher à plusieurs reprises.

Autour de moi, les cris de frayeur ou les ordres donnés à tue-tête me donnaient mal au crâne, tout le monde s'empressait de retrouver les escaliers pour descendre le plus rapidement possible, et cette masse grouillante de monde m'opprimait à tel point que je sentais l'air se bloquer au niveau de mon diaphragme. Dans cette agitation, la main réconfortante d'Esmée entre mes doigts me fit plus de bien que je ne l'aurai cru. Je sentais ses articulations s'entrechoquer dans ma paume, et la sueur dégouliner de celle-ci, mais en levant la tête, je découvris son regard impassible. Aucune lueur ne brillait dans ses yeux chocolat, seulement les larme discrètes qui perlaient aux côtés de ses orifices.

Dans la précipitation, mon amie n'avait pas eu le temps de s'attacher les cheveux, comme habituellement, mais ses mèches blondes entouraient son visage rond et descendaient jusqu'à ses omoplates. Après avoir croisé son oreiller, celles-ci avaient quelque peu perdu leur raideur habituelle, et quelques fils d'or s'étaient dressés sur le haut de son crâne. Je pouvais également discerner par-ci par-là des petits noeuds, qui se perdaient dans sa masse capillaire. Bizarrement, je trouvais que ces détails la rendaient plus rassurante. Les seuls éléments qui pouvaient démontrer son anxiété étaient ces cernes autour de ses yeux, deux cercles bleus foncés creusés par la fatigue et la peur, et ses ongles, rongés jusqu'au sang.

Sur une autre planèteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant