-William-

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Devant mes yeux, le doux reflet de l'eau m'hypnotisait presque. Des millions de scintillements dansaient au-dessus de ces vaguelettes, plein de petites étoiles qui s'éteignaient et se rallumaient à intervalles réguliers, alors que le soleil disparaissait lentement derrière mon dos. Je sentais encore ses derniers éclats me lécher la nuque, avant de laisser la place au vent. Celui-co fit voler mes cheveux devant mon visage et m'obligea à fermer les yeux. La fraîcheur du soir effleurait mes joues en laissant derrière son passage de légers picotements, qui rosissaient mes pommettes. Même en enfonçant mon visage dans mon blouson, le froid se propageait encore, et engourdissait mes membres à petit feu.

En serrant encore un peu plus les poings dans mes poches, je me concentrai pour faire abstraction de l'air glacé qui voulait s'immiscer dans chaque particule de mon corps, et je me remis à réfléchir. Depuis ce matin, les pensées envahissaient mon cerveau, se frayaient un chemin dans ma tête pour qu'elles soient sûres que je ne les oublie pas. Et sur ce point, elles n' avaient pas tort... Il ne se passait pas une minute sans que je pense à elles. Les yeux luisants de larmes de ma mère me fixaient toujours, et j'avais encore l'impression d'assister aux changements d'attitude de mon père. De la stupeur à la rage, en passant par la déception.

En me repassant ces images, j'avais simplement envie d'évacuer ma colère en faisant valser mon sac dans le fleuve. Et moi avec, par la même occasion. Celui-ci contenait les uniques affaires de rechange que j'avais réussi à emporter, avant de sortir de la maison en trombe et de sentir la porte se refermer dans mon dos. A ce moment là, j'avais compris que la relation que j'avais avec mes parents venait elle aussi d'être scellée. Leurs cris faisaient remonter ces larmes que j'avais réussi à tarir jusqu'ici.

Un appel de l'université avait été la goutte de trop, le battement d'ailes de papillon qui avait semé le chaos dans la bâtisse. Je n'avais pas été retenu en année supérieure, j'avais lamentablement échoué scolairement parlant, alors que mes parents ne se l'étaient même pas imaginé une seule seconde. S'ils s'étaient seulement un peu plus souciés de mon état, ils auraient sûrement remarqué que je ne prenais plus goût à rien, que mes cahiers restaient fermés sur mon bureau, et que mon temps libre avait été multiplié par deux.

A partir du deuxième trimestre, une ancienne petite amie m'avait ouvert les yeux sur la relation que j'avais avec mes géniteurs, qui était en fait inexistante. Je m'étais rendu compte que mes excellents résultats étaient pour eux la seule source de bonheur que je pouvais leur offrir, et inconsciemment, j'étais moi-même au courant, car je faisais tout pour garder un niveau plus qu'acceptable au long de l'année. 

J'avais finalement réussi à souffler, à relâcher la pression, malgré la difficulté que ç'eut été les premières semaines. Observer mes notes chuter après chaque contrôle était comme un cube en terre cuite qui descendait le long de ma gorge, c'était dur à avaler. Après ça, j'avais commencé à sortir, j'avais pris goût aux boîtes de nuit, testé et regretté la cigarette, et goûté le verre de whisky, qui m'avait enflammé l'oesophage. En y repensant, tout cela me donnait envie de vomir. On m'avait affirmé que j'allais devenir plus à l'aise avec le temps, mais finalement, ces bêtises ne m'intéressaient pas plus que les bulletins de fin de trimestre.

Après ça, je m'étais rendu à l'évidence. Plus rien ne tournait correctement chez moi, je n'avais plus rien à quoi me raccrocher, plus aucune torche pour me guider dans la nuit. Et cette dernière dispute avec mes parents avait davantage envenimé la situation. J'étais parti, j'avais tout lâché et maintenant, je me retrouvais ici, face à cette étendue d'eau qui semblait m'intimer de la rejoindre. Et bizarrement, je ne pensais qu'à sauter.

En fermant les yeux, je pouvais presque sentir le choc glacé qui allait me traverser les premières secondes. Puis, cette sensation allait se dissiper, et les légères vagues commenceraient à me bercer, alors que la gravité me ferait lentement descendre vers ces tréfonds inconnus. Le bruit des voitures cessera d'exister, mes pensées noires s'envoleraient en même temps que mes poumons s'enflammeraient, et au bout de quelques malheureuses secondes, tout pourrait enfin s'éteindre. Le grand huit qui représentait ma vie arrêterait enfin sa course effrénée, et les cris des passagers dans les wagons se dissiperaient enfin.

Tout prendrait fin, dans le plus grand des calmes.

Pourtant, mes talons ne quittaient pas le bitume. J'avais beau osciller sur le sol depuis plusieurs minutes maintenant, je n'arrivais pas à me résoudre à sauter. Et si tout ce que j'avais prévu ne se passait pas correctement ? Et si je décidais trop vite ? Est-ce que je raterai ce qui allait causer mon bonheur, si j'arrêtais tout maintenant ? En pensant à tout cela, mon coeur se déchirait en deux, s'ouvrait lentement en me faisant souffrir, et mes yeux se remplissaient de larmes. Même en le voulant, j'avais peur de la mort. J'étais effrayé par cet endroit inconnu, cette chose qui n'existait peut-être même pas, cette soi-disante fin qui n'en était peut-être pas une.

Et puis merde, j'en ai marre de réfléchir...

Ce fut sur cette dernière réflexion que mes chaussures quittèrent enfin le sol, et je fermai les yeux en attendant que la fraîcheur me submerge. Par simple habitude, je retins ma respiration, mais au lieu de rencontrer le contact de l'eau, une poigne assurée encercla mon épaule, et je lâchai un cri de stupeur.

***

Mon mentor m'avait retenu. Il m'avait empêché de partir si stupidement en me promettant une vie meilleure sur Vivia. A présent, ainsi balloté dans ce vaisseau, je n'en étais plus si sûr.

Au moins, je serai mort en héros, et non pas dans un malheureux suicide, à pourrir au milieu des algues et des poissons affamés...

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Et voilà, la fin de cette partie qui nous parle un peu plus du moral de William..! Au plus bas, on peut le dire... 😵

Laissez-moi votre ressenti, et soyez encore un peu patients en attendant le flashback d'Esmée... il va envoyer du lourd, je vous le dis ! 😝

Pour plus d'action... votons !! 🌟

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Sur une autre planèteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant