☾Partie 3/4

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・∙Esmée∙・

Je me tenais debout. Encore et toujours, malgré ce qui se passait autour de moi. Je me tenais debout, au milieu des balles, des cris, du sang, du sable. Je me tenais debout, malgré la peur qui me coupait les jambes, et l'angoisse qui me faisait oublier mon cœur. Celui-ci partait en vrille, et j'entendais ses battements frénétiques dans tout mon corps, comme si cet organe vital s'était transformé en moi-même. Et le sang qui battait contre mes oreilles le suivait, telle une basse lors d'un concert. Il tapait tellement fort que c'était à peine si je discernais le moindre bruit. Mais même si je n'entendais pas chacun de mes pas, je sentais tout, je ressentais chaque seconde puissance mille.

Ma peur n'avait jamais été aussi grande, mon arme pesait dans mes bras telle une enclume, les larmes coulaient comme si les chutes du Niagara s'étaient immiscées dans les yeux. Mais derrière ces deux grandes cascades, je voyais encore ce corps. Ce soldat ennemi qui gisait au sol, une nouvelle carcasse parmi d'autres, mais une chose la différenciait des suivantes. C'était moi qui l'avait tué, j'avais tiré sans même m'en rendre compte. Je le voyais se rapprocher, et soudain, j'ai levé mon fusil. Une balle dans le ventre, la deuxième dans le crâne.

Comme si cela n'avait pas suffit une fois, il avait fallut que je réitère le geste une nouvelle fois. La deuxième balle avait fait gicler du sang, et quelque chose de visqueux. De la cervelle ? Je n'osais même pas y penser. Je ne voulais plus y penser, car j'étais toujours debout, les deux pieds ancrés au sol alors que lui avait mangé la poussière. J'avais tué pour la première fois, pour sauver ma peau, et pourtant, je n'en étais pas fière. Mais à quoi avais-je pensé en arrivant ici ? Que guerre et armes pouvaient coexister sans décès ? Quelle fille stupide...

Dans le vaisseau, j'avais entendu le professeur McKin, « Actuellement, il n'y a quasiment plus de morts, seulement des blessés. ». Eh bien, il s'était trompé, le soldat devant moi en était la preuve.

« - Esmée ? »

Pétrifiée, je me retournais, et découvris Ariane, son épée à la main.

« - Ca va ?

-       Je... je l'ai tué. »

Je lâchai cette déclaration en laissant apercevoir des brisements dans ma voix. Quand Ariane se rendit compte de mon état, elle se rapprocha encore de moi, et commença soudain à parler d'une voix rassurante:

« - Ce n'est pas grave... Enfin si, tu viens tout de même de tuer quelqu'un, mais c'était pour te sauver, toi. Tu étais obligée, et tu le savais, car tu as réussi à tirer. Tu as fait ce que tout le monde te dit de faire depuis le début, et tu n'as pas à t'en vouloir, pour ça.

-       Mais il est mort !

-       Et c'est comme ça ! Tu ne peux plus rien faire, juste remonter ton arme et recommencer encore et encore, autant de fois qu'il le faudra pour rester en sécurité. »

A la remarque d'Ariane, mes yeux s'écarquillèrent. Il allait falloir que je refasse ça, et je ne m'en étais même pas préoccupée. Cette révélation brûla en moi, sembla consumer mes organes et mes membres, jusqu'à remonter dans ma gorge. Mes mains tremblaient autant que mes jambes, mais j'eus encore la force de vomir au sol. C'était comme si je recrachais une partie de mes tourments, comme si je libérais mon corps de toute cette angoisse accumulée.

« - Ce n'est pas grave, on va s'en sortir, me rassura la jeune brune.

-       Et toi ?

-       Quoi, moi ?

-       Tu as déjà tué quelqu'un ? »

Ariane ne me répondit pas, mais jeta un long regard vers son épée. Sur celle-ci coulaient encore quelques gouttes écarlates, qui tombaient au sol après avoir léché ses doigts.

Sur une autre planèteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant