Rapport de mission n°1
Lors de notre trajet en vaisseau jusqu'à la cote du front Est, les discussions tournaient encore sur les diverses stratégies de défense que nous utiliserions une fois au milieu des tirs. Notre commandant nous donnait les derniers ordres, et dernières informations à connaître avant l'atterrissage. Je l'écoutais d'une oreille distraite, dressant une liste des choses que je n'aurais jamais eu l'occasion d'accomplir si je devais rendre mon dernier souffle ici. C'était notre première mission depuis notre arrivée sur cette planète étrangère, et nous allions enfin voir de quoi la planète Vénéa était réellement capable pour nous mettre à terre.
Je rêvais encore lorsque le compte a rebours avant l'atterrissage commença, les dernières secondes avant la mort pour certains d'entre nous.Les portes s'ouvrirent enfin, laissant entrer la lumière du jour, mêlée à la fumée des obus dans l'habitacle de notre vaisseau. Et puis tout s'accéléra soudainement, nous ne faisions que nos premiers pas sur le front que déjà les tirs de l'ennemi fusèrent. J'étais incapable d'assimiler ce qu'il se passait juste sous mes yeux, incapable de réfléchir correctement. Notre supérieur nous hurlait des ordres, imperceptibles au milieu du vacarme environnant. Je ne voyais pas encore ce qui se passait autour de moi que je voulais déjà repartir. Mais je continuais d'avancer, cherchant désespérément à me mettre à l'abri. Des jeunes tombaient juste sous mes yeux, des camarades avec qui j'avais partagé le dortoir. Je me mettais à regretter de ne pas avoir essayé de plus les connaître. Bizarrement, on ne s'intéresse à la vie de certaines personnes que lorsqu'elles ne peuvent plus nous la raconter.
Je voulais intervenir. Peut être aurais-je pu les sauver, mais dans les effusions de sang, je ne discernais même pas les tirs ennemis des nôtres. Je m'accrochais plus ardemment aux manches des poignards qu'on avait mis entre mes mains. Je m'en étais servi pendant toute la durée des entraînements, mais ils me paraissaient aujourd'hui inconnus. Habitué à les rouler entre mes doigts, il tremblaient maintenant et manquaient de tomber sur le sol. Jamais je ne m'étais fait à l'idée que ce simple outil tranchant serait à mes côtés seulement pour tuer. Serais-je vraiment capable de mettre fin à la vie d'un soldat ? Je n'en avais pas la moindre idée mais il fallait que je fasse quelque chose et vite.
Je rassemblai enfin ce qu'il restait de mon courage et me levai, me mettant a découvert. Je ne discernais même plus le danger, qui était pourtant là, juste à mes côtés et qui pourrait me frapper à tout moment. C'est lorsque je me rendis compte de cela qu'un obus antipersonnel atterrit à quelques mètres sur ma droite, me projetant dans les décombres. Mes oreilles sifflaient et les éclats du shrapnel s'étaient logés dans mes jambes, la douleur se diffusant dans tout mon corps. Ma blessure n'était cette fois-ci pas virtuelle. J'essayai alors avec tout le mal du monde, de ramper jusqu'à mon arme. Le sang coulait le long de mes jambes et souillait ma combinaison noire, mais ceci n'était que superficiel, bien que très douloureux. Toujours dans l'incompréhension, j'aperçus un homme s'approcher de moi. Comprenant assez vite qu'il n'était pas là pour m'aider, j'oubliai la douleur et atteignis enfin le manche de mon arme. J'étais terrifié. Je commis l'irréparable, j'effectuai ce pour quoi j'étais présent, ce pour quoi on m'avait formé, et vidai mon chargeur dans sa poitrine. Cet homme était mort, et j'avais son sang sur les mains, littéralement. J'oubliai les dernières onces d'humanité qu'il me restaient et fis taire mes doutes une fois pour toute. Je ne mourrais pas ici.
Près d'une semaine plus tard, nous perdions la cote et déclarions défaite. Nous comptions nos morts et récupérions nos vivants. Le trajet retour fut silencieux, personne ne prononça le moindre mot, traumatisé par les derniers évènements. Nous rentrions au centre dans la honte et dans ce même silence pesant. Les gens s'écartaient sur notre passage, des médecins prenaient en charge les blessés et j'essayais d'oublier le monde et l'agitation autour de moi. Je voulais m'endormir et me réveiller dans l'orphelinat lugubre où j'avais grandi. Je me dirigeai vers notre dortoir pour me rendre compte qu'il était vide. Enfin presque, seul moi et l'anglais prétentieux restions de notre promo. Nous nous lancions un regard entendu, aucun d'entre nous ne voulait évoquer ce que nous avions vu sur la cote. Etait-il plus dur de mourir en premier, ou d'être celui qui continue avec la culpabilité d'avoir fait ce qu'il fallait pour survivre ?
Les dirigeants de cet endroit nous ont appris a tuer, c'est un fait, mais aucun d'eux n'a jugé bon de nous expliquer ce qu'il devait arriver après cela. Comment nous étions censés nous relever...
Soldat n°7623, Clyde Humphries.
____________________
Voici un premier petit bonus racontant un peu ce que Clyde a dû endurer seul... 😵
J'espère que ça vous aura plu, des prochains arriveront sûrement ! 😄
Pour plus d'action... votons !! 🌟
_____________________
VOUS LISEZ
Sur une autre planète
Science Fiction"La vie sur Terre est un combat permanent pour ne pas sombrer, mais je ne pensais pas que la vie sur Vivia en serait un nouveau, tout aussi différent..." Depuis mon arrivée sur Vivia, planète qui m'était jusqu'à maintenant inconnue, je redoute chaqu...