Rapport de mission n°7
Bousculé par les turbulences du vaisseau qui nous transportait, j'agrippais mes armes en attendant l'atterrissage imminent. Une nouvelle mission parmi les nombreuses déjà faîtes... Chaque fois, nous perdions des soldats, notre effectif était en chute libre, et nous n'étions maintenant plus qu'une centaine à être complètement prêts. Je faisais encore partie des soit-disants chanceux, ceux qui souffraient simplement des pertes, mais jamais des blessures.
Vénéa, elle, détenait de multiples ressources, comme si elle était immortelle, et nous devenions chaque fois plus faibles. Pourtant, cette planète étrangère s'amusait avec nous, se servait de notre défaillance pour emmagasiner toujours plus de pouvoir. Nous étions voués à l'échec, mais personne n'osait le dire à haute voix. Comme si le garder pour soit pouvait peut-être arranger les choses...
Nous atterîmes au milieu des cris et des balles, et ma section sortit du vaisseau en moins de quelques secondes pour se jeter sur les assaillants. Je m'étais amélioré depuis la première fois, je tenais maintenant mes poignards avec assurance et dextérité. L'anxiété était toujours présente, mais plus au point de paralyser chacun de mes membres. J'avais plusieurs fois été mis à l'épreuve, félicité puis médaillé, mais ces victoires n'en étaient pas réellement. Les applaudissements félicitaient simplement la mort de nombreux autres soldats.
Mes acolytes s'éloignèrent en peu de temps, et nos ennemis gagnaient du chemin vers moi. Il me suffit de trois lancers pour déjà mettre deux ennemis à terre. Je dus me battre contre le dernier, jusqu'à qu'une plaie au thorax lui soit fatale. Le symbolique liquide rouge tâcha mes mains et mon couteau, mais la vue du sang me répugnait moins. Les remords avaient disparu depuis longtemps... Je ne faisais maintenant qu'obéir aux ordres, et les histoires de coeur n'avaient plus rien à faire là.
La chaleur était intenable, ce jour là. Nous étions en pleine saison violette, et la tempête serait inévitable, d'ici les prochaines heures. Mais avec un peu de chance, le vacarme du tonnerre couvrira celui des balles... Mes poignards volèrent de nombreuses heures, tout comme les poings et les coups, et les traces de pieds étaient maintenant ancrées dans le sable chaud. Mais le combat n'était toujours pas fini. C'est alors que les avions couvrirent le ciel, qui commençait déjà à virer au violet. Cela voulait tout dire : les obus allaient voler par centaines. Ces premières bombes furent lâchées en quelques minutes, et ce bruit caractéristique d'objet qui s'écrase vers le sol me vrilla les tympans. Cette fois-ci, les bombes me semblaient plus grosses que d'habitude, plus dévastatrices. Le premier obus s'écrasa violemment en faisant trembler le sol. Le gravier tressauta au rythme des chocs, et pendant quelques secondes, le combat devint silencieux, avant de recommencer de plus belle.
Des cratères se formaient dans la terre, et de la fumée noire s'élevait de ceux-ci. Ces trous avaient la particularité de déjà enterrer tous ces soldats qui avaient été pris pour cible... Les formes noires au loin s'éteignaient une à une, emportées par ces météorites tombant des nuages. Ceux-ci s'étaient formés et recouvraient le champ de bataille, plongeant tout le monde dans l'obscurité. Les premières gouttes se formèrent, et le ciel se mit à pleurer à nouveau la perte de toutes ces personnes. Ces âmes montaient vers l'au delà pendant que la pluie tombait chaque seconde un peu plus, au milieu des obus.
On avait beau souhaiter la fin de toutes ces horreurs, le sol se trouait encore, les cris retentissaient toujours plus, et les balles se perdaient dans la fumée. Le bruit d'un nouveau crash imminent retentit plus fort que d'habitude dans mes oreilles, et je n'eus pas le temps de relever entièrement la tête vers les nuages mauves que la bombe atterrit à seulement quelques mètres de moi. Avant de me rendre compte de la gravité des choses, le choc me projeta en arrière, au milieu des débris et des corps inanimés ou déchiquetés. Je reconnus quelques acolytes sous les pierres, et arrivai à distinguer le nouveau cratère qui s'était formé. La fumée me piquait les yeux, et mon regard se brouilla jusqu'à que je ne puisse plus rien voir. Un horrible bruit strident emplit mes oreilles, et c'est à la vue du première éclair que mes yeux se fermèrent, alors qu'une douleur inconnue commençait à irradier mon bras gauche. Au moment où je m'évanouis, la tempête commença enfin à battre son plein.
***
Le paradis ou l'enfer n'étaient pour moi que des histoires pour tous ceux qui avaient peur de la mort, pourtant, quand je rouvris les yeux, je crus m'être réveillé dans un autre monde. Ce fut seulement quand tous mes sens se réveillèrent à leur tour que je reconnus l'infirmerie. Les murs étaient entièrement noirs, peut-être pour dissimuler les tâches d'hémoglobine qui avaient dû gicler dessus, et mon regard se perdit un court instant dans cette surface sombre, mon cerveau encore endormi. Tous les lits étaient occupés, mais il régnait dans la pièce un silence de plomb. L'odeur du sang se mêlait à celle de l'antiseptique, et quelques infirmières s'affairaient au milieu des blessés. A la vue des bandages, des pilules et des alcools désinfectants jonchant la table pharmaceutique, je me rappelai alors de la douleur que j'avais ressentie avant de m'évanouir. Celle-ci revint au quart de tour, me faisant grincer des dents.
En tournant difficilement la tête, je vis un énorme bandage enrouler mon épaule gauche. Le pansement était imbibé de sang, et je n'eus pas besoin de vérifier pour me rendre compte que mon bras n'était plus là. Quand je me rendis compte de cela, la colère prit la place de l'incompréhension, et une rage soudaine consuma mon corps et mon esprit. Cette saleté d'obus m'avait enfin eu, après tout ce temps. La chance avait tourné, apparemment.
Le silence qui régnait jusqu'à maintenant fut soudain interrompu par mon cri, sortant tout droit de mes entrailles. La douleur et la rage m'animaient, et malgré mon état, je n'eus aucun mal à écarter les infirmières qui tentaient de me contenir. Les larmes coulaient le long de mes joues, alors que je comprenais ce qui m'arrivait. Il me manquait un bras, une partie de moi-même. Pour un soldat, pleurer serait la pire des erreurs, mais cela m'importait peu.
Vide et démuni, je trouvai pourtant la force de me débattre, de crier et évacuer ma haine et ma souffrance. Par moment, je voyais les éclairs zébrer le ciel derrière la fenêtre, et mon corps était aussi secoué de tremblements que le bâtiment, sous les coups de tonnerre. Intérieurement, cette même tempête consumait mes organes vitaux, et cette envie de tout laisser derrière moi ne fut jamais aussi grande qu'à ce moment là. J'aurais voulu mourir sous les obus, comme tous ces camarades.
Soldat n°7623, Clyde Humphries.
______________________
Un nouveau petit souvenir, qui vous explique enfin pourquoi le bras de Clyde a été remplacé par une prothèse💥
J'aime beaucoup écrire ces "souvenirs", j'espère que c'est pareil pour vous de les lire ! 🙈
En voulez-vous encore un ? Sur quel sujet ? Dîtes-moi tout ! 👊
Pour plus d'action... votons !! 🌟
______________________
VOUS LISEZ
Sur une autre planète
Science-Fiction"La vie sur Terre est un combat permanent pour ne pas sombrer, mais je ne pensais pas que la vie sur Vivia en serait un nouveau, tout aussi différent..." Depuis mon arrivée sur Vivia, planète qui m'était jusqu'à maintenant inconnue, je redoute chaqu...