Prologue

175 27 55
                                    

« Les vrais livres doivent être les enfants non du grand jour et de la causerie mais de l'obscurité et du silence. »
Marcel Proust

*•*•*•*

La main du garçon s'ouvrit. Ses yeux noisette s'arrondirent et sa bouche forma un « O » silencieux. C'était rare qu'il soit silencieux. Au creux de sa paume, un insecte. Fluorescent. Il n'en avait encore jamais attrapé, il était émerveillé.

Agenouillé dans les hautes herbes de la plaine, le garçon devenait presque invisible. De toute manière, la nuit tombait. La brise caractéristique de la fin de la saison chaude caressait les végétaux. L'air doux et le ciel clair annonçaient une soirée particulièrement propice à la chasse aux libellules argentées. Leurs ailes étaient cotons de nuage. Ce soir-là, les Laiaa, majestueuses, honoraient la plaine d'Aonghasa de leur présence féérique.

Le garçon était vêtu de la tenue traditionnelle aonghasienne. Ces frêles épaules portaient une chemise de toile ainsi qu'une courte veste en cuir rouge au col en fourrure de Sphrothys, symbole de prestige social. Le pantalon à franges indiquant son jeune âge était recouvert de terre. Sa mère allait encore le gronder. Mais à cet instant, il s'en fichait. Il détenait une Laiaa au creux de ses mains, plus rien d'autre ne comptait.

— Eh Dilwyn ! l'appella une voix au loin.

Le garçon sortit de sa torpeur et replia les doigts sur sa paume juvénile avec toute la délicatesse dont il était capable pour ne pas risquer de blesser sa prise inespérée. Il se redressa sur ses courtes jambes et étendit son regard en provenance de la voix sans pour autant parvenir à la distinguer.

— Dilwyn ! Viens voir ce que j'ai trouvé !

Pieds nus, le garçon se dirigea vers la voix. Ses foulées amples et gracieuses imposaient, sans effort, leur volonté à la nature qu'elles embrassaient. À l'aveugle, le jeune Dilwyn retrouva son cousin.

— J'ai attrapé une Laiaa, lui souffla-t-il, peut-être soucieux que sa proie disparaitrait s'il parlait plus fort.

— C'est pas vrai ! s'écria l'autre. Mais comment t'as fait ? Dilwyn, j'en ai marre, déclara-t-il d'un ton solennel. Moi je n'ai attrapé qu'un crapaud alors que c'est moi qui vais devenir roi, pas toi. T'es pas drôle. Je devrais être le plus fort.

Le rire cristallin de Dilwyn résonna en écho aux paroles de son cousin.

— C'est pas ma faute Loïsren. Les dieux sont simplement plus généreux avec moi. Peut-être que tu devrais essayer aussi. D'être sympa, je veux dire.

Loïsren lui donna un coup de poing dans le ventre et Dilwyn se tordit de rire.

— Solaris catrum höher hearder !

Le petit sorcier s'était transformé. Son cousin l'imita et bientôt, les deux garçons s'engagèrent dans une bataille de plus. La paume de Dilwyn s'ouvrit contre sa volonté et une Laiaa brutalisée en sortit, le battement saccadé de ses ailes témoignant du traumatisme que le sorcier venait de lui infliger. Elle s'envola, prit de la vitesse et s'évanouit dans l'immensité de la plaine.

Un corps à corps magique s'engagea alors entre les deux enfants, ponctué de rires et de « aïe ! », de « bien vu ! » et de « t'es nul ! » jusqu'à ce que les adultes en leur charge, exaspérés par leur fuite impromptue, finissent par les trouver au milieu des champs et les ramènent tous deux en les tirant par les oreilles jusqu'entre les murs de la capitale et du château.

Malgré les privations et les dispositifs toujours plus inventifs mis en place par leur entourage pour les contenir, les deux jeunes sorciers continuaient de faire ensemble les quatre cent coups. Et cela leur était seulement possible grâce à un grimoire – au moins millénaire d'après les dires de Loïsren – que l'héritier avait un jour mis sous le nez de son cousin.

— Avec ça, les adultes ne pourront plus rien contre nous ! avait-il exulté.

Dilwyn avait levé un sourcil avant qu'un sourire carnassier ne vienne révéler des canines drôlement bien aiguisées. Les deux enfants avaient longuement feuilleté les pages brunies par le temps et depuis, effectivement, les adultes ne pouvaient plus rien contre eux.

Un soir, alors qu'ils tentaient de trouver une énième solution à leur confinement à la suite de leur petite sortie « allons chasser des Laiaa », les cousins tombèrent sur une page du grimoire qu'ils n'avaient jamais lue auparavant.

— Qu'est-ce que c'est ? demanda Dilwyn en fronçant les sourcils devant l'enluminure qui s'étalait sur deux pages.

Loïsren haussa les épaules.

— L'illustration d'un phénomène magique ? proposa-t-il.

— Mais regarde ces flammes qui consument la forêt, rétorqua Dilwyn, elles semblent vivantes ! Tu crois que le feu a une conscience ?

Son cousin frémit.

— En tout cas je ne veux pas être là le jour où un truc pareil se produit. T'as vu ça, là ? demanda Loïsren en montrant du doigt le haut de l'enluminure. On dirait que le Dashgaïh va exploser.

— Oh mais si ! Moi je veux voir ça ! Regarde ces milliers d'étincelles qui illuminent le ciel et le contraste avec les cendres des arbres... C'est si beau...

Le petit Dilwyn avait des flammes dans les yeux. L'énergie solaire dans ses veines lui réchauffait le cœur et le rendait téméraire. Ce que Loïsren n'était pas. Le futur roi aspirait au calme malgré son extrême curiosité.

Celle-ci lui fit d'ailleurs remarquer quelques détails parmi lesquels une légende : Uvi Theemeph, qui longtemps après, lorsque ses rêves d'enfants se seraient envolés, lorsque le pire serait arrivé, lorsque devenir roi ne serait plus à l'ordre du jour... le feraient toujours méditer.

___________________________________

Bien l'bonjour, amis sorciers !

Bienvenue de retour dans le Dashgaïh après cette courte interruption nécessaire à l'élaboration du squelette de ce que vous avez sous les yeux...

Nous voilà repartis dans une autre aventure déclenchée par notre May adorée... xD

J'espère qu'elle saura vous transporter loin dans ce monde de magie et de rêves et que mes personnages seront à la hauteur... puisque pour l'instant ils ne sont pas en grande forme. (On ne se demande pas pourquoi.)

En attendant, portez-vous bien, prenez soin de vous, reposez-vous et faites-vous plaisir. :3 (Tout un programme, je sais.)

À bientôt !

Legacy, la sorcière prête à vous livrer la suite des aventures du Dashgaïh ! 😎🧙🏻‍♀️

*Publié le 30/03/19*

Jusqu'à ce que le Soleil réduise tout en cendresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant