Quelque part sur une île de Heard, à l'ouest du continent
*•*•*•*
L'île s'était révélée ne pas être la bonne. Nous l'avions traversée deux jours entiers, et jamais n'avions nous aperçu le moindre volcan. Fatigués mais pas encore démoralisés, nous avions repris le chemin de notre bateau, Tii avait levé l'ancre et nous avions cheminé à l'intérieur de l'archipel. C'était lorsque j'avais pris conscience du nombre d'îles qui le constituaient que j'avais commencé à douter. Je ne savais pas comment nous pourrions trouver celle que nous cherchions avec le peu d'indications dont nous disposions.
Quelques îles laissaient apparaître un cratère, d'autres non. Mais aucune ne semblait suffisamment grande pour accueillir le volcan que nous convoitions. Pour venir ajouter à mes angoisses, nos réserves de vivres se raréfiaient, et quand bien même Charly réussissait à pêcher deux ou trois poissons par jour, j'avais peur que nous venions à manquer de nourriture avant de pouvoir poser pied à terre.
Le matin du troisième jour, tandis que d'ordinaire j'étais toujours la première levée, Melwyn me secoua l'épaule et m'obligea à ouvrir les yeux quand elle prononça : « on est arrivé ! ».
— Comment ça ?
Ma voix n'était qu'un filet éthéré à peine audible, mais la sorcière voyait que j'avais réagi et c'était tout ce qui lui importait.
— On a accosté, cette nuit. Tii est un génie !
— C'est vrai ?
Je ne crois pas avoir un jour mis plus d'espoir dans une phrase que dans celle que je prononçai alors. Melwyn hocha la tête et malgré la pénombre, je discernais sans mal un sourire étincelant.
Charly était excité comme une puce, et ce tellement qu'il suivait les ordres de Tii de travers et manqua de nous faire chavirer une bonne dizaine de fois avant que nous accostions. L'île semblait plus large que celles que nous avions croisées jusque-là. Une plage de galets sombres s'étendait devant nous, et derrière elle s'épanouissait une dense forêt. Surplombant le tout, un mont de la forme d'une pyramide se détachait dans le ciel, ses contours dessinés par les rayons de la lune.
Le volcan, notre destination, le lieu de tous nos espoirs et de toutes mes craintes.
Après avoir rejoint la berge, Tii nous conseilla de longer la plage pour trouver l'accès le plus aisé au volcan et éviter de se perdre dans la forêt. Il suggéra même que nous grimpions dans les arbres pour éviter de progresser au sol. Cela était censé nous faire gagner du temps.
Mon cœur se serra lorsque nous lui fîmes nos adieux. Le pêcheur ne nous accompagnerait pas, sa famille et son peuple avaient besoin de lui, à Saahnan. J'avais la douloureuse impression d'avoir un appui de moins pour me protéger des dangers que contenaient ce monde, et à plus forte mesure, de la quête dans laquelle nous nous étions embarqués. Mais avant de tomber dans un cercle de pensées sombres aussi vicieux qu'auto-entretenu, je passai mes doigts sur les cuillers qui ceinturaient ma taille et en agrippais une.
Le bois s'était poli à force et cette douce présence me rassurait. Je me remémorai mon état d'esprit avant notre départ et m'accrochai à la flamme d'espoir que Charly avait allumé dans mon cœur en me proposant – en me contraignant, presque – à participer à son projet fou. Je m'accrochai aussi de toutes mes forces à cet appel que j'avais senti au fond de moi, cette infime intuition qu'il me fallait agir, qu'il me fallait partir, que seule l'action permettrait d'aligner le monde dans lequel nous vivions des représentations que nous avions dans nos esprits. C'était pour palier à cette dissonance cognitive, au terrible contresens qui nous parcourait tous de frissons que nous avions entrepris cette aventure et traversé tant d'épreuves.
VOUS LISEZ
Jusqu'à ce que le Soleil réduise tout en cendres
Fantasy/!\ Ceci est un deuxième tome. Afin d'apprécier l'histoire au mieux, il faut lire le premier (JL) d'abord. /!\ Tout a disparu derrière la Lune. Le soleil, la chaleur, la lumière... disparus. Tout ce qui était source de vie n'est plus. Avec l'éveil d...