Quelque part sur l'océan de Heard, à l'ouest de la côte du Dashgaïh
*•*•*•*
Le bateau avançait vite. Et pour cause, Tii était un porteur d'Uranus. Il maniait les courants marins comme s'ils étaient qu'une extension de lui-même, et bien que les vents ne nous soient pas toujours favorables, notre navire prenait le large et se rapprochait peu à peu des îles.
Même si elle disait cela pour rire, Melwyn devait avoir raison de penser que May se trouvait de bonne humeur. Pas une fois depuis notre embarquement n'avions nous eu à essuyer une tempête. Le ciel était au beau fixe, c'est-à-dire une immensité étoilée parsemée de temps à autres de nuages, et la Lune, fidèle au poste, splendide, trônait au milieu de ce royaume de scintillements et de rêves.
Le matin du quatrième jour, alors que j'émergeai d'un sommeil aussi vide de Songes que les nuits précédentes, Charly m'appela à l'avant du navire.
— Regarde Ethel ! Terre en vue !
Mon énergie remua dans mon ventre et une bouffée de chaleur m'enveloppa. Tout au loin, devant, à travers une brume qui n'existait pas la veille, on distinguait les contours d'une terre – de plusieurs bouts de terres.
— Les îles de Heard, soufflai-je.
Les mains agrippées aux rebords en bois rugueux de notre petit navire, je laissai mes yeux se perdre dans les nuances de bleu et de gris qui s'entremêlaient.
Tii nous rejoignit peu de temps après, Eben venait de prendre le relais à la barre. Il s'exprima dans un aonghasien compliqué, les yeux plissés vers l'horizon. D'un regard, je demandai à Charly de traduire.
— Il dit que s'il y a de la brume, c'est parce qu'à cet endroit l'eau est plus chaude que l'air. Et ça, c'est bien la preuve que les volcans des îles sont toujours actifs.
— Tu veux dire que leur lave chauffe la terre, qui réchauffe l'eau à proximité ?
Charly hocha la tête, ses cheveux pâles comme la mort s'agitant de fait, mais sans grande conviction.
— Mais comment... ?
Je ne terminai pas ma question, d'une part parce que je ne savais pas comment la formuler, d'autre part parce que Melwyn venait de nous rejoindre, et qu'elle me surprit en se collant contre mon dos. Ses mains entourèrent ma taille, et en guise de bonjour, elle bailla avant de poser son menton contre mon épaule.
— Bien dormi ? chuchotai-je.
Je ne savais pas pourquoi je chuchotais. Ça n'avait pas de sens, ce n'était pas comme si j'allais déranger les poissons ou les étoiles en parlant plus fort. Et pourtant, élever ma voix semblait impossible. Comme si je n'étais pas légitime de créer des ondes sonores, de perturber les vibrations dans l'air et de demander à ma blonde préférée comment elle avait dormi.
— J'ai eu froid, bougonna celle-ci, toujours blottie contre moi.
— Eh ben on a une bonne nouvelle pour toi ! s'exclama Charly. On devrait accoster ce soir ou cette nuit !
Cette nouvelle eut le mérite de finir de réveiller mon amie. D'un mouvement brusque, elle s'écarta de moi et leva les bras au ciel.
— C'est vrai ? Youpi ! Je n'ai rien contre l'eau, mais je préfère mille fois la terre ferme.
Inutile de préciser que j'étais du même avis. Depuis que j'avais posé un pied dans ce bateau, j'avais l'impression d'être en apnée. Rien ne me retenait au sol, l'eau était instable, mouvante et vaine. Et j'avais grand besoin de me sentir stable, ces derniers temps.
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Jusqu'à ce que le Soleil réduise tout en cendres
Fantasy/!\ Ceci est un deuxième tome. Afin d'apprécier l'histoire au mieux, il faut lire le premier (JL) d'abord. /!\ Tout a disparu derrière la Lune. Le soleil, la chaleur, la lumière... disparus. Tout ce qui était source de vie n'est plus. Avec l'éveil d...