Dans la Barrière de Mars, non loin de la source miroir.
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Nous nous étions remis en route tôt dans la soirée. Mes compagnons avaient fini par s'accorder sur le lieu du fameux volcan où nous devions nous rendre. Notre destination serait donc l'une des îles volcaniques situées au large de la côte ouest, dans l'océan de Heard. L'océan de la clairvoyance. Si seulement le voyage pouvait m'en apporter...
En découvrant la source miroir, j'avais cru renaître, respirer pour la première fois depuis longtemps. J'avais communié avec la terre, senti le lien viscéral qui me liait à la nature. Mais bien vite, les désillusions avaient eu raison de mon élan de vitalité et l'épisode était apparu comme une éclaircie fugace au milieu d'un orage sans fin.
Lorsque la décision de partir avait été prise, nous avions emballé nos affaires, profité une dernière fois du plaisir de la chaleur délivrée par la source de lumière qui lévitait au-dessus de l'eau et quitté la grotte. Avant, j'aurais été capable de sentir comment se déroulerait notre voyage. J'aurais eu des intuitions, vu des messages dissimulés dans la nature, déniché des symboles prédisant les auspices de cette quête.
Mais j'avais beau utiliser mes sens affutés, me calmer et m'ouvrir à la réception du babillage de l'univers, je n'entendais rien. Strictement rien. C'est cette absence de communication qui me plombait le plus le moral, nos conditions météorologiques n'intervenant qu'ensuite sur la longue liste des causes de mon état misérable.
Je m'en voulais de ressasser ces idées noires. Je savais que Feuille d'Automne désapprouverait. Elle qui m'avait tant appris serait déçue de son élève. De surcroît, faire ce constat n'avait pour conséquence que d'alourdir ma peine et ma colère, cette double souffrance menaçant de me faire éclater en morceaux d'un moment à l'autre.
Le temps, comme à son habitude, glacial, me piquait le visage. Le vent soufflait toujours fort et j'étais bien aise de porter autant de couches de vêtements bien qu'elles représentassent aussi un poids supplémentaire pour mes épaules. Cela m'était égal, au moins il offrait à ma souffrance immatérielle une représentation physique. Le bonnet offert par la mère de Melwyn vissé sur les oreilles, je guettais tout de même le moindre bruit de notre environnement.
Depuis notre retraite dans la grotte de la source miroir, il avait neigé. Le monde était devenu encore plus silencieux qu'il ne l'était déjà. Même le bruit du vent, d'ordinaire si déchirant, semblait s'être atténué.
Nos pas crissaient dans la poudreuse. Nous avancions à la vitesse d'un escargot anémique. Jamais nous n'atteindrions les îles d'Heard de notre vivant, à cette allure.
— Arrête de broyer du noir, Ethel, m'exhorta Charly en venant se placer à ma droite. On n'avance peut-être pas bien vite mais pour l'instant on ne fait que de la descente. Tu te plaindras lorsqu'il faudra grimper l'Arrête de Mars.
— Parce qu'on va la grimper ? s'insurgea Melwyn. Désolée les gars mais ce sera sans moi. C'est le plus haut sommet de la Barrière de Mars, il culmine à plus de 5000 mètres d'altitude ! Il y a forcément un moyen plus rapide d'arriver sur la côte que de passer par là.
— C'est pour éviter les marais en contre-bas, expliqua Charly.
— Eh bien je préfère m'enfoncer dans de la boue plutôt que de perdre mon souffle, mes muscles et ma raison à crapahuter autour d'un sommet qui touche presque la Lune, répliqua Melwyn.
Charly s'esclaffa et dans d'autres circonstances, j'aurais peut-être joint mon rire au sien. Mais les arguments de Melwyn tenaient debout.
— Comment sais-tu que ce sera moins dangereux de passer par la montagne ? osai-je enfin, d'une toute petite voix.

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Jusqu'à ce que le Soleil réduise tout en cendres
Fantasy/!\ Ceci est un deuxième tome. Afin d'apprécier l'histoire au mieux, il faut lire le premier (JL) d'abord. /!\ Tout a disparu derrière la Lune. Le soleil, la chaleur, la lumière... disparus. Tout ce qui était source de vie n'est plus. Avec l'éveil d...