Jusqu'à ce que le Soleil réduise tout en cendres

Chapitre 30 - Du caprice d'une gardienne et d'un lac améthyste

La pluie n'en finissait plus de tomber. Elle semblait vouloir nous clouer sur place pour le restant de nos jours. Jours qui, dans tous les cas, risquaient de bientôt prendre fin.

Assis devant l'entrée de la grotte, nous regardions le déluge s'abattre sur l'île depuis des heures. En silence. Personne ne savait trop quoi se dire.

Les uns s'étaient adossés aux parois de la grotte, d'autres regardaient l'extérieur, mais qu'ils le fassent ouvertement ou non, tous s'observaient et s'étudiaient. Je ne savais pas trop quoi en penser parce que d'un côté, je connaissais presque tous les sorciers présents et n'avais en conséquence pas de raison de les craindre, mais de l'autre les circonstances me poussaient à redoubler de vigilance. Après tout, rien sur leur visage ou dans leur aura ne me disait qu'ils nous voulaient du bien. Toutefois, la présence de Soleil Levant dans notre groupe m'apaisait quelque peu.

Depuis notre rencontre fortuite, la sorcière nous avait appris ce qu'elle savait de cette île et de l'énergie qu'elle nourrissait en son sein. Au cours de notre traversée de la forêt, elle nous expliqua que Har, la plus grande des îles de Heard, jouait un peu le rôle de réservoir de la puissance de la magie du Dashgaïh. Le magma qui bouillonnait sous sa surface était d'une richesse énergétique inégalée sur le continent, à la connaissance des sorciers.

« Il existe un livre, nous avait-elle conté, que l'on dit millénaire, et dont la possession garantit une protection infaillible. À l'intérieur, les enluminures décrivent comment s'équilibre ou se déséquilibre l'énergie. C'est dans ce livre que ce trouve la réponse à notre quête. » Eben avait froncé les sourcils et demandé comment des sorciers de contrées sans contact les unes avec les autres pouvaient être au courant de ce que contenait ce fameux livre s'il n'en existait qu'un exemplaire, que son propriétaire devant jalousement chérir, qui plus est.

La Grande Prêtresse s'était autorisé un sourire avant de nous livrer, avant un naturel des plus grands : « Parce que chacun possède ce livre en lui. Il suffit de s'ouvrir à recevoir ses enseignements pour l'entendre et trouver les réponses qu'il a à apporter. C'est ce que vous avez fait en vous mettant à la recherche d'un moyen de faire revenir le soleil. »

J'avais ruminé ces paroles le restant du chemin, surtout lorsque nous étions sortis de la forêt pour nous engager dans un passage taillé dans la roche qui ne m'inspirait guère. Il y faisait encore plus sombre et encore plus froid qu'à l'extérieur. Tout pour plaire.

Ce qui me froissait par-dessus tout, c'était que je n'arrivais pas à décider si je pouvais me fier aux dires de la sorcière comme le faisait Charly ou non. J'avais peur de passer à côté de quelque chose, non, j'avais l'impression de passer à côté de quelque chose. Une donnée m'échappait, mais quoi, je ne savais pas. Et puis l'adrénaline et mes angoisses n'aidant pas, je n'arrivais plus à aligner deux pensées cohérentes.

— Je crois que notre campement ne va pas survivre à cette averse.

Je relevai la tête de mes cuillers que j'examinai pour la troisième fois. Spoty venait de s'exprimer de cette voix si monocorde qui le caractérisait.

— Ça fait combien de temps que vous êtes là ? embraya Melwyn.

— Une éternité, répondit Lumia.

— Trois jours, corrigea Zed en coulant un regard à sa sœur.

Je ne savais pas quoi faire de ce duo. Le frère et la sœur étaient tout aussi énigmatiques l'un que l'autre à mes yeux. Il me semblait que j'avais dû apprendre à les comprendre, au temps de notre premier voyage à travers le Sauvage. Pourtant cela avait eu lieu il y a si longtemps que j'avais l'impression de ne plus rien savoir du tout.