Tribu nomade, quelque part entre le lac d'Uranus et la montagne du Reflet.
*•*•*•*
Le rire tonitruant de Salavenn me tira brusquement de mes pensées. Hébétée, je reposai sur la paillasse devant moi le verre que je tenais à mes lèvres sans en avoir bu une goutte et clignai des paupières. Le tipi-nourriture était bruyant. Cela dit, il était joyeux aussi, fait rare.
Comme si ce geste pouvait me protéger du bruit, je serrai contre moi mon châle et l'agrippai jusqu'à faire blanchir les jointures de mes doigts. Un peu plus et j'allais encore faire une crise d'angoisse. Non, il n'en était pas question.
Charly se tenait à la même table que moi et discutait avec Eben en krusivmi. Je ne comprenais pas un mot de cette langue rocailleuse et cela me frustrait d'autant plus que je me délectais de ses sonorités. Je poussai un soupire et passai un doigt distrait le long du manche de la dernière cuiller que j'avais confectionnée avant de saisir mon courage à deux mains.
— Charly ? l'appelai-je en me raclant la gorge.
Mais trop emporté dans ses paroles – comme souvent –, le sorcier n'entendit pas le mince filet de ma voix qui, de toute façon, n'en menait pas large.
— Charly, tentai-je, le timbre un peu plus assuré.
Mais c'est Eben qui se tourna vers moi et Charly, remarquant que son interlocuteur ne lui offrait plus toute l'attention qu'il devait mériter, tourna enfin sa tête dans la même direction, pour tomber sur moi.
— Oh, qu'y a-t-il, Ethel ? demanda-t-il de son ton prévenant qui m'obligeait toujours à me maudire d'avoir eu peur de l'interpeler.
— Je... Je voulais te reparler de ta proposition... À propos, tu sais... de la source miroir.
Le visage du garçon s'éclaircit aussitôt, plein d'espoir, et ne manqua pas de faire apparaître un semblant de sourire sur mes lèvres.
— Tu veux nous accompagner ? me devança-t-il.
Ce garçon peut lire dans tes pensées, me rappelai-je.
— Mais j'essaie toujours de ne pas trop en abuser ! se défendit l'intéressé. Quoiqu'avec toi c'est très difficile, me reprocha-t-il. Tu ressens tout si fort que tes pensées n'ont aucun filtre et... ce sont elles qui m'atteignent avant que je ne puisse les bloquer !
Je levais les yeux au ciel. Et bah bravo. Me faire culpabiliser alors que je tentais de m'ouvrir pour, peut-être, contempler l'idée de sortir de cette horrible spirale noire dans laquelle j'avais plongé... quelle merveilleuse idée.
— C'est pas ce que je voulais dire ! s'exclama Charly pour s'excuser tout en fondant sur moi sûrement pour me prendre dans ses bras.
Heureusement, il se souvint au dernier moment que, ces derniers temps, je n'étais pas non plus spécialement friande de câlins... et retira ses bras, penaud.
— Est-ce que–, demanda-t-il, est-ce que tu veux toujours venir avec nous ?
J'hochai la tête de la manière la plus convaincante possible tout en inspirant pour contrôler les battements de mon cœur. Pas question qu'il se mette à hyperventiler parce que j'étais en train de prendre une simple décision. Non, l'hyperventilation c'était pour la nuit, lorsque personne ne pouvait m'entendre et que la peur de tomber dans les ténèbres, ou peut-être, de ne pas avoir le courage de me laisser emporter par elles, me torturait le corps et l'esprit.
— Je voudrais vous accompagner, parvins-je à articuler en glissant mon regard sur les deux sorciers face à moi.
Eben se fendit d'un large sourire spontané qui acheva de me rassurer. Charly jeta un coup d'œil à Eben et un sourire à la fois timide et complice anima son visage. Tous deux hochèrent la tête et je les imitai, une sensation de chaleur frémissant dans ma poitrine. Notre accord s'était conclu en silence mais c'était exactement ce qu'il me fallait. Pour une raison que je ne m'expliquais pas, j'avais confiance eux. J'avais la certitude que voyager avec ces deux-là serait le seul moyen de supporter un voyage dehors. Un voyage dans le monde que ma meilleure amie avait refaçonné à son goût. Un monde sans mon meilleur ami.
VOUS LISEZ
Jusqu'à ce que le Soleil réduise tout en cendres
Fantasy/!\ Ceci est un deuxième tome. Afin d'apprécier l'histoire au mieux, il faut lire le premier (JL) d'abord. /!\ Tout a disparu derrière la Lune. Le soleil, la chaleur, la lumière... disparus. Tout ce qui était source de vie n'est plus. Avec l'éveil d...