Jusqu'à ce que le Soleil réduise tout en cendres

Chapitre 31 - D'une fée et d'un campement étoilé

Au petit matin, la pluie se tarit jusqu'à ne laisser que quelques nappes d'humidité dans l'air. Les sorciers, engourdis mais requinqués par une nuit au sommeil apaisant et récupérateur, rejoignirent ce qui restait du camp établi par les premiers arrivants. Là, ils évaluèrent les dégâts, avisèrent ce qui leur restait de provisions et se répartirent les tâches. Les uns iraient amasser branchages et feuillages pour le toit et le feu, les autres chasser et cueillir des denrées comestibles.

Tout était réglé comme du papier à musique, car le temps pressait. Personne ne savait quand la Gardienne prévoyait de revenir, ni le temps qu'ils mettraient à comprendre comment éveiller le volcan, mais le plus vite ils seraient opérationnels, le plus ils auraient de chances de mener à bien leur mission et de ne pas être surpris.

Sans grande surprise, les deux porteuses de Jupiter se chargèrent de la nourriture. Ethel ne quittait plus Melwyn d'une semelle, toute déboussolée qu'elle était par l'apparition inattendue de ses anciens amis et de nouveaux sorciers qu'elle connaissait à peine.

Tandis qu'elles parcouraient la forêt afin de récolter des baies des fruits, Melwyn essaya tant bien que mal de faire parler son amie, qui plus que jamais semblait s'être murée dans un silence impénétrable. La poitrine serrée de Melwyn témoignait de la peine et de l'inquiétude que lui causait sa sorcière préférée. Elle pensait que le soin de Soleil Levant la veille avait fini de la libérer du brouillard qui persistait à lui coller aux pattes, mais ce matin-là, le soin aurait pu ne jamais avoir eu lieu qu'Ethel aurait été la même. Melwyn ne savait plus quoi faire. Et elle avait peur. Parce que ce qui s'annonçait serait plus intense que tout ce qu'ils avaient vécu jusque-là. Elle deviendrait folle de rage si Ethel ne se remettait pas de cette ultime épreuve.

Tous les jours, le matin au réveil et le soir avant de s'endormir, elle priait à la Mère Lune d'apporter soutien et protection à tous ceux dans le besoin mais aussi à Ethel. Elle voulait la sauver. Pourtant elle savait aussi que la sorcière se sauverait toute seule. Il lui fallait simplement des forces.

Avisant un bosquet plus petit que les autres, la sorcière aux folles boucles blondes, se pencha pour examiner les feuilles. Dentées et recouvertes d'un fin duvet doux au toucher, portant de fragiles fleurs blanches, Melwyn en déduisit que c'était la plante qu'elle cherchait. Elle s'inclina devant le végétal et d'une pression entre le pouce et l'index, sectionna trois tiges d'une dizaine de centimètres. Elle ferma ensuite les yeux et remercia le bosquet et la Nature pour ce cadeau, puis s'en alla rejoindre Ethel qui, perchée sur un arbre, en ramassait les fruits avec toute la douceur et la présence qui la caractérisaient.

La sorcière l'observa quelques instants avant de se faire remarquer. La cascade de mèches brunes de son amie se balançait dans son dos au gré de ses mouvements. Il ne restait plus grand-chose des touches argentées qui agrémentaient autre fois sa chevelure, mais elle l'hypnotisait toujours autant. Ses petites mains récoltaient chaque fruit avec une tendresse apaisante. Chacun de ses mouvements était fluide et silencieux, on aurait dit une fée. Melwyn se surprit à sourire puis se décida à rejoindre celle pour qui son cœur battait plus fort.

— On dirait des prunes, tu ne trouves pas ? Ça me met l'eau à la bouche.

Ethel tourna son visage pâle vers elle et la contempla quelques secondes avant de hocher la tête et de se remettre à cueillir les fruits violets. 

Melwyn retint un soupire, mais ne put réprimer le pincement au cœur qui lui comprima la poitrine. Elle avait envie de la voir sourire. Elle voulait voir ses yeux pétiller, l'entendre s'émerveiller, la regarder s'étonner, la surprendre à rire. Elle voulait l'embrasser jusqu'à ce que toutes deux s'embrasent dans le ciel du Dashgaïh. Mais à la place de tout cela, elle grimpa l'arbre pour se trouver à hauteur de son amie et l'aider à cueillir des fruits.