Quelque part dans les arbres de la forêt sur l'île de Heard
*•*•*•*
La Grande Prêtresse. En chair et en os. C'était plus qu'improbable, et plus qu'inespéré... Plus qu'incongru, surtout. Comment réagir ? Quelle attitude adopter ? Et si elle nous voulait du mal ? Mais que faisait-elle là ?
— Tes oreilles fument, Ethel, souffla Melwyn dans mon cou.
C'eut à la fois le don de me procurer des frissons partout dans le corps et de faire taire le moulin à questions qui s'était déclenché dans mon cerveau affolé.
— Soleil ?
La voix de Charly partait dangereusement dans les aigus. Les sourcils de la Grande Prêtresse se haussèrent.
— Charly ? appela-t-elle. Tu sembles avoir pris trente ans, mon garçon.
Eben fronça les sourcils alors qu'un sourire apparaissait sur les lèvres du porteur du soleil.
Et moi, j'étais perdue.
Depuis quand ces deux-là se parlaient-ils de manière aussi familière ? J'avais tant bien que mal enregistré les explications de Charly sur son histoire personnelle, et les aventures rocambolesques qu'il avait vécues de son arrivée au C.I.S.I. à la tribu de Salavenn pour finalement être rappelé dans une mission « sauvetage » de May qui avait échoué de manière lamentable, mais jamais n'avais-je eu vent d'une possible entente entre ces deux sorciers phénoménaux. Il faut dire aussi que le sorcier m'ayant conté son récit après la chute du soleil, il est fort probable que j'eus oublié l'essentiel des détails en route. Après tout, tous deux étaient des porteurs du soleil, et leur rareté tendait probablement à ce qu'ils se rapprochent l'un de l'autre dans un élan de solidarité.
Eben chuchota quelque chose à Melwyn, elle haussa les épaules et Charly s'avança sur le pont de singe qui reliait les deux arbres.
— Qu'est-ce que cela me fait plaisir de vous revoir, Soleil ! s'écria-t-il à mi-chemin.
Mon ventre s'était noué. J'étais parcourue d'énergies négatives, cependant mon intuition avait tant été chamboulée par nos récentes péripéties que je préférai me concentrer sur mon souffle et la main que j'avais entrelacée dans celle de Melwyn pour éviter à ma panique de prendre le dessus. Après tout, les pensées qui me parcouraient n'avaient aucune légitimité à siéger dans mon corps puisqu'elles se constituaient pour l'essentiel de la peur d'une punition. Cela parce que nous avions failli dans la mission qu'elle nous avait confié avant notre départ du C.I.S.I.
La Gardienne étant hors d'atteinte pour tout le monde, Soleil Levant ne pouvait décemment blâmer personne pour ne pas avoir ramené mon amie dans ses souterrains asphyxiés.
Nous ne craignions rien de sa part. Elle ne pouvait pas nous blesser. Elle n'avait pas le droit de me faire du mal.
Cette conviction que je tentais d'ancrer en moi était renforcée par la constatation évidente que si la Grande Prêtresse se trouvait sur cette île, au milieu de cette nuit sans fin, seule et émaciée, c'était bien qu'elle avait d'autres préoccupations qu'une bande d'ados incapables de suivre ses ordres.
Charly franchit les dernières dizaines de centimètres qui le séparaient de la plateforme de l'arbre opposé, et il se retrouva face à la souveraine. Je ne voyais pas leurs visages mais je ressentis tout à coup une bouffée de chaleur, signe de la déferlante d'énergies qui se produisit à cause de la proximité des deux pouvoirs extraordinaires.
Ils échangèrent des mots que personne ne parvint à entendre, malgré la curiosité exacerbée de Melwyn. J'étais persuadée que si elle avait pu, elle aurait étiré son oreille rien que pour le plaisir de se tenir au courant de ce qui se passait là où elle ne se trouvait pas.
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Jusqu'à ce que le Soleil réduise tout en cendres
Fantasia/!\ Ceci est un deuxième tome. Afin d'apprécier l'histoire au mieux, il faut lire le premier (JL) d'abord. /!\ Tout a disparu derrière la Lune. Le soleil, la chaleur, la lumière... disparus. Tout ce qui était source de vie n'est plus. Avec l'éveil d...