Sur la côte ouest du Dashgaïh, dans un village aonghasien
*•*•*•*
Ses yeux me fixaient sans paraître me voir. La peur s'étirait en moi comme une sombre créature aux crocs acérés qui me tailladaient le ventre. J'étais tétanisée à l'idée de faire le moindre faux pas, le moindre geste brusque qui me couperait de ce moment. Car je voyais enfin clair. Charly dissimulait depuis tant de jours – des semaines entières ! – la souffrance qu'il avait en lui.
Il avait dû finir par penser que jamais on ne découvrirait ce qu'il avait fait. Pour nous sauver. Mais cela, c'était sans compter cette fête inattendue et la boisson que l'on y servait. Et la perspicacité d'une sorcière de Jupiter qui se sentait enfin le courage d'affronter l'ombre qui l'entourait.
— Je n'aurais pas dû boire, déclara le sorcier d'une voix atone. C'était une erreur.
— Non, Charly, ce n'était pas une erreur. Tout arrive pour une raison.
Dans l'espoir d'apaiser mon ami, j'empruntai le ton de voix le plus doux que je possédais.
— Cette nuit-là... me remémorai-je, j'ai été réveillé par une perturbation du souffle de l'énergie qui nous enveloppait. Je croyais que tu avais simplement sacrifié ta peur pour accéder au message de la source, j'ai voulu m'en convaincre, parce que j'avais terriblement besoin d'être rassurée.
Je penchai la tête et scrutai son visage.
— Mais il y avait quelque chose de plus, n'est-ce pas ? murmurai-je.
Le sorcier expira en y mettant toute son âme et passa sa main dans ses cheveux achromatiques. Elle était couverte de cicatrices causées par les morsures du froid impitoyable.
— Ce n'est pas si grave que ce que tu crois, tenta-t-il de me rassurer. Je ne me sens simplement pas très bien ces derniers jours, mais ça passera.
Il n'avait pas sourit depuis des heures, pas lancé une pique humoristique depuis des jours et lui, grand extraverti de première se tenait à l'écart de la lumière, de la foule et de la chaleur du feu. Et il comptait me faire croire que ça passerait. Comme ça, par magie. Il se moquait de moi sans penser une seconde ce que je pourrais ressentir. Des larmes amères brûlèrent mes paupières mais je refusai de les laisser couler.
— Arrête de te fourvoyer dans des illusions, grondai-je. Ça ne te mènera nulle part.
Charly eut un mouvement de recul, surpris par mon changement de ton.
— Je te dis de ne pas t'en faire, Ethel. Ça m'arrive depuis tout petit d'avoir des coups de mou, des périodes où je me perds... en moi. Mais je finis toujours par trouver la sortie. Et j'en ressors plus courageux et plus heureux. Plus puissant.
— Et c'est souvent que ça t'arrive de perdre la couleur de tes cheveux ? D'avoir des cernes plus sombres et profonds que la nuit elle-même ? De vivre dans un monde sans soleil ?
À chaque mot, je m'avançai vers lui. Plus je me rapprochais, plus j'avais peur de ce que je trouverais une fois arrivée. Une fois face à l'immensité des pupilles blessées que je contemplais. Mais je voulais avoir le courage de franchir le gouffre béant que mon ami avait créé entre le monde et lui. Peu importe s'il fallait que ce fut en funambule sur une corde qui menaçait de lâcher à chaque instant.
Je posai ma main droite sur l'épaule du sorcier, accueillis mon pouvoir et me laissai submerger par les émotions que je recevais.
Feuille d'Automne parlait de mousse pour décrire notre pouvoir à nous, les porteurs de Jupiter. Parce qu'à l'instar de la mousse nous avons une capacité d'absorption puissante qui nous permet de récolter les émotions, les énergies et les humeurs qui nous entourent.
VOUS LISEZ
Jusqu'à ce que le Soleil réduise tout en cendres
Fantasy/!\ Ceci est un deuxième tome. Afin d'apprécier l'histoire au mieux, il faut lire le premier (JL) d'abord. /!\ Tout a disparu derrière la Lune. Le soleil, la chaleur, la lumière... disparus. Tout ce qui était source de vie n'est plus. Avec l'éveil d...