Segment 23 : Le prisonnier

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Il faut dire que Papa semblait content. Je me rappelais que quand il est arrivé en prison, il était complètement abattu. Et quand ma mère lui a demandé le divorce, on croyait qu'il avait envie d'en terminer. Mais honnêtement, le voir comme ça me rassurait. Peut-être que normalement, si sa conduite est bonne, il sortirait bientôt. Ou aussi qu'il était juste content de me voir ?

Papa portait cette tenue de prison teinte d'orange. Comme dans les prisons Américaine. Et il faut dire que, étant donné que nous avons les mêmes couleurs de cheveux, coté mode ça n'allait pas vraiment. Mais Papa était comme moi sur ce point là : C'était le cadet de ses soucis.

"Salut Yuzuho, ça fait un moment que tu n'étais pas venue me voir." me dit-il par le téléphone. Sa voix résonnait même légèrement depuis la vitre qui nous séparait.

-Oui, avec la préparation de mes examens je n'ai pas vraiment eu le temps.

A vrai dire, Papa n'était pas au courant de mon métier. Pas que je lui cachais, mais les gardiens à proximité ne me donnait pas envie de le dire... On ne sait jamais.

Du coup pour expliquer mon indépendance, comme il savait que je me suis émancipée, je lui avais dit que j'avais un petit travail parfaitement lambda. Mais je lui ai fait comprendre que je n'avais pas "envie" d'en parler.

"Tu as eu d'autre visites, récemment ?" demandais-je à mon père sans exprimer une quelconque émotion.

-Ta grand-mère est passé Dimanche, répondit-il en haussant les épaules, elle me demandait justement si tu venais me voir. Il parait que tu ne réponds pas au téléphone, et elle s'inquiète...

-J'ai changé de numéro, Papa. C'est tout.

-Ne t'inquiète pas, je n'allais pas te dire quelque chose...

En réalité, je n'avais pas du tout changé de numéro de téléphone. C'est juste que ma grand-mère paternelle m'a dans le viseur depuis que Papa est en prison. Donc, c'est vrai que je ne répond pas à ses appels et qu'elle ignore même où je vis.

Je levais légèrement les yeux au ciel, pensive, quand Papa ajouta :

"Et hum... Toujours pas de nouvelle de ta mère ?"

-Non. Aucune. Elle ne m'a même pas laissé de message pour mon anniversaire.

-Ah oui... Ton anniversaire...

-Ne te fatigue pas, Papa. Je sais que tu n'as pas pu m'appeler. J'ai l'habitude.

-C'est que j'ai voulu qu'il me libère juste pour la journée... Mais le directeur me disait que "l'anniversaire de sa fille" n'était pas une excuse. Je suis désolé...

-Je t'ai dit de ne PAS te fatiguer. Je m'en fiche.

Certes, parler froidement à mon père n'allait pas faire quelque chose... Au fil des années, j'ai même apprit à ne plus rien sentir à son sujet. On dit qu'une Kuudere ne ressent rien... Moi je fais mine de ne sentir rien... Mais concernant mes parents, je ne sentais vraiment rien.

Enfin, c'est ce que j'essayais de me faire croire.

Papa semblait désolé, en vue de sa tête. Il essayait d'ailleurs de changer de sujet, faisant mine de s'intéresser à ma vie :

"Mais dis-moi, Yuzuho... Tu es toujours avec ce tatoueur ? Tu m'avais bien dit que c'était un tatoueur, non ?"

-C'est un tatoueur. Et oui, je suis toujours avec.

-Tu es heureuse avec lui, au moins...?

-Si je ne l'étais pas, je ne serais pas avec. Et je sais ce que tu pense, Papa... Non, Jun n'est pas une mauvaise personne. C'est le garçon le plus... Enfin, heureusement qu'il est là. Je me sens moins seule...

-...

Je savais que j'avais remit un froid entre nous. Je me doutais bien que mon père s'inquiétait à mon sujet. Je vis seule depuis plus d'un an, et il a peur de ne pas me protéger.

Si il savait...

Bref, la conversation continuait jusqu'à qu'un des gardiens vient à moi pour me dire que l'heure était écoulée. J'étais sur le point de raccrocher quand Papa prononce soudainement :

"Attends !"

Je relevais mon regard vers lui alors que le téléphone était loin de mon oreille. Je la rapproche sans dire un mot. Papa soupira soulagé, avant d'ajouter :

"Je... Je tiens à être là pour ta remise de diplôme. Je sais que tu l'auras sans aucun problème. Donc... Je vais faire une demande pour sortir pour la journée. D'accord...?"

-... Comme tu veux.

-Yuzuho je suis sérieux, bon sang !

-Oui, si tu le dis... Bon, je viendrais te voir Dimanche. D'accord ?

-... Ok. Prend soin de toi.

C'est sur cela que je raccrochait le téléphone, que je me levais avec mon sac en main et que je m'éloigne. Je lançais un dernier regard à mon père avant de quitter la grande pièce.

En fait, je savais que mon coté "non-expressif" lui faisait mal au cœur. Surtout que je n'ai pas toujours été comme ça.

Certes, petite j'ai toujours été une Kuudere avec les inconnus ou mes camarades... Mais avec mes parents, j'étais "normale".

C'est quand Papa a braqué cette banque que... Quelque chose s'est cassé.

Envers ma mère... Mon père...

Les choses ont dégénérés... La prison, le divorce, la relation médiocre avec ma mère et mon neutre avec mon père.

Alors oui, je me suis refermée sous mon masque de la "Kuudere-chan" que je suis...

Et cela jusqu'à maintenant.

Quand une KUUDERE est une Yakuza [FR]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant