Il faisait à peine jour, mais la chaleur était déjà étouffante et je fus obligé de quitter mon refuge qui devenait irrespirable. Je me levai difficilement, j'avais mal partout. La lueur du jour m'aveugla quelques secondes, puis mes yeux finirent par s'habituer. Sur la plage, je pus apercevoir les premiers coureurs. Ils laissaient leurs empreintes sur le sable, qui avait été damné la veille au soir. Je mis mon sac à dos sur mes épaules endolories et avançai péniblement vers la route. Je passai une main dans mes cheveux, pour essayer de leur redonner une certaine discipline. Je n'avais pas pris de douche depuis deux jours, faute d'avoir trouvé de quoi me loger. Deux jours, que je passai la nuit à l'abri de ces rochers, deux jours que je n'avais pas eu un vrai repas, deux jours que j'étais arrivé dans cette petite ville isolé de l'île. Cet endroit me plaisait bien, il était chaleureux et simple. Je rejoignis ; le seul endroit dans lequel personne ne me dévisageait comme un pestiféré ; un bar qui ouvrait tôt le matin, et fermait tard le soir.
*****
La tasse de café fumait devant moi. Le bar venait à peine d'ouvrir. J'étais le premier client, comme depuis deux jours. Je fouillai dans mes poches et en sortis de quoi payer. Le barman, un homme brun à la peau bronzé, et aux yeux verts, se dirigea vers moi et posa un croissant, encore chaud, sur la table. Je levai les yeux vers lui, l'air interrogateur. Je ne voulai pas de la pitié des autres, en aucun cas. Jamais !!
-Cadeau de la maison, dit-il d'une voix sympathique.
-Merci, mais je ne peux pas accepter, répondis-je en repoussant l'assiette contenant la viennoiserie.
-Je te l'offre, ainsi que le café.
Il s'éclipsa avant même que je ne puisse contester une nouvelle fois. Je regardai le croissant. L'odeur me chatouilla les narines et l'eau me vint à la bouche. Mon estomac émit un grognement, et finalement, je me laissai tenter. Je le dégustai avec lenteur, afin d'en savourer chaque bouchée. Ce croissant était peut-être le seul repas de la journée. Le bar commença à se remplir doucement de personnes venant prendre leur petit-déjeuner en regardant la plage se trouvant juste de l'autre côté de la route. Il fut donc temps pour moi de quitter les lieux pour ne pas faire défaut à l'image de cet endroit.
Le barman me fit un signe de tête, je sentis son regard peser sur moi. Il y avait quelque chose d'étrange dans ses yeux. Une certaine douleur dans son regard m'avait frappé lorsqu'il m'avait apporté la viennoiserie. Je tournai la tête une dernière fois vers lui, avant de traverser la route pour retourner sur la plage, il n'était plus là.
*****
En ce début d'après-midi, les gens se pressaient pour aller à la plage, pour chercher un peu de fraîcheur dans le bleu de l'eau. Le soleil dégagea une telle chaleur que j'hésitai à aller, moi aussi, dans l'eau. Cachés sous leurs parasols, les habitants de l'île profitaient de ces instants de bonheurs qu'ils leur étaient offerts durant ce début de week-end, en famille, entre amis ou... Seul, comme moi.
Je fixai mon poignet, ma montre plus exactement, seul objet de valeur qu'il me restait. Elle venait de mon grand-père et pour rien au monde, je ne m'en débarrasserai. Il était presque 15 h 30, elle ne devrait plus tarder à arriver. J'avais hâte de la voir, elle était si joyeuse et innocente sous ses cheveux blonds. J'ouvris les boutons de ma chemise pour mettre mon torse à nu, sans l'enlever complètement.Instinctivement, je tournai la tête vers la droite, comme si j'avais senti sa présence. Elle était là, pas très loin de moi, mais juste assez pour qu'elle ne me voit pas l'observer à la dérobé. Sa peau hâlée par le soleil, ses cheveux blonds remontés en une queue de cheval la rendait vraiment mignonne. Elle rigola avec cette autre fille, son amie sûrement. Puis, mon visage s'attrista lorsqu'elles furent rejointes par deux garçons, l'un châtain, l'autre blond et une jeune fille rousse. Cela me rappela mes anciens amis, les sorties que l'on faisait ensemble et tout le reste. Ils s'embrassèrent chaleureusement, en toute amitié chacun leur tour. Puis, après avoir installé leurs serviettes sur le sable chaud, ils se levèrent et commencèrent une partie de volley.
Je la regardai. Encore. Je ne pouvais pas m'en empêcher, elle était si jolie, si parfaite. Peut-être pas pour les autres, mais pour moi, elle l'était. Cela faisait deux jours que je la voyais sourire et rigoler. Son rire aigu ne passait pas inaperçu et pourtant elle paraissait, si discrète. Je souris en la voyant sautiller sur le sable, qui lui brûlait les pieds. Elle, elle ne me voyait pas, d'ailleurs, personne ne me voyait... Ou plutôt si, mais pas comme je le voulais. Ils passaient devant moi, me dévisageaient parce que je n'étais pas comme eux, parce que je portais les mêmes vêtements depuis plusieurs mois, parce-que je servais ou je chantais dans des bars miteux le soir, pour avoir de quoi manger un peu et passer une nuit à l'abri.
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Nocturne - Jaden - Tome 1
RomanceUn soir, sa vie a basculé. Tout s'est effondré autour de lui. Il a tout perdu, son assurance, ses amis, sa vie de luxe. Il a quitté ce pays, dans lequel il a grandi avec cette envie de se faire oublier. Enfin, c'est ce qu'il avait cru avant de renco...