La Malédiction de La Luna (S1)

Chapitre 1

La scène se rejoue juste sous mes yeux. Au fond de moi, on me hurle de ne pas toucher ma copine mais j'en suis incapable. Maman me fait souvent des câlins et j'adore les câlins. Ma copine pleure alors je veux la réconforter. Pourtant, à peine je pose mes doigts sur elle qu'elle se relève, bizarre.

Puis elle tombe et hurle de douleur. Ce son me fait mal et je bouche mes oreilles. Je veux pas l'entendre. Elle s'arrête d'un coup. La seconde d'après, elle a disparu. Tombée en poussière. La poussière fume encore sur le sol tandis que je la regarde, vidée et surprise. La peur. Une peur dure et froide vient me terroriser. Mes yeux sont grands ouverts et je comprends pas.

Qu'est-ce qui se passe ? Les gens peuvent tomber en poussière ? Une voix douce et mélodieuse m'appelle. Ma mère arrive. Dès qu'elle apparaît au tournant, je m'accroche à elle et me réfugie derrière ses jambes.

Ma maman, c'est la plus belle du monde avec ses cheveux bruns et ses yeux verts. Elle est très grande et fine. Elle est parfaite, maman. 

— Chérie ? Tu ne m'as pas attendue ? Où est Sophie ?

Honteuse et triste, je montre ce que j'ai vu. À ce moment-là, maman devient blanche, comme un fantôme qui fait peur.

— Tu l'as touchée ?

Je veux pas répondre alors je dis rien. Elle me prend dans ses bras et me chuchote :

— Laisse-moi parler et tais-toi.

Je hoche la tête. Une autre maman passe le tournant. La maman de Sophie. Elle observe le parc vide et ses yeux reviennent vers moi. Elle semble très inquiète.

— Mais, où est ma fille ? bredouille la maman de Sophie.

Maman met un temps avant de répondre :

— Elle s'est enfuie peu avant que je sois arrivée. Ma fille était désarmée et perdue.

— Oh mon dieu, murmure la mère de Sophie, sa main contre ses lèvres.

Elle part en sanglots et se rue vers son mari tandis que maman s'enfuit.

Le soir, j'entends mes parents discuter vivement et même crier. J'ai peur qu'ils se disputent par ma faute et je m'enfouis dans mes couvertures. Demain, maman m'annonce que je commence l'école à la maison et j'ai l'interdiction de toucher qui que ce soit à part maman et papa.

J'obéis car ce sont mes parents, mais j'ai peur.

**

Les jours passent et je vois plus mes copines. Maman ne me laisse pas sortir par peur que je fasse la même bêtise que la dernière fois. J'ai tellement peur qu'elle me gronde que je me tais.

Je me demande aussi où est passé Sophie. Elle me manque, ma copine. Et je comprends pas pourquoi elle a disparu. Elle pleurait et elle est partie.

Le midi, ça sent bon. Gourmande, je descends une à une les marches. Je veux voir maman et goûter à manger.

— Maman ! Tu as cuisiné quoi ?

Mes mains viennent tirer sur sa manche puis sur sa peau froide. Elle crie et recule, une tache rouge bizarre sur le bras. 

— Bordel, jure-t-elle.

Je me recule en comprenant que j'ai fait quelque chose de mal. Maman disparaît derrière le mur pour aller dans la salle de bain. Elle revient pas et j'ai peur qu'elle m'abandonne. Je me laisse aller aux larmes et explose.

Je suis toute seule. Maman apparaît toute inquiète et vient vers moi.

Elle s'accroupit à mon niveau et me regarde. Elle manque d'avancer la main vers mon dos mais ne peut pas.

J'ai envie de pleurer et de me rouler par terre. 

— Ma puce, soupire-t-elle. Lève-toi, tout va bien. Je ne peux pas te prendre dans mes bras, je suis désolée.

Je veux pas me calmer mais j'ai pas envie de la peiner. Donc j'obéis encore une fois.

**

Couchée dans mon lit, je gigote. La pénombre de la pièce me fait peur car il fait noir. Ma couverture me recouvre entièrement et mes pieds ne dépassent pas du lit, de peur que des monstres rôdant en dessous de mon lit me les attrape.

De l'autre côté du mur, j'entends maman discuter avec Papa. J'entends tout en silence.

— Je n'en peux plus, gémit maman.

— Tu vas y arriver, lui assure mon père. C'est grave mais on va s'en sortir.

— Elle a peur et elle ne comprend pas. Je le sais. Et ce sera pire quand elle réalisera. Je n'aime pas cela. Ce n'est qu'une enfant ! Est-ce que tu t'en rends compte ? Que tous les DarkWolf aillent se faire foutre !

DarkWolf ? Qu'est-ce que c'est ?

Dans le couloir, la lumière s'éteint. J'essaie mais j'arrive pas à m'assoupir. Je ferme mes paupières de toutes mes forces et attends quelques minutes. Mais toujours rien.

Je repousse ma couverture en grognant. Je manque de tomber. Après des efforts, j'ouvre ma fenêtre et repousse les volets. Ils viennent claquer le mur avec un grand bruit et je grimace.

Pitié pour que papa et maman n'aient rien entendu !

Je me pose sur le canapé contre la fenêtre. Le vent frais me donne froid et je frissonne car mon pyjama ne me couvre pas entièrement

La seule lumière est celle de la lune. Ronde, pleine, elle brille de toute sa splendeur. Dès que je pose les yeux sur elle, elle me donne envie de dormir. Alors je me laisse aller.

Le schéma se répète inlassablement. Tous les jours, je me réveille le matin, assise sur mon sofa et tous les soirs, je pars m'endormir sous le regard de la lune comme seule compagne.

Les jours se transforment en semaines et les semaines en mois. Finalement, les mois deviennent des années et la routine continue. Et elle ne s'arrêtera jamais puisque je suis condamnée à rester enfermée.

À cause de ma malédiction.