Minho
— Laisse-moi dormir encore un peu... juste cinq minutes...— Minho, ça fait dix minutes que tu me répètes la même chose, rouspéta maman, les mains sur les hanches.
— Hmm...
Dans un immense effort, je glissai hors de mes douces couvertures. Je descendis lentement les escaliers, et pris place à table.
— Tu as la tête dans le cul, observa maman en riant d'un air moqueur.
— T'as de la chance que je n'aie pas assez d'énergie pour répliquer, maugréai-je.
Je scrutai mon repas avec accablement. Je n'avais jamais faim les matins, habituellement je touchais à peine aux céréales. Et aujourd'hui, c'était bien pire, mon estomac était complètement noué. Simplement penser au mot « bouffe » avait le don de me donner la nausée.
Ma mère parut attristée.
— Fais un effort au moins ! m'intima-t-elle affectueusement.
Je grimaçai de dégoût, et m'emparai de ma cuillère. Je la plongeai peu à peu dans mon bol rempli de lait et de Corn Flakes, puis la portai précautionneusement à ma bouche. Lorsqu'elle effleura mes lèvres, je m'arrêtai subitement, pris d'un haut-le-cœur.
— Ça va, j'ai compris, beugla maman. Va-t'en petit chenapan.
Je soufflai de soulagement et partis en quatrième vitesse dans ma chambre m'habiller à la hâte. En passant devant l'horloge disposée dans le couloir, je faillis m'étouffer.
Il était six heures et quart.
— Putain maman !
Je l'entendis s'esclaffer en contrebas.
— Je t'avais prévenu que si tu ne rangeais pas ta chambre, je me ferais un plaisir de te réveiller une heure avant.
— Mais je n'en ai pas eu le temps ! protestai-je.
— Pas d'excuses ! Maintenant file.
— Mais les cours commencent dans deux heures !
— Ça t'apprendra à me désobéir.
Avant que mes pulsions meurtrières ne puissent prendre le dessus sur ma raison, je m'emparai de mon sac d'école et quittai la maison.
Il faisait beaucoup trop sombre pour voir quoi que ce soit d'autre que mes pieds, et, comme par hasard, il n'y avait aucun bus avant huit heures.
J'exhalai un profond soupir. Comme disait ma mère : « Au moins toi, tu peux marcher. Il y a des gens qui n'ont pas de jambes et qui aimeraient être à ta place. »
J'étais donc parti pour marcher jusqu'au lycée avec mon sens de l'orientation lamentable.
✵
Après un quart d'heure de marche, je finis par me tenir devant l'école. J'étais néanmoins beaucoup trop tôt, c'est pourquoi je décidai de me rendre au parc en attendant huit heures.
Mais alors que je m'apprêtais à faire demi-tour, je crus distinguer une silhouette assise sur le muret qui entourait la cour. Avec ce bob, elle était reconnaissable entre mille.
Ma curiosité était piquée, et ça me poussa à vouloir entrer, mais j'aperçus alors une deuxième ombre s'approcher de la première.
C'était le directeur qui discutait avec le gars du fond de la classe. Il fallait absolument que j'entende de quoi ils parlaient. Peut-être que je pourrais en apprendre plus sur celui qui occupait sans cesse mes pensées.
Je fis alors silencieusement le tour du lycée pour me rapprocher le plus possible d'eux tout en restant soigneusement dissimulé derrière le muret et le grillage surplombant celui-ci. Je marchais à pas de loup, tentant de passer inaperçu. Mon cœur battait à tout rompre avec fébrilité, j'étais en quelque sorte poussé par l'adrénaline.
En même temps, ce que j'allais faire était plutôt interdit.
Je me plaquai contre le muret dans l'espoir d'entendre quelques bribes de leur conversation.
— ... pas normal, disait une grosse voix que j'identifiais comme étant celle du directeur.
Je ne parvenais pas à entendre celle de son interlocuteur. Il parlait de façon imperceptible, omis pour celui à qui ses réponses étaient destinées.
— Je vous conseille de consulter un psychologue. Cela vous aidera sûrement.
— ...
— Je suis désolé, mais vous n'êtes pas encore majeur, je ne peux pas me permettre de vous laisser quitter l'orphelinat.
— ...
— Je sais, et c'est pour cela que j'ai une proposition à vous faire : faites-vous des amis, et je vous payerai un studio.
— ...
— Réfléchissez-y, c'est pour votre bien. Après ce malheureux incident, vous vous êtes replié sur vous-même. Il vous faut expérimenter de nouvelles choses, vous comprenez ?
— ...
— Bien. Je vous souhaite tout le meilleur pour la suite, Jisung.
Je tressaillis à l'entente de ce prénom, et ce faisant, me cognai contre la grille métallique, ce qui produit un fracas épouvantable. « Merde ! » Je me plaquai alors contre le muret, priant de ne pas m'être fait remarquer.
Seul le silence me fit face. Il ne semblait pas y avoir eu de conséquences, alors je me relevai lentement et me dirigeai vers le portail d'entrée, l'air de rien.
J'avais beaucoup de mal à assimiler tout ce que je venais d'apprendre. Les mots du directeur résonnaient sans arrêt dans mon esprit.
Psychologue.
Orphelinat.
Amis.
Studio.
Incident.
Jisung.Jisung. Voilà donc le prénom du garçon le plus intimidant et mystérieux de l'école. Un sourire euphorique naquit alors sur mes lèvres.
✵
— Minho !
— Jisung, murmurai-je pour moi-même. Il s'appelle Jisung...
— Minho !
— Et il vit à l'orphelinat...
— Minho, arrête un peu de le fixer ! Tu vas finir par attraper un torticolis !
Je me tournai vers mon voisin. Seungmin me frappa l'arrière de la tête de la paume de sa main, un air réprobateur sur le visage.
C'est alors que le professeur arriva, en retard, comme de coutume.
— Sortez le devoir que vous aviez à faire pour aujourd'hui, déclara-t-il avec lassitude.
Les élèves s'exécutèrent sans entrain. Tous fouillèrent dans leur sac respectif en maugréant, contrarié que l'enseignant soit finalement venu.
— Veuillez comparer vos réponses avec votre voisin.
J'allais m'y mettre, mais à ce moment précis, une voix familière s'éleva au milieu de la classe :
— Monsieur ? Est-ce que je peux aller à l'infirmerie, s'il vous plaît ? Je ne me sens pas très bien...
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Insondables | ˢᵗʳᵃʸ ᵏⁱᵈˢ
FanfictionLes apparences pouvaient se révéler spécieuses, car ces neuf adolescents dissimulaient bien plus qu'il n'y paraissait de prime abord. Tandis que certains cachaient des dons hors du commun, d'autres étaient emportés par les flots tumultueux de leurs...