𝟏𝟖 : Voices

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Felix
Des messages dégoulinant de haine. Des insultes, qui ne cessaient de fuser de mon téléphone. Moi qui courais dans la légère pénombre du soir, essayant de me fuir, en vain. Douce ironie.

Le vent me fouettait avec violence, les larmes perlaient du coin de mes yeux fatigués d'avoir trop pleuré, mes cheveux s'entremêlaient, ressemblant à une masse informe, mes vêtements épais me recouvraient désormais également le cou et les mains. Je ne ressemblais à rien, j'étais laid, répugnant.

Comment j'en étais arrivé là ? Simple. La bande de Taeyong n'avait pas été présent en classe, j'avais alors eu l'espoir que tout irait mieux après ce matin. Grave erreur. J'avais à peine fait trois pas que mon portable s'était mis à sonner, résonnant incessamment à mes oreilles.

Inconnu :
Pédale
Va crever pédé
Tarlouze de merde
Sale suceur de bites
Tu ne mérites pas de vivre
Tu n'es qu'une erreur
Un déchet
Monstre anormal
Tu es horrible
Affreux
Ignoble
Obscène
Dégoûtant

Et il y en avait des menaçants.

Inconnu :
On en a pas encore terminé avec toi
J'espère que t'as mal, connard
Les prochains coups seront mille fois plus douloureux
Prépare ta tombe

Je réprimais des sanglots avec une ferveur que je ne me connaissais pas. Je marchais rapidement dans la rue, passant devant quelques cafés, changeant de trottoir à chaque fois que je croisais quelqu'un. La peur m'oppressait la gorge, elle ne me laissait pas m'échapper, elle resserrait son étau sur moi. J'allais probablement finir par en mourir, et tant mieux.

Avec rage, je frappai le mur de pierre près de moi. Mes mains se mirent à saigner, mes jointures prirent une teinte rougeâtre. Je hurlai alors toute ma haine et tout mon malheur contre ce monde. C'était un cri rauque et désespéré, sûrement le dernier que je pousserais de ma vie. Cela faisait terriblement longtemps que je n'avais plus ouvert la bouche, par peur, par honte.

J'avais l'air d'un fou, mais je m'en fichais. Qui étaient ces inconnus pour me juger ? Ils ne savaient rien de moi, rien de ce que j'endurais, rien de ma misérable existence qui ne tenait qu'à un fil.

Mon téléphone, dans ma main, continuait inlassablement de m'envoyer des notifications. J'avais reçu des centaines de messages, tous menaçants, tous injurieux, tous antipathiques.

Je plantai mes ongles dans mes paumes, me griffai les bras. Cela me faisait étrangement du bien.

« Tu es vraiment horrible, tu ne mérites pas de vivre. »

« Tu vois tous ces messages, c'est l'entière vérité. Taeyong a raison, et tu le sais. »

« Arrête donc de lutter, tu ne vaux rien, personne ne te regrettera. »

« Oui... Tu n'es rien, tu n'es personne. »

« Personne ne t'aime, tu es constamment seul. »

« Laisse-toi crever, ça vaudra mieux. »

— Taisez-vous ! criai-je. Ma vie est déjà assez compliquée comme ça, pas la peine d'en rajouter une couche !

« Je croyais que tu détestais ta voix ? Elle est monstrueuse, ne t'avise pas de l'oublier. »

« Ne veux-tu pas la paix ? »

« Ne souhaites-tu pas vivre enfin paisiblement ? »

« Ne veux-tu pas te sentir vivant ? »

J'eus alors brusquement une atroce prise de conscience. Ces voix, c'était moi. Mais étaient-elles vraiment ce à quoi je songeais ?

« Tu vivras mieux une fois mort. »

Insondables | ˢᵗʳᵃʸ ᵏⁱᵈˢOù les histoires vivent. Découvrez maintenant