𝟓 : Universe

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Felix
Je pris une profonde inspiration, sentant ainsi l'air caustique de l'extérieur s'infiltrer dans mes poumons. Depuis quelques minutes déjà, je scrutai avec une appréhension croissante ce portail de métal rouillé, porte vers le lycée.

Ou, pour être plus précis, vers l'enfer.

Je franchis le perron en essayant de me rassurer du mieux que je le pouvais. Après tout, peut-être que mes amis étaient déjà là. Je l'espérais fortement, car ils n'osaient jamais m'intimider lorsque je traînais avec eux.

Mes prunelles sombres furetaient dans tous les sens, et, lorsque je les aperçus enfin, je me dirigeai immédiatement dans leur direction d'une démarche rapide.

— Eh Felix ! me salua Taehyung.

Je lui adressai un petit signe de la main, et mes lèvres s'étirèrent doucement en un faible sourire. Le visage de Minghao s'éclaira, me faisant ainsi comprendre qu'il était content de me voir. Il ne parlait pas beaucoup, n'étant pas encore à l'aise avec le Coréen, Taehyung était donc le seul de la bande qui s'exprimait facilement. Il était un peu la lumière de notre petit groupe.

J'avais eu tendance à entretenir une profonde jalousie pour ces deux beautés, car, je ne pouvais pas le nier, je faisais tache dans notre trio. Taehyung et Minghao frôlaient tous les deux un mètre huitante, tandis que j'atteignais à peine un mètre septante-et-un, et en outre, ils étaient de magnifiques noirauds, alors que ma chevelure était châtain. De surcroît, d'affreuses taches brunâtres, que je m'évertuais chaque matin à camoufler sous une épaisse couche de fond de teint, constellaient mon visage bien trop efféminé.

Je m'étais retrouvé avec Taehyung et Minghao uniquement parce qu'ils m'avaient pris en pitié devant ma marginalisation, mais ils étaient néanmoins petit à petit devenus de vrais amis pour moi. Malgré tout, je ne me sentais pas à ma place avec eux. La petite voix dans ma tête ne cessait de réitérer les mêmes paroles incisives, de répéter que j'étais lamentable, que je n'avais rien à faire avec des éphèbes pareils.

« Tu leur mens, tu leur dissimules tes blessures, tu es minable », me chuchotait-elle.

Je ne pouvais qu'agréer avec ses dires.

Personne ne connaissait la vérité, personne ne pouvait se l'imaginer, puisque je parvenais aisément à me camoufler.

Taehyung et Minghao ne savaient pas ce qui se cachait sous ce pull épais que j'avais l'habitude de porter.

Cela devait continuer ainsi. Ils ne devaient en aucun cas l'apprendre.

Les cours étaient terminés, et je déambulais dans le couloir entre une bande d'élèves surexcités, ne leur prêtant aucune attention. J'allais enfin pouvoir relâcher ma vigilance exacerbée qui s'était considérablement accrue depuis le début de l'année, pouvoir enfin souffler un peu. Un faible sourire fleurit sur mes lèvres à cette seule pensée.

— Bon week-end ! s'écria Taehyung.

— À toi aussi, ajouta maladroitement Minghao.

J'agitai ma main et les regardai s'en aller ensemble en se chamaillant comme des gamins. Je pouffai doucement, ne parvenant plus du tout à croire que le Chinois puisse avoir un semblant de timidité. J'allais partir à mon tour, quand je sentis soudainement une main se poser sans délicatesse sur mon épaule.

Aussitôt, je me statufiai, et l'angoisse déferla en moi. De la sueur froide me coula le long de la nuque, laissant dans son sillage, de longs frissons de peur parcourant ma peau cireuse.

Lentement, je me retournai.

La terreur s'empara alors de tout mon être lorsque je vis son visage. Ce rictus condescendant qui m'insupportait horriblement ne pouvait appartenir qu'à une seule personne.

— Taeyong...

Le sourire éhonté de celui-ci s'agrandit lorsqu'il m'entendit doucement prononcer son nom.

— Alors comme ça, tu t'es finalement décidé à parler ? ricana méchamment le rouquin.

Il me gratifia d'un de ses éternels regards dégoulinant de dégoût, comme s'il était sur le point de répandre son venin des plus toxiques. Je ressentis brusquement une intense douleur fendre mon visage, avant de me retrouver au sol, sonné.

Taeyong venait de me frapper.

Quelques gouttes de liquide vermeil perlèrent de mon nez tuméfié, et je m'empressai de les essuyer pitoyablement.

Mon assaillant éclata d'un rire qui me glaça le sang, avant de plaquer sa main à mon collet et de me relever d'un geste brusque. Il me murmura à l'oreille :

— J'espère que t'es résistant, p'tite pédale.

Je serrai les dents tout en réprimant les larmes qui menaçaient de dévaler mes joues. Au vu de l'expression perverse de Taeyong, je savais d'avance que je n'allais pas partir en week-end sans écoper quelques ecchymoses zinzolines.

J'eus juste le temps de fermer les paupières avant que son poing ne me heurte pour la seconde fois, me faisant choir à nouveau sur l'asphalte.

Ma vue se brouilla, mais je crus apercevoir les deux acolytes de Taeyong rejoindre ce dernier. Tout ce qui se produisait m'était affreusement familier : des coups frénétiques, des invectives fangeuses, des regards avilissants.

Changkyun me donna un coup de pied dans les côtes, et ma poitrine se contracta violemment. Je gémis de douleur, ravalant de justesse un cri.

J'essayai alors de me mettre en boule pour m'assurer une protection, aussi mince soit-elle.

« Tu es pitoyable, me susurra la petite voix. Cette douleur, c'est tout ce dont un minable comme toi mérite, et regarde-toi, tu n'es même pas capable de la supporter. C'est lamentable. Ne la repousse pas. Tu mérites de souffrir, tu es faible. »

Oui... Je devais souffrir.

J'arrêtai alors de me débattre.

Insondables | ˢᵗʳᵃʸ ᵏⁱᵈˢOù les histoires vivent. Découvrez maintenant