𝟑𝟎 : Follow

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Jeongin
Des mains se plaquèrent contre mon dos et me poussèrent sur la route, juste devant une voiture couleur cinabre qui fonça droit sur moi.

Les phares du véhicule m'éblouirent, et je dus fermer les yeux. Je voulus remonter sur le trottoir, mais mes jambes étaient paralysées par la frayeur.

Le crissement des pneus freinant brutalement m'emplit les oreilles, et j'ouvris lentement les paupières. La voiture s'était arrêtée à quelques centimètres à peine de moi. La femme qui conduisait sortit avec précipitation de son véhicule.

— Oh mon Dieu, je suis désolée ! s'écria-t-elle, les yeux écarquillés.

Elle m'analysa, s'assurant que je n'étais pas blessé. Je forçai alors un sourire pour l'apaiser.

— Je vais bien madame, ne vous inquiétez pas pour moi.

Ma voix flancha.

— Tu en es sûr ?

J'opinai du chef, lui dissimulant mes tremblements. La femme s'excusa une fois encore et retourna dans sa voiture. Je m'empressai alors de me réfugier sur le trottoir.

Le véhicule s'en alla, et je tentai désespérément de reprendre mon sang-froid.

Je laissai mon regard fureter aux alentours, cherchant le coupable des yeux. Mais les passants s'étaient déjà succédé, impossible de dénicher celui ou celle qui avait voulu me tuer.

J'essayais de me persuader que ce n'était qu'un simple accident, que cette bousculade avait été involontaire.

Mais je n'y croyais pas vraiment.

Les jambes vacillantes, je repris ma route, tentant d'oublier cet incident. Je me rendais chez Changbin, avec l'intention de mettre les choses au clair avec Chan. J'étais nerveux, je n'avais aucune idée de ce que je pourrais lui dire, surtout si j'avais raison quant à ses sentiments pour moi.

Et moi, éprouvais-je quelque chose de ce genre-là pour lui ? Non. Chris était mon plus proche ami, mais je ne ressentais rien de plus.

Une fois arrivé, je sonnai, et une femme de petite taille vint m'ouvrir. Sa longue chevelure de jais tombait en une cascade de boucles sombres jusqu'à ses reins, et son regard anthracite se planta dans le mien avec un flegme impressionnant.

— Excusez-moi madame, est-ce que Chan est là ? demandai-je d'une petite voix, intimidé.

— Désolée, il vient de sortir avec Changbin. Mais si tu veux, tu peux l'attendre ici, proposa-t-elle.

— Oh non, je ne vais pas vous déranger plus longtemps. C'est gentil de votre part, mais je repasserai plus tard. Si ça va pour vous, évidemment.

— Pas de problème. Comment t'appelles-tu ?

— Yang Jeongin.

— Je leur dirai que tu es passé.

— Merci beaucoup ! Bonne journée !

Lorsque la mère de Changbin eut fermé la porte, je lâchai un soupir de soulagement. C'était vrai que je voulais discuter avec Chan, mais je ne pouvais m'empêcher d'être heureux que ce moment soit repoussé.

Je rebroussai chemin et décidai de me promener un peu, histoire de me changer les idées. Ma vie était devenue beaucoup plus compliquée ces dernières semaines, mes amis tombaient tous amoureux les uns après les autres. Je ne savais plus vers qui me tourner.

Bientôt, je me mis à marcher dans une allée que je n'empruntais généralement jamais. De coutume déserte, une personne à la crinière ébène se tenait pourtant dans une ruelle sombre, s'accrochant désespérément à un mur.

— Excusez-moi mademoiselle, vous allez bien ? m'enquis-je en m'approchant avec inquiétude.

Elle semblait faire un malaise, mais lorsque je pus mieux saisir ce qui se passait, je distinguai une mare de liquide carmin sur l'asphalte.

La fille se tourna vers moi, et son visage couvert de sang me fit frissonner. Sans réfléchir une seconde de plus, je sortis mon téléphone pour composer le numéro des urgences.

Son regard était mystérieux, reflétant une certaine tristesse. Il ressemblait comme deux gouttes d'eau à celui de...

— N-Non, murmura-t-elle, s'il te plaît Jeongin, n'appelle pas... je ne v-veux pas aller à l'hôpital...

— Ferme-la, Hyunjin, rétorquai-je durement. T'es en train de te vider de ton sang, je te signale.

Elle ne releva pas le prénom. Je le savais.

Un léger rire absurde s'échappa de mes lèvres.

La noiraude se tut, et s'affaissa au sol. Le son d'une ambulance ne tarda pas à se faire entendre, mais elle ne provenait pas de celle que j'avais réclamée, s'éloignant de notre position. Une deuxième arriva dans les minutes qui suivirent, et les ambulanciers embarquèrent la fille sur un brancard. Ils refusèrent de me laisser pénétrer dans le véhicule, son état ayant été jugé trop critique, alors je restai debout, à les regarder s'éloigner.

J'exhalai un soupir et me mis en route vers l'hôpital pour s'enquérir de son état.

Comment Hyunjin pouvait-il s'être transformé en femme ? Je l'ignorais, mais je comptais bien le découvrir.

Au bout de quelques minutes, j'eus l'étrange sensation d'être suivi. Je me retournai prudemment, et aperçus un homme plutôt petit aux cheveux noirs et frisés marchant derrière moi, l'air de rien.

À première vue, j'étais simplement parano.

J'étais presque parvenu à y croire, mais lorsque je me mis à faire de plus grands pas, l'homme accéléra à son tour.

L'angoisse m'envahit progressivement. Cet individu était suspect, il ne me poursuivait sûrement pas pour me vendre des glaces.

Lorsque je le dévisageais, il faisait semblant d'admirer les bâtiments aux alentours. Mais je n'étais pas dupe, les immeubles étaient vétustes et délabrés, il n'y avait rien à voir.

Cela avait-il un rapport avec la voiture ? J'espérais que non.

Je cherchai à me rapprocher du centre-ville pour continuer ma route sur un chemin bondé. Peut-être qu'ainsi, je parviendrais à semer mon poursuivant.

Si ça se trouvait, j'étais juste en plein délire. Mais on n'était jamais trop prudent.

Les pas dans mon dos se firent plus rapides, moins discrets. Cela me rendit immensément nerveux.

J'accélérai moi aussi la cadence, avant de me mettre à courir. Mais l'homme persista à me suivre.

Je le savais, j'étais en danger ; la course n'était pas mon point fort, et mon poursuivant faisait de grandes enjambées.

J'étais encore loin d'une rue principale. Mais pourquoi fallait-il qu'aujourd'hui les allées soient désertes ?

Je stressais tellement à l'idée de ce que pourrait me faire cet homme que mon cœur battait à tout rompre. L'adrénaline me donna une secousse qui me poussa à me taper le sprint le plus rapide de toute ma vie. Je respirais par brusques à-coups, j'avais l'impression de manquer d'air.

Au moment où je pensais enfin avoir semé cet individu, une voix se fit entendre plusieurs mètres derrière moi.

Elle me glaça le sang, me provoquant d'atroces sueurs froides.

— Tu peux toujours courir, je finirai de toute façon par t'avoir.

Je me retournai, mais il n'y avait plus aucunes traces de mon poursuivant.

Terrifié, je me hâtai de rejoindre le centre-ville, et me laissai choir sur le premier banc que j'aperçus. Ma respiration était hachée, ma tête me tournait, alors je m'y allongeai, tentant en vain de reprendre mon souffle.

« Sérieux, c'est quoi cette journée... »

Ouais, il y avait des jours comme ça, où je me disais que j'aurais mieux fait de rester dans mon lit.

Insondables | ˢᵗʳᵃʸ ᵏⁱᵈˢOù les histoires vivent. Découvrez maintenant