𝟒 : Blah

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Changbin
J'exhalai un profond soupir d'irritation. Pour la énième fois, une feuille de papier recouverte de ratures et d'encre se retrouva à la poubelle.

Je n'arrivai décidément pas à trouver l'inspiration. J'avais besoin de l'aide de Chan, il était doué pour cela. Mais ces derniers jours, il semblait constamment plongé dans ses pensées, il avait l'air perdu. Il commençait sérieusement à m'inquiéter, mais je ne pouvais pas le forcer à me dévoiler quoi que ce soit. De toute façon, je finirais bien par apprendre ce qui le tracassait.

J'essayai de me convaincre que l'état de Chan était la cause de ma dissipation, mais il y avait autre chose.

L'enregistrement.

Il y avait de cela une semaine, j'avais reçu une vidéo par message. J'avais d'abord cherché le propriétaire de ce numéro, mais étrangement, je n'avais rien trouvé. J'avais ensuite envoyé un banal « T'es qui ? », mais je n'avais obtenu aucune réponse. Cette personne n'avait même pas lu mon message — ou alors peut-être avait-elle été assez intelligente pour ne pas me lâcher un vu.

La curiosité m'avait alors emporté, et j'avais lancé la vidéo. Elle s'était plutôt avérée être un enregistrement, car il n'y avait aucune image. Le son était étonnamment de bonne qualité, la personne avait probablement dû utiliser un micro de haute gamme.

Au début, j'avais entendu de brefs soupirs et une respiration saccadée par les larmes.

Et ensuite, quand la voix s'était finalement fait entendre, cela m'avait bouleversé.

Elle était unique, teintée d'une rudesse sans égal.

Elle vibrait d'une puissance incroyable, caverneuse.

Son timbre infiniment rauque s'était enfoncé dans mon âme jusqu'à la faire frémir, son âpreté avait traîné la dernière bribe de ma raison au septième ciel.

Ce n'était pas la première fois que j'entendais une voix aussi gutturale, mais pour une raison que j'ignorais, celle-ci me faisait quelque chose.

Elle m'attirait indéniablement.

Ce garçon rappait dans un Anglais parfait, il n'était définitivement pas Coréen. Il avait néanmoins un accent que j'avais déjà entendu, puisqu'il s'agissait du même que celui de Chan. J'en avais donc vite conclu qu'il était Australien.

J'hésitais à faire écouter la voix à Chris, après tout, peut-être qu'il en connaissait le propriétaire. Mais je n'osais pas le déranger, car il était à fleur de peau ces temps-ci.

J'adorais la voix de cette personne, ainsi que sa manière éraillée de rapper. Je m'étais promis que lorsque je découvrirais son identité, je lui demanderais de faire un duo avec moi.

Mais pour l'instant, je devais me contenter de Chan et, de temps à autre, de Hyunjin. Je me rappelais de la fois où j'avais entendu ce dernier s'essayer à une de mes chansons. Il était indubitablement doué. Quand je lui avais proposé de l'aider à s'améliorer, il avait accepté sans hésiter.

J'étais tellement perturbé par cette voix que cela m'exaspérait. Je n'étais pas fichu d'écrire des textes sensés depuis que j'avais reçu cet enregistrement !

D'ailleurs, « recevoir » était un bien grand mot. C'était probablement du hasard, quelqu'un qui s'était trompé de numéro. Je ne voyais pas d'autres explications.

Mon portable vibra, et je me jetai littéralement dessus, avec espoir. Je fus alors déçu de constater qu'il s'agissait uniquement de mon meilleur ami.

Kangaroo97 :
Ramène ton menton pointu au parc
On a un problème

Moi :
Un problème ?

Kangaroo97 :
Je t'expliquerai sur place

Moi :
D'acc

Je me levai, enfilai mes chaussures, et attrapai une veste au passage, avant de sortir de chez moi. J'insérai mes écouteurs dans mes oreilles et scrutai mon portable, hésitant.

Finalement, l'envie l'emporta à nouveau et je lançai l'enregistrement pour la cinquième fois de la journée. Aussitôt, la voix commença à rapper, d'abord lentement, puis de plus en plus rapidement à mesure que la musique s'intensifiait.

Elle était incroyable, des frissons couraient sur ma peau lorsque je l'entendais. Elle me touchait profondément, même si je ne comprenais presque rien aux paroles. Son timbre si bas me rendait dingue, je pourrais l'écouter pour l'éternité.

Je ne comprenais pas ce qui m'arrivait, j'avais l'impression d'être malade. Était-ce normal de ressentir autant d'attirance pour une voix ?

Quoi qu'il en soit, je devais découvrir à qui elle appartenait. Je voulais pouvoir mettre le doigt sur un visage lorsque je l'entendais.

J'avais un besoin irrépressible de savoir.

Une pulsion viscérale.

Insondables | ˢᵗʳᵃʸ ᵏⁱᵈˢOù les histoires vivent. Découvrez maintenant