L'Insurrection [En correction/PAUSE !!]

Chapitre 18

Irène ne venait pas seulement de pénétrer dans un renforcement quelconque d'une montagne prise au hasard. Non, la Trinité avait opté pour un véritable labyrinthe et elle devait se débrouiller pour trouver son ennemi dans tous les dédales. Terreux, les parois pliaient sous le poids de l'univers, la poussière obstruait sa vue de la pire des manières. Ses yeux secs peinaient à distinguer les éléments autour d'elle. Néanmoins, elle avançait sans réfléchir. Un piège ? Évidemment, elle s'enfonçait dedans, mais ne le craignait pas. La peur n'était plus au rendez-vous. Aujourd'hui, il ne s'agissait pas de redouter une mort certaine ou non, mais de combattre quoi qu'il en coûtait le mal.

Et Mélissandre incarnait ces ténèbres destructrices qui se dissimulaient sous un masque vile, le masque de la Trinité. Au bout de ce qu'il lui parut une éternité, Irène déboula avec sa vitesse optimisée dans un endroit plutôt vaste, un trou béant au centre qui laissait présager une chute de plusieurs centaine de mètres. En face, de l'autre côté, la sorcière démoniaque patientait et elle n'était pas seule. Des dizaines de démons. Peut-être une cinquantaine. Soupirant, la vampire ne se démonta point, et confronta sa destinée. Pas à pas, elle contourna la fosse et se planta devant le siège improvisé de son adversaire, soit une pierre minable sur laquelle elle reposait son pitoyable séant.

- Nous revoilà finalement, l'une et l'autre, au bord du précipice. Tu sais ! souhaita rappeler la plus âgée, ma vie n'aspirait qu'à vivre cet instant, depuis que tu t'es évadée de ma forteresse à Rio de Janeiro. Autrefois, j'aurais patienté des années pour que tu te ranges dans mon camps. Désormais, je ne détiens plus cette patience. Ainsi, pour la énième et dernière fois, je te poserai une question et ta réponse déterminera ta survie. Lorsque tu transmettras ton choix, souviens-toi que mes démons n'hésiteront pas à te déchiqueter et j'ai choisi ceux qui te détestaient le plus. Aucune chance pour que tu les convertisses, comme les précédents.

Mélissandre, magnifique femme, aurait pu tellement obtenir. Par sa beauté, mais surtout par son don de parole. Elle s'exprimait bien et convainquait particulièrement. Elle aurait, sans problème, atteint des sommets en politique humaine, si elle se serait dédiée à cela. Elle aurait pu vivre paisiblement avec Cordélia et Stanislas, les aurait aimés et choyés le restant de ses jours. Mais, elle perdrait tout au nom de sa Trinité adorée. Quel gâchis !

- Joins-toi à moi, c'est un ordre, Irène !

La dénommée n'appréciait pas du tout son ton sec et amer, que prenait autrefois sa mère pour la sermonner. Libérée de toutes les oppressions, la noiraude ne répliqua rien, se maintenant dans un parfait mutisme, mais fixant intensément Mélissandre. Son regard pouvait la décomposer sur place, et ses lèvres s'étirèrent. La mine de la sorcière reflétait son hésitation. Et, malheureusement pour elle, Irène comprenait cette hésitation et décida de s'en servir afin de la titiller.

- Vois-tu, je fus semblable à toi jadis. Quand ma mère ordonnait, j'obéissais. Si elle exigeait une fleur violette de dix centimètres exactement, je ratissais les champs pour la lui dénicher. Elle possédait cette élocution, que tu as adopté à ton tour, qui soumettait le premier venu. Preuve étant que Stanislas et toi étiez ses pantins sur mesure. Deux soi-disant amis qu'elle contorsionnait à sa guise, pour extirper vos qualités et les utiliser selon sa volonté du moment. Cordélia Horline... Je préférerais ne jamais l'avoir eu pour mère. Et que son âme ne repose jamais en paix ! Elle ne m'inspirait nulle sympathie et profitait de pauvres démunies tel que vous, assouvissant ses fins, sans remords si elle blessait sur son passage. Cordélia Horline... Je l'aurais volontairement tuée de mes mains, mais l'occasion n'eut le temps de se présenter. Elle illustrait l'image d'une femme aigrie par la vie et ne crois pas qu'elle éprouvait une quelconque affection envers toi. L'unique personne à laquelle elle daigna offrir son inclination fut mon père. A sa mort, elle se transforma en le monstre que tu côtoyais. Elle se servait de la Trinité, en tant que prétexte pour se venger des sorciers qui nous avaient attaqués et assassinés son cher époux. Elle te détestait d'ailleurs à cause de ton espèce. Cordélia Horline... Elle mentait divinement bien. Suffisamment pour que je baisse ma garde, pour que tu tombes dans le panneau et exécutes son œuvre malgré son trépas, mais pas assez pour que Stanislas ne perpétue sa folie. Lui, contrairement à toi, avait saisi. A quel point elle se moquait de vous ! Pour finir, Cordélia Horline, je suis ravie qu'elle demeure six pieds sous terre. Elle ne mérite pas mieux !

Mélissandre, à contrario de ce qu'elle espérait, ne serra pas son poing, elle ne contracta pas sa mâchoire, ne bougea pas du pouce, mais plongeait son regard au sol sans rien rétorquer, sans chercher à défendre sa meilleure amie. La vérité était bel et bien que la sorcière acquiesçait à toutes ces paroles, mais elle ne l'avouerait pas à haute voix. Cordélia Horline vivait avec force et honneur, et ne se serait pas entichée d'une misérable mage, ni d'un alpha. Elle valait plus. Tellement plus. Sa puissance n'égalait celle d'aucun autre, elle aurait dû dominer le Monde Obscur à sa place, mais le Fatum avait déterminé les rôles avant qu'elles ne puissent poser leur condition.

Irène reprenait difficilement son souffle à la suite de cette longue tirade. Ces mots résonnaient dans son être. Les mots les plus sincères qu'elle ait prononcés jusqu'à présent. Sa mère ne méritait ni pitié, ni adieu, puisqu'elle les avait tous menés à ce jour funeste. Les Enfers la martyriseraient sûrement durant une éternité intolérable et la vampire ne manquerait pas de remercier le Tout-puissant pour cela. Cette femme l'avait privée de tout. D'une enfance heureuse, d'un choix quant à son métier, obligée d'entrer dans l'Ordre effroyable des Protecteurs, d'un amour en l'éloignant inlassablement de Gabriel. De bonheur, de libre arbitre. Dorénavant, elle ne songeait plus qu'à réparer ses erreurs, en purgeant le monde de ses péchés.