1710, Inde, Kolhapur
- L'Empire marathe se propage, les moghols devraient commencer à s'en préoccuper sérieusement, s'ils souhaitent maintenir leur suprématie. Il paraitrait que le cousin du Chhatrapati, Shabu, l'ait chassé du trône. Étonnant, puisqu'il avait disparu depuis quelques années maintenant. Shivaji II serait ainsi devenu un Radjah, dirigeant ce magnifique état où nous nous retrouvons aujourd'hui.
Mélissandre venait de déblatérer ces informations sans grand intérêt pour Stanislas, puisque d'autres affaires plus urgents l'amenaient ici. La sorcière se délectait des atmosphères mortelles, elle se rapprochait constamment des lieux où la guerre vrombissait. Les anglais convoitaient fortement ce pays et elle avait embarqué dans un de leurs navires le mois dernier. Se collant à certains diplomates, joli mot pour nommer un homme cherchant à prendre par la politique la gouvernance de l'Inde, elle s'était intéressée au conflit entre les musulmans et les hindous. Elle adorait le trouble et la discorde.
Soudainement, la brune pivota vers son ami et l'interrogea, muette, un sourcil relevé. Mais, ce qu'elle constata ne lui plut guère. L'alpha pleurait. Intérieurement, son cœur saignait et sa douleur se dessinait en sillons sur ses joues creuses. Depuis l'Insurrection, donc depuis deux cent ans déjà, ils l'attendaient. Qui ? Cordélia. Ce soir-là, elle s'était évanouie dans les ombres du petit matin, laissant un amant et une confidente dans le mystère total.
Stanislas fouillait le monde entier, et prévenant Mélissandre au moindre indice. Tandis que la sorcière se dirigeait dans ce genre de nation, là où le conflit rugissait, parce que sa Délia chérissait également les tourmentes de l'hostilité. Mais, rien. En deux siècles, la vampire demeurait introuvable. Et, avec elle, le Daemonica. Le livre le plus dangereux de l'humanité et du Monde Obscur, un grimoire capable de détruire ciel et terre, mers et océans, mortels et immortels. Perdu dans la nature sauvage.
- Pourquoi ? souffla la sorcière, anxieuse, la terreur la saisissait de plein fouet. Pourquoi une telle mine abattue ? Stanislas ! Pourquoi m'angoissez-vous de la sorte ? Ah ! Stanislas !
Elle se leva brutalement et le rejoignit en trois enjambées. Presque collés, les mains tremblantes de la femme s'écrasèrent sur le torse du loup. Elle le fixa, l'analysa, le dénuda par son simple regard. Un regard qui le suppliait de ne pas porter une mauvaise nouvelle. Cependant, elle remarqua cette lueur brisée, qui signifiait que tout était terminé. Fulminante et peinant à y croire, Mélissandre le poussa nerveusement et s'envola dans les dédales d'un habitat abandonné de Kolhapur. Dans la ténébreuse nuit et parmi les cris incessants des villageois, elle s'évapora à la recherche de sa meilleure amie.
- Vous avez pleuré, nota une voix pénétrant peu après dans la maison quasiment en ruine. Pourtant, il me semblait que vous ne lui accordiez plus aucune inclination. Un attachement humble, complaisant, prévenant ; vous éprouviez une satisfaction à ses victoires, de la fierté lorsqu'elle eusse triomphé sur les gouvernements du Monde Obscur.
- Vous le saviez, n'est-ce pas ? rétorqua Stanislas. Vous saviez que Cordélia n'était plus. Qu'elle succomba cet horrible soir-là ?
Irène acquiesça. Il s'agissait de sa mère avec qui elle avait crée un lien profond, bien que, durant les dernières décennies, elle avait tenté de la tuer. La rousse se doutait aisément que sa mère avait trépassé il y a longtemps déjà. Sinon elle serait restée auprès de ses deux acolytes et elle aurait gouverné le monde à sa guise. Durant ces deux cent années, observant silencieusement la Trinité prendre de la puissance, elle avait suivi Mélissandre. Cette dernière la pourchassait. Ou, du moins, elle envoyait des mercenaires si peu compétents à sa poursuite. Quel meilleur endroit pour se cacher et fuir que de se trouver juste derrière elle. Ainsi, elle pouvait enquêter sur la sorcière et connaître une grande partie de ses plans.
- J'ignore si je dois vous remercier, ou non ! clama la vampire, scrutant la réaction du loup. D'un côté, vous avez aimé et épaulé ma mère à la suite du décès de père. Vous vous êtes occupé d'elle et l'avez rendue heureuse. D'un autre, vous n'avez rien tenté pour empêcher cette monstrueuse erreur. Sans l'Insurrection, sans le Daemonica et sans les ambitions de la Trinité, elle ne serait pas morte aujourd'hui. Néanmoins, vous n'aspiriez qu'à l'aider et elle vous implorait de l'accompagner dans sa folie meurtrière. Je ne puis vous en vouloir d'avoir vainement essayé de lui soutirer quelques sourires.
L'alpha contracta ses poings. Certes, entre la possession d'un démon et l'Insurrection, il sentait que Cordélia s'égarait. Et elle perdait aussi peu à peu son amour. Stanislas ne supportait plus ses élans de colère injustifiée, ni sa volonté de dominer le monde. Pourquoi ? Quel contentement cela lui apporterait-il ? Lui même éprouvait une culpabilité lacérante. Peut-être qu'il aurait pu la raisonner et la ramener dans le droit chemin. Elle serait toujours en vie, saine d'esprit, et à ses côtés.
- La Trinité s'effacera avec le temps, susurra-t-il, désolé pour tous les malheurs de l'univers.
- Non, trancha Irène, sûre d'elle. Mélissandre ne délaissera jamais la Trinité, puisqu'elle constitue l'ultime vestige de ce que fut autrefois Cordélia. Elle la dirigera avec ou sans vous. J'en suis persuadée.
L'homme se tourna lentement vers elle, les larmes aux yeux. Sa vie s'effritait. En fait, elle s'anéantissait progressivement depuis l'Insurrection, mais, cherchant son amante, il détenait encore un but. Dorénavant, plus rien ne le retenait sur terre. Que deviendrait-il ? Il ne pouvait rester avec Mélissandre, il ne participerait plus à ces vagues de domination absurdes. Il quitterait sa meute. Il n'en voulait plus, car ils vouaient tous un culte à la Trinité. Il partirait probablement s'enfermer dans les confins les plus reculés d'un territoire inconnu afin de demeurer seul et misérable pour son éternité. Seulement, un détail devait être résolu, avant qu'il ne tire sa révérence.
- La Paix, la Guerre et la Désolation, je refuse qu'elle soit incarnée par cette déséquilibrée de Mélissandre. Appropriez-vous ce titre, jeune Horline. Soyez aussi assurée que vous ne craigniez plus rien de moi. Ne nous revoyons plus. Pour notre bien commun. Soyons des étranges qui n'auraient jamais dû se rencontrer au début. Subsistez en tant que la Paix, la Guerre et la Désolation, et détrônez Mélissandre ! Si vous y parvenez, alors ce monde aura une chance d'être sauvé.
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L'Insurrection [En correction/PAUSE !!]
ParanormalIrène de Lister fuit son peuple, ses ennemis et ses alliés. Prometteuse vampire et Protectrice, tombée sous le charme de Gabriel Hastings, puissant sorcier, elle avait tout pour devenir une immortelle extrêmement importante et influente ; mais elle...