Alias "Oh Babe"

Chapitre 12 : Probabilités

Sa mère m'avait expliqué qu'il avait toujours été comme ça; insensible. Il tenait ça de son père alors que son grand frère pour le coup tenait d'elle. Elle m'avait dit que même si sur le coup, le truc sur la table pour lequel il s'était le plus enthousiasmé étaient les cartes d'abonnement Spotify, ça ne reflétait pas qu'il n'était pas content pour l'iPhone qui était pourtant la chose la plus chère qu'il avait reçu.

Ce soir là, on avait été à Porto en métro tous les deux parce que je devais passer chez Primark pour m'acheter des baskets et nous étions ensuite parti marcher sur les aliados (la place principale de Porto) manger chez McDonald's. N'ayant pas faim, j'avais juste acheté deux smoothies aux fruits rouges pour me remplir l'estomac et nous étions restés assis tranquillement sur un banc avant de rentrer à la maison.

Pile après un mois d'utilisation de son iPhone et juste le jour après que sa grand-mère ait eu l'idée géniale d'enlever la vitre de protection de son téléphone, un jeudi précisément aux alentours de 15h alors que j'étais en cours de philo, Fabio s'était pété la gueule sur le sol avec son téléphone dans sa poche.

Quand j'avais vu l'état de l'écran le jour d'après, j'ai cru que j'allais l'étriper parce que je savais pertinemment que ça serait moi qui allait devoir payer cette connerie n'ayant pas d'assurance et sachant qu'il n'avait pas d'argent. En plus, il m'avait mit la pression comme quoi il ne pouvait pas l'utiliser dans cet état ou le téléphone allait se dégrader aussi vite que, d'ici deux mois il ne fonctionnerait plus. J'avais donc envisagé de le quitter ou de le tuer mais avais finalement décidé d'emmener le téléphone pour le faire réparer.

Il avait choisi un endroit en particulier parce que c'était censé coûter 15€ de moins que les autres et avait dit oui quand le mec nous avait dit le prix qui était en fait 20€ de plus que les autres.

J'hésitais encore à le tuer mais n'ayant pas envie de me taper 10 magasins par non-envie de gaspiller mon temps ou l'argent en carburant que ça nous coûterait de toute façon, nous l'avions fait réparer là.

Le soir même, il était allé au centre commercial le plus proche de chez moi à pied pour acheter une vitre de protection et avait au passage volé une coque Adidas qui coûtait 25€ chez Worten. Je ne cautionnais absolument pas l'acte de voler mais je m'en fichais bien sur le moment si ça pouvait m'éviter de payer 260€ de changement d'écran dans les deux ans à venir.

Le mois d'avril avait été vraiment compliqué. Après avoir parlé à Fabio, je m'étais mise dans la tête de tomber enceinte. Le problème était que, premièrement, j'avais à peine 17 ans et demi (et j'en aurais 18 et demi à l'accouchement) mais surtout, je ne pouvais pas faire naître mon enfant en décembre.

Il fallait donc que j'attende deux mois de plus pour être bien sûre qu'il naîtrait en janvier même en étant un peu prématuré.

J'avais passé une semaine non-stop matin, midi et soir à me gaver d'informations sur : "entre quel âge et quel âge un bébé a besoin d'un berceau", "à partir de quel âge peut-il dormir dans un lit pour enfant ?", "entre quel âge et quel âge un bébé a-t-il besoin d'une chaise haute ?", "à quel âge n'a-t-il plus besoin de lait maternel ?", "à quel âge commence t-il à marcher ?", "vaut-il mieux acheter une poussette ou un porte bébé" et dans le cas de la poussette, "valait-il mieux acheter un trio plutôt qu'une poussette seule ?"

À la fin de la semaine, j'avais fini ma liste de naissance et j'avais fait un budget mais avais fini par abandonner voyant que je serais pauvre au bout d'un an. Après ça, j'ai commencé à faire un autre de mes stress post-traumatique du lycée français et ne voulait plus aller à l'école.

Personne ne m'avait soutenue quand j'avais annoncé mon idée de tomber enceinte. Ni ma meilleure amie, ni mon copain, ni ma grand-mère. J'étais déprimée et après avoir parlé à mon père d'essayer de me trouver une psy, il en avait trouvé une dans Porto où j'irais une semaine plus tard. 

[Seulement à titre informatif, au Portugal les gens n'attachent pas autant d'importance au fait de s'adresser aux gens par leur nom de famille, je ne connais donc même pas le nom de famille de ma psy et l'appelle par son prénom même si je ne la tutoie pas.]

Tout s'était très bien passé, j'aimais beaucoup Marta (ma psy) mais elle avait diagnostiqué 16 séances au total, réparties sur une par semaine puis une sur deux et une sur trois puis une sur quatre avant d'être fini et il fallait payer dès le début.

Le seul truc positif était qu'en payant tout de suite, nous pouvions programmer des séances supplémentaires sans rien payer en plus mais après y être allé trois fois et avoir compris l'importance énorme de ne pas toujours penser savoir ce qui se passe dans la tête des autres, j'avais aussi compris que je n'aurais besoin de séances en plus que si l'un de mes proches mourraient subitement puisque plus rien ne m'atteignait désormais.

Le mois de mai était arrivé et j'avais décidé de fêter, pour la première fois en trois ans, mon anniversaire chez moi, au Portugal. Pour la première fois de toute ma vie, je le fêterais dans une maison qui était vraiment chez moi, pas juste une location. Mes parents avaient acheté la maison dans laquelle on vivait depuis mars.

Le jour de mes 18 ans, malgré le fait de se passer chez moi et que la plupart de mes amis ne pourraient pas venir, allait être une réussite. Je le sentais.