Nous marchions dans Paris, silencieux. Les mains enfoncées dans les poches, il finit par dire :
- Je voulais sincèrement te remercier pour tout ce que tu as apporté au projet, il marqua une pause. Tout ce que tu m'as apporté.
Je sentis mon cœur bondir dans ma poitrine.
- Ces dernières semaines avec toi m'ont vraiment fait du bien, ajouta-t-il.
C'était réciproque,savoir que mon ressenti était partagé me plongea dans un état d'allégresse enivrant. Je crus le moment opportun pour lui faire part de mes sentiments.
- J'ai adoré mon séjour ici, j'ai adoré les moments passés avec toi. C'est à moi de te remercier, tu m'as aidé à m'ouvrir, tu m'as fait prendre conscience de tout ce que les autres pouvaient m'apporter, la confiance, le réconfort, la douceur... le plaisir, ma salive avait du mal à passer. Pour être honnête, j'ai pas envie de partir.
J'attendis une réaction, mais rien ne vint.
- Je pensais peut-être me prendre un petit appartement par ici et trouver un petit boulot au début, avant de voir ce que je peux faire.
Toujours rien.
- C'est en parlant avec Mariana que cette idée m'est venue.
Il avait décidé de rien répondre.
- Tu en penses quoi ?
Il souffla.
- Je sais pas, pourquoi tu as décidé ça tout à coup ?
- Pour rester ici, continuer un peu le plaisir. Pour rester avec vous. Pour rester avec toi, ajoutai-je dans un souffle presque inaudible tant l'aveu était intime.
Il s'arrêta.
- Maëlle...
Le ton de sa voix, bien que pleine de douceur, ne présageait rien de bon.
- Je croyais qu'on voyait les choses de la même façon. On a pourtant beaucoup parlé de Sarah.
Je rivai mes yeux sur mes chaussures. Il me prit doucement le visage pour me forcer à lui faire face, mais mes yeux s'obstinaient à rester baissés.
- Je ne la quitterai pas.
Je pris la violence de ses mots en pleine face. Je le savais pourtant, mais une fois prononcée, cette phrase donnait vie à la réalité que je tentais d'occulter.
- Je suis sincère quand je te dis que j'ai aimé passer du temps avec toi, mais c'était ponctuel. Tu l'as dit toi-même chez Mekra, sur le balcon. C'était une parenthèse. Une note de douceur. Un joli interlude que j'ai pris plaisir à jouer avec toi, sincèrement, mais ça ne pourra pas aller plus loin.
Je crois que mon silence le désarma puisqu'il décida de poser ses lèvres sur les miennes. Je voulais me dégager, lui signifier tout le dégoût que sa comédie m'inspirait, mais mon corps semblait déterminé à profiter de ce dernier baiser. Enfin, il détacha ses lèvres des miennes, et je suffoquai.
- Crois-moi quand je te dis que je te suis vraiment reconnaissant de tout le soutien et de toute la douceur que tu m'as apportés, tu m'as fait entrer dans un cocon, mais il est temps que je retourne dans la vraie vie.
Mes yeux croisèrent les siens un quart de seconde, temps suffisant pour me rendre compte qu'il était sincère. Je décollai ses mains de mes joues et décidai de mettre fin à ce supplice.
- Il est temps de rentrer, les autres vont remarquer notre absence.
Le reste de la soirée passa lentement. Je cachai la plaie qu'avait ouverte ma discussion avec Ken, masquée derrière un sourire faux, un sourire de danseur qui souffre mais qui ne montre rien, un sourire faussement courageux, le sourire d'une personne décidée à ne plus montrer un seul signe d'émoi. Tous les sentiments que j'avais pu lui livrer m'avaient été renvoyés poste restante, et je comptais bien les ensevelir, les étouffer, les anéantir pour de bon.
J'étais restée jusqu'à deux heures du matin, pour faire bonne figure, mais je n'avais pas réussi à profiter de mes derniers instants avec l'équipe, trop occupée à dissimuler mon jeu. J'avais enlacé tout le monde avant de les quitter pour de bon. Chacun avait eu un mot à mon égard, un peu de réconfort dans l'obscurité qui m'étouffait. Mariana avait insisté pour connaitre l'heure de mon départ, elle voulait m'accompagner à la gare.
Merka serra son étreinte plus que nécessaire. J'avais le sentiment qu'il savait ce qui se passait dans ma tête. L'observateur qu'il était s'était sûrement rendu compte de notre absence, de mon silence à mon retour, de la hâte avec laquelle Ken était allé prendre Sarah dans ses bras. Son étreinte m'avait apporté assez de chaleur pour que lui adressasse un sourire franc. Nous aurions pu être amis. Mais ça n'était plus une éventualité, et le lui claquai un bisou sur la joue, plein de sympathie et de reconnaissance. Après tout, il avait essayé de me prévenir.
Le retour à l'hôtel se fit dans le calme. Hugo avait insisté pour me raccompagner. Sa présence était tolérable tant j'avais d'amitié pour lui. Arrivé devant l'hôtel, il me serra dans ses bras tellement fort que je crus sentir quelques os craquer.
- Tu m'enverras des messages hein ? Si tu reviens sur Paris tu as l'obligation de venir me voir.
Il m'enlaça encore une fois. « Tu vas me manquer » m'avait-il murmuré à l'oreille. Toi aussi. Mais je n'étais plus capable de parler, et je laissais les larmes que je sentais couler le faire pour moi.
La séparation fut difficile, mais je finis, sans savoir comment, dans le grand lit molletonné pour la dernière fois.
Des nuages noirs, menaçants avaient pris possession du ciel ce matin. A l'image de ces derniers jours, après la chaleur arrivait l'orage. Rien ne reste jamais parfait.
J'attendais d'entrer dans mon train, sur le quai, accompagnée de Mariana qui passait son temps à me sauter au cou. Je me revoyais à mon arrivée, terrorisée, renfermée, refusant le moindre contact avec les gens. Ce séjour m'avait beaucoup appris, sur la danse, sur les autres, et sur moi-même. Surtout sur moi-même. Et je savais que, fatalement, tous les progrès que j'avais faits allaient être balayés par ma routine grenobloise.
Je n'en voulais pas à Ken, j'avais effectivement choisi moi-même de m'aveugler, j'avais lentement planté le poignard qui transperçait mon cœur, en toute conscience. J'espérai au plus profond de moi que la douleur perdurerait, pour qu'il me reste quelque chose de notre histoire. Je décidai de ranger tous les souvenirs que j'avais créés avec lui dans une boîte de coton que je ressortirais aux moments les plus difficiles de ma vie. Les souvenirs sont, après tout, le meilleur cadeau que quelqu'un puisse nous offrir.
Les sifflets appelèrent les derniers voyageurs et je me détachai de Mariana pour sauter dans le train à temps avant que les portes ne se ferment. Je lui fis un dernier au revoir à travers la vitre et me dirigeai vers ma place. L'odeur du velours poussiéreux ne m'avait pas manqué. Je m'effondrai sur ma place adressant un dernier au revoir à la partie de moi, heureuse et insouciante, restée à quai.
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Bye bye Maëlle !
Pas de panique, j'ai encore quelques chapitres en réserve, il faudra faire travailler votre mémoire...
J'espère que vous n'êtes pas trop déçus.
Je travaille sur un autre projet, je vous en reparle plus tard
xx

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Parenthèse
Fanfiction"Ta façon de danser reflète ton âme, tu es quelqu'un de bien Maëlle."