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1 heure du matin, toujours sur ce même balcon, je planifiai mon retour à l'hôtel. Je ne pouvais évidemment pas dire au revoir à tout le monde, ils m'auraient proposé de me ramener. J'avais déjà gâché la soirée de Ken, je ne voulais qu'on me colle définitivement l'étiquette de « briseuse d'ambiance ».

- T'as pas bougé ?

- Qu'est-ce que tu fais là ? répondis-je sans me retourner. Mekra m'a dit que tu étais parti.

- Je suis juste allé faire un tour.

Il posa sa main sur le creux de mes reins, et murmura près de mon oreille :

- Désolé.

Je ne le regardai pas. Lui, prit naturellement place à côté de moi.

- Comme ça tu parles à Mek maintenant.

- C'est fou, hein ?

Il sourit.

- Il t'aime bien.

- C'est drôle, c'est exactement ce qu'il a dit de toi.

- Le traitre.

Je me retins de rire.

- Vous avez parlé de quoi d'autre ?

- De danse.

- En parlant de ça, tu t'es plutôt rapproché d'Hugo... non ?

- Pas le choix, c'est toi qui me l'a mis les pattes je te rappelle.

- T'as pas l'air traumatisé.

Il avait un rire qui sonnait faux. Il s'en rendit sûrement, puisqu'il enchaîna immédiatement.

- Votre duo marche bien.

- Il est incroyable !

- Toi aussi.

Je retrouvai la douceur dans sa voix.

- Arrête un peu.

- Tu dégages quelque chose de tellement fort...

- Oui, genre une gamine qui essaie de reproduire ce que fait son papa !

- Au contraire, quelque chose de fort, de sauvage et de d...

- Sauvage ? Moi ? Tu m'as bien vue ?

Il plongea son regard dans le mien.

- Je ne fais que ça.

Je voulus bouger, mais toute l'énergie de mon corps se concentrait sur ses yeux, j'étais incapable de bouger. Il colla son front contre le mien, sa main sur ma nuque, et inspira profondément. Ses yeux s'étaient fermés mais la connexion demeurait, j'avais l'impression que nos deux corps n'avaient d'autre choix que de se rapprocher. Lorsqu'il posa sa main sur ma hanche, je me sentis chavirer. Le contact était simple, et pourtant intense et puissant. Nos nez se touchèrent, et je le sentais respirer de plus en fort. 

Je n'avais qu'une envie, une seule obsession à ce moment-là : goûter à ses lèvres. Elles n'étaient plus qu'à quelques millimètres des miennes, et continuaient à se rapprocher, si lentement que ç'en était douloureux. 

Et enfin le contact. 

Lorsqu'il se décida à m'embrasser, ce fut une délivrance, j'avais trop attendu pour rester sage. Je me collai à lui, une main dans ses cheveux, et répondis à son baiser avec fougue, comme s'il était la seule chose sur terre à laquelle je pouvais me raccrocher, le seul être au monde qui importait.

A bout de souffle je me finis par me décoller de lui, frustrée. Il avait maintenu ma tête contre son front, ses mains encadrant mon visage.

- Je ne me suis pas trompé, tu es une vraie sauvage.

Je me sentis rougir, et pour une raison que je ne comprenais pas, sa remarque me ramena sur terre. Sarah ! Dans un sursaut de conscience, je me libérai de son étreinte et reculai, il fallait que je m'éloigne de lui si je voulais garder toute ma tête. Il me regarda, décontenancé.

- Je suis désolée. J'aurais jamais dû, il y a Sarah...

Il soupira.

- Sarah c'est mon problème.

Je ne comprenais pas ça réaction, il avait de prendre ça à la légère, de minimiser l'importance que ça aurait sur sa vie de couple, et surtout la peine que Sarah pourrait ressentir si elle l'apprenait. La culpabilité prit le dessus, et tout le bien-être que j'avais pu ressentir quelques minutes plus tôt s'évanouit.

- Et puis, tu m'as fait venir pour danser. 

Comme si cette réalité m'accordait une quelconque protection alors qu'elle m'exposait au contraire. A court d'argument, je lui dis simplement :

- Je vais rentrer, j'ai du boulot demain.

- Je te ramène.

- Il ne vaut mieux pas.

Il s'approcha de moi, et la frustration de l'avoir quitté refit surface. Sa main posée sur mon dos, il décréta :

- Tu ne vas pas rentrer seule. Laisse-moi au moins te raccompagner.

- Ken...

Son nom sortit de ma bouche comme une supplication. J'avais l'impression de tout ressentir plus intensément quand j'étais avec lui, écrasée par le poids de mes sentiments. Il me sourit. Il savait qu'il avait pris le dessus.

Ce n'était seulement une fois dans l'appartement que je me souvins que nous n'étions pas seuls. Le temps avait semblé reprendre son cours normal et le retour à la réalité était difficile. J'allai dire au revoir à Mekra. Contre toute attente, il me prit dans ses bras et en profita pour me murmurer à l'oreille :

- J'espère que tu sais ce que tu fais.

Puis repris le cours de sa discussion avec un homme que je ne connaissais pas.

Dans la voiture, l'ambiance était tendue. Je n'osai ni parler, ni bouger, de peur de déclencher une quelconque émotion chez moi. Aucun de nous ne bougea une fois garés devant l'hôtel. Nous restâmes là, quelques minutes, dans le silence. Je sentis son regard sur moi, un regard appuyé, comme s'il essayait de décrypter mes pensées. Aussi, j'essayai de rester neutre. Enfin, il ouvrit la bouche.

- Arrête de cogiter, ça ne sert à rien.

Facile à dire.

- Vas te coucher, on se voit demain.

Il avait repris ses habitudes autoritaires, et moi, comme une gentille fille, je lui obéissais. Je défis ma ceinture et ouvris la porte, toujours sans un regard, et sortais mes jambes de la voiture quand il m'attrapa par le bras et força à lui faire face. Il prit mon visage entre ses mains et m'embrassa le coin de la bouche avant de lâcher un simple « bonne nuit ».

Je m'extirpai de la voiture avec difficulté tant j'avais le vertige, et essayai de reprendre mon souffle. Je ne pouvais plus bouger et regardais sa voiture s'éloigner. J'avais franchi un cap, fais le pas de trop. Je savais indubitablement que j'avais ouvert une porte qui aurait dû rester fermée, une porte vers un brin de bonheur dans un écrin de souffrance.


La culpabilité m'obséda toute la nuit, et je ne parvins pas à trouver le sommeil cette nuit-là, trop occupée à essayer de faire taire le dialogue mouvementé entre ma conscience et mes sentiments. La journée va être dure

ParenthèseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant