CHAPITRE 9

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Léonore

Après avoir nettoyé tout ce qu'avait sali l'espagnole, je devais prendre l'air. J'allais exploser. Au lieu de retourner avec mes autres semblables (à savoir les domestiques) je sorti de l'immeuble et me dirigeai vers celui de Lester. Je m'étais rapidement changée. Je ne portais plus cet abominable uniforme gris. J'avais détaché mes longs cheveux châtains et je les portais en deux tresses. Je portais une de mes robes favorites, elle était rouge et blanche, et je portais le dernier chapeau que mon père m'avait offert. Je montai par l'escalier principal et non celui réservé pour le service, et je toquai à la porte.

– Je sais qu'il est tard, mais je viens voir monsieur Blunt – expliquai-je à la domestique qui apparement ne m'avait pas reconnu.

Elle me fit entrer et j'attendis dans le salon. Il était presque aussi grand que celui d'Edgar, j'ai à peine pu l'observer que Lester entra avec un sourire aguicheur sur le visage.

– Vous vous habillez merveilleusement bien pour moi et vous venez me voir le soir...
– Lester – interrompis-je sur un ton réprobateur.
– Bien, bien, c'est d'accord, je n'insisterai plus sur le fait que je suis certain de vous plaire.
– Vous connaissez ma réelle identité, mais je ne serai plus jamais la fameuse fille de l'avocat Casper Saint-Clair, je suis une domestique. – éclairai-je.
– Peut-être mais vous pourriez être la célèbre Léonore Blunt, femme du célèbre médecin Lester Blunt – dit-il en me prenant la main.
– Votre femme ?
– Ma femme, oui.

J'éclatai de rire, mais lui me dévisagea.

– Monsieur Blunt...
– Lester, appelez-moi, Lester.
– Lester, nous ne nous connaissons que depuis quelques semaines et votre réputation vous précède...
– Je sais que malheureusement j'ai cette fâcheuse réputation qui me précède même si je suis le meilleur médecin de Londres.
– Êtes-vous toujours aussi charmant avec vos conquête ?
– Uniquement avec vous, ma chère Léonore.
Avec ma proposition de mariage j'ai totalement oublié de vous demander le pourquoi de votre si inattendue visite.
– Oh, je ne sais pas réellement pourquoi je suis venue... j'avais simplement besoin de prendre l'air.
– Désirez-vous aller nous balader dans les rues de Londres ? – demanda-t-il en massant l'arrête de son nez.
– Je ne souhaite point vous importuner – dis-je en gesticulant – vous devez sûrement être fatigué.
– Jamais assez fatigué pour refuser une balade avec une si merveilleuse compagnie.
– Dans ce cas, sortons et allons nous dégourdir les jambes – dis-je en me levant du canapé.

Il m'accompagna jusqu'à l'entrée, mis son chapeau et me proposa son bras, que j'acceptai volontiers. Nous marchions le long de la Tamise, la lune éclairait le sol.

– Comment avez-vous eu connaissance de mon identité ? – demandai-je en m'arrêtant.
– Edgar m'en a parlé, ne lui en voulez pas, nous sommes très proches et n'avons pas de secret. – m'expliqua-t-il.
– Oh... je vois.

Je me remis en marche et Lester m'accompagna. Je ne sais plus où j'en étais avec mes sentiments. Edgar avait été très aimable avant que sa fiancée arrive, mais maintenant, il était froids, dur, distant. Lui qui d'un seul regard avait allumé le feu brûlant qui m'animait, était maintenant celui qui y avait déversé de la glace et avait tué le feu. Lester faisait constamment des efforts pour me séduire et grâce à ces efforts il avait gagné une petite place dans mon coeur, mais pas la même place que celle d'Edgar. Peut-être qu'avec le temps j'allais apprendre à l'aimer ? J'étais à Londres depuis seulement trois semaines et je trouvais que cette durée n'était pas suffisante pour accepter les avances de Lester.

– À quoi pensez-vous ? – me demanda Lester en prenant mes mains.
– Je... euh... je pensais à nous – dis-je en baissant les yeux – vous êtes absolument charmant cher Lester, mais mes sentiments sont pour l'instant confondus, alors je vous prierais d'attendre un peu.
– Je suis flatté de voir l'honnêteté avec laquelle vous répondez – dit-il en appuyant sa main sur mon visage – sachez que je vous laisserai tout le temps que vous désirez.
– Merci – dis-je en frissonnant car le vent commençait à se lever.
– Voulez-vous rentrez ? Il est bientôt minuit.
– Oui, rentrons, il commence à faire froid.

Nous rentrâmes et il m'accompagna jusqu'au grenier des domestiques.

– Lester, vous n'auriez pas dû venir jusqu'ici, c'est l'endroit réservé pour les domestiques.
– Les normes sociales ne m'importe guère lorsqu'il s'agit de vous, Léonore Saint-Clair. – je rougis – dormez bien.
– Vous de même – dis-je en entrant sur le domaine de Théodora.

Silencieusement, je rentrai dans ma chambre. Le vent faisait vibrer la fenêtre, et il faisait très froid, je pris une couverture en laine dans l'armoire et la posa au dessus de ma couverture. Nous allions bientôt rentrer dans l'hiver, mais bon Dieu le grenier n'était pas en état pour pouvoir nous protéger du froid. Je repensais aux paroles de Lester, et à sa proposition de mariage. Il était évident que je lui plaisait, mais sa réputation de coureur de jupon m'effrayait. Je ne souhaitais pas être une de plus dans sa collection de femme. J'avais toujours conçu l'amour comme une espèce d'harmonie parfaite entre deux personnes. Les deux s'aimaient, mais dans ma vision parfaite du mariage, il n'avait pas du tout le fait que la femme soit la propriété de son mari. Il n'y avait pas non plus le fait que la femme soit interdite par son mari de travailler. Lester avait l'air d'être une personne absolument avant-gardiste, tout comme moi. Avec beaucoup de peine, je m'endormis, grelottant de froid.

La DomestiqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant