CHAPITRE 1

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Léonore

Je descendis du train, et rapidement je m'éloignai de la gare. J'avais voyagé depuis Madrid pour me retrouver dans cette ville, ma ville: Londres. De beau souvenirs me sont revenus en tête, mais également de biens funestes. Lorsque j'avais quitté la ville avec ma famille, nous étions une famille puissante, riche, glorieuse. Maintenant que je reviens, je n'ai ni famille, ni puissance, ni richesse, ni gloire. Une valise à la main, j'avançais dans les rues, mes vêtements ne correspondaient plus à ma classe sociale. Je n'étais plus riche, je n'étais plus Léonore Saint-Clair, fille du célèbre avocat Casper Saint-Clair et de la noble Mary d'Egerton. J'étais simplement Léonore, une pauvre orpheline de père et de mère, une simple fille, un fantôme errant dans les rues bondées de Londres.
J'avais entendu dire que la famille Douglas avait besoin d'une domestique, alors en mettant mon orgueil de côté, je montai les escaliers qui menaient à l'appartement principal du bâtiment ou cette famille vivait. Je toquai à la porte et je vis un vieil homme m'ouvrir la porte.

– Que voulez vous ? – me demanda-t-il en me dévisageant à travers le verre épais de ses lunettes.
– J'ai entendu dire que vous aviez besoin d'une domestique...
– Entrez – me coupa-t-il en faisant de grands gestes avec ses mains.

La première chose qui attrapa mon attention était le fait que dans le couloir, il y avait un énorme tableau de la famille Douglas. Le patriarche de la famille était assis sur une chaise, sa femme était debout derrière lui et leur fils était à côté de sa mère. Le père revêtait un costume bleu marine et un noeud papillon, son fils était vêtu de la même manière, mais la couleur de son costume était gris. La matriarche portait une gracieuse robe bleu claire avec des lacets bleu foncé et blancs. 

– Attendez-moi ici, je vais chercher mon fils – dit-il en s'engouffrant dans le couloir.

Je profitai de ce moment pour observer le salon. Les murs étaient bleu clairs et joliment décoré. Un lustre pendait du plafond envoyant des milliers d'éclat à travers la pièce l'illuminant ainsi d'une belle lumière dorée. La cheminée en face du canapé, également bleu clair, était éteinte, des cadres de photographie y étaient déposées tel des trophées.

– Voilà, Edgar, encore une domestique, je pense qu'elle a dû se perdre, tu me diras après comment tu trouves son accoutrement. Fais-la s'en aller– s'exclama monsieur Douglas en pensant que je ne l'écouterai pas.

Je me retourna et je vis un charmant jeune homme accompagné de monsieur Douglas. Je sentis le regard du jeune homme se croiser avec le mien et mes joues rougirent. Je n'avais jamais vu des yeux aussi bleu, aussi beau, aussi fantastiques. Même sur le portrait de la famille, le jeune Douglas était élégant. Son regard fut suffisant pour allumer un feu en moi et son sourire séducteur suffisant pour l'éteindre.

– Vous êtes ? – me demanda-t-il en s'approchant lentement de moi – Je vous en prie, asseyez-vous – il me montra le sofa qui se trouvait derrière moi.

Sans décoller mon regard du sien, mes jambes se plièrent et je m'assis.

– Je m'appelle Léonore Saint-Clair.
– Bien, je suis Edgar Douglas – dit-il en me regardant puis en regardant son père – Père, pourquoi n'allez-vous pas vous reposez ?

Ce dernier hocha positivement la tête et disparut dans le couloir.

– Vous êtes bien aimable mais...
– Pourquoi est-ce que vous dites cela ? – il m'interrompit avec un sourire charmant en coin de bouche.
– J'ai entendu votre père – dis-je en me levant – je ne veux pas vous dérangé, excusez-moi – demandais-je en me dirigeant vers la sortie.
– Ne partez pas, s'il vous plaît – pria le jeune Douglas en m'attrapant par le bras – venez avec moi, nous allons discuter.

Je le suivit jusqu'au salon.

– Pourquoi est-ce que vous êtes venu à cette maison ? – me demanda-t-il en croisant ses bras.
– J'ai besoin de ce travail.
– Donc vous êtes là pour le poste de domestique ?
– Oui.
– Dans ce cas je peux te tutoyer –  j'hochai la tête positivement à contre cœur. – que faisais-tu avant ?
– Je servais chez une famille à Madrid en Espagne.

Il me regarda amusé.

– En Espagne ? Pourquoi es-tu ici ? Les espagnols t'ont renvoyé ?
– Non, monsieur Douglas, je suis partie de mon plein gré.
– Intéressant – avoua-t-il en mordant sa lèvre – Donc tu sais faire toutes les tâches qu'une domestique doit savoir faire ?
– Oui, monsieur Douglas. 
– Bien, reviens demain, je vous dirai si tu es ou non notre domestique.

Revenir demain pour savoir ? Du temps de la gloire de mon père, je ne m'étais jamais sentie aussi insignifiante.

– Vous n'avez pas déjà votre avis ?
– Non, de plus, tu n'es pas très convaincante. Dites-moi, pourquoi as-tu besoin de ce travail ? En jugeant tes vêtements, tu n'es pas une pauvre.

Je regardai ma longue jupe rouge et ma chemise blanche. C'est vrai qu'avec cet accoutrement, je ne paraissais point une mendiante.

– Les apparences peuvent être trompeuses – murmurai-je amèrement.
– Tu n'as qu'à revenir demain matin – lança-t-il en allumant son cigare – mais à ta place je ne me ferai pas trop d'illusion – la fumée de son cigare sorti de sa bouche.

J'hochai la tête et je me dirigeai vers la porte. Une seule question traversait mon esprit: Ou est-ce que j'allais passer la nuit ? En descendant les escaliers, j'ai croisé une autre domestique qui cherchait également l'appartement de la famille Douglas. Elle était robuste, grande, forte, et sûrement déjà habituée au travail. Bien sûr qu'une femme comme elle allait décrocher le travail et que moi, j'allais rester sans le poste. Je sortit du bâtiment et je me rendis dans un hôtel. Je le connaissais déjà, car un des travailleur que nous avions dans mon ancienne vie, logeait dans ce bâtiment. Je demandai une chambre et je m'y installai. La journée était bientôt finie et j'avais très envie de retourner chez la famille Douglas. Je m'endormi dans le lit miteux de l'hôtel, je peux paraître ingrate, mais comprenez, lorsque vous avez été riche toute votre vie, il est difficile de s'habituer à la pauvreté. Si en étant jeune, on m'aurait dit que j'allais devoir me loger dans un hôtel aussi médiocre que celui-là et que j'allais devoir m'habiller comme une domestique je ne l'aurais jamais cru.

La DomestiqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant