CHAPITRE 13

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Léonore

Après le départ des fiancés, j'avertis par une missive, Lester de venir me visiter à l'appartement des Douglas. En attendant sa visite, j'en profitai pour me servir un verre de whiskey. J'étais assise, les pieds sur la table basse du salon, le verre à la main lorsque Lester sonna au timbre de la porte. Je me levai, ouvrit la porte, et le fit passer dans le salon.

– Vous buvez ? – s'étonna-t-il en pointant le verre sur la table basse.

Je baissa la tête, et mes joues rougirent.

– Ou est la bouteille pour que je vous accompagne ? – demanda-t-il en la cherchant des yeux.

En silence je sortit la bouteille de sa cachette et j'allais lui servir mais il m'interrompit. Il me prit la bouteille des mains et se servit lui-même.

– Vous n'êtes pas ma domestique, vous n'êtes plus une domestique avec moi. – dit-il en me regardant.
– Vous êtes si gentil avec moi, Lester – commentai-je en m'asseyant à côté de lui.
– C'est que vous avez séduit mon coeur ma chère Léonore.

Je déposa un baiser sur sa joue, et il avait l'air déçu lorsque je m'éloignai de lui.

– Apparement je n'ai pas réussi à séduire le vôtre – dit-il en se levant.
– Ou allez-vous ? – quémandai en essayant de ne pas le laisser partir.
– S'il vous plaît, mademoiselle Saint-Clair, laissez-moi en paix. – dit-il les yeux larmoyant – j'ai bien compris que je ne suis rien pour vous.

Il ouvrit la porte et je lui couru après mais je n'osai pas le poursuivre en dehors du bâtiment. J'étais triste. Lester avait été le parfait prétendant pendant tout ce temps. Je lui envoyais deux lettres luis demandant pardon, mais il me les renvoya et il n'avait pas pris la peine de les ouvrir. Il me plaisait vraiment, j'étais heureuse lorsqu'il était à mes côtés. Je ne sais pas pourquoi je l'ai laissé partir.

Le soir, je retournai au grenier et je n'avais ni le moral pour manger, ni pour saluer les autres domestiques. Je me réfugiai immédiatement dans ma chambre, et pleurai. Debbie entra comme à son habitude sans frapper.

– Qu'est-ce qui s'est passé ? demanda-t-elle en s'asseyant sur mon lit, elle commença à caresser mes cheveux.
– Lester... il... il est... parti... – dis-je entrecoupée par mes sanglots. – je... crois que... que j'ai fait quelque... quelque chose de... de  mal avec... avec... lui.
– Tu veux que j'ailles lui parler ?

Je secouai négativement la tête.

– Qu'est-ce qu'il s'est passé ? – demanda-t-elle en me regardant – Tu veux m'en parler ?
– Monsieur... Blu... Blunt m'a... m'a fait plusieurs... fois des... des avances... et je... je les ai... toujours refusé... mais le fait est... qu'il me plaît... il me plaît... vraiment... mais nous... ne... ne... sommes pas de la... la même classe sociale...
– Oh – fit-elle en se couvrant la bouche à l'aide de sa main. – je savais qu'il y avait quelque chose entre toi et lui.
– Le scandale ne lui importe pas, tout ce qu'il veut c'est mon amour et moi je le lui ai refusé – dis-je avant d'éclater à nouveau en sanglot.
– Dors, demain sera une autre journée – me conseilla Debbie en se levant. – il fait super froid dans ta chambre, tu veux une autre couverture ?

Je secouai la tête négativement, puis elle ferma la porte. Je repensais à la sensation de mes lèvres contre sa peau. Lester avait été si aimable, si éduqué, si courtois et en l'espace d'un instant je l'avais blessé.

(***)

Les deux fiancés venaient d'arriver. Monsieur Blunt ne m'avait toujours pas pardonné, car il ne m'avait pas reçue lorsque je suis allée le visiter. Sa domestique m'avait demandé de ne plus venir le voir, et cela me brisa le cœur. Je rangeai les valises mais Rosalina m'interpela:

– Domestique ! – cria-t-elle depuis le salon.
À contre coeur je fermai la porte de sa chambre et me rendit au salon.
– Oui, que désirez-vous ?
– Je vais sortir, j'ai grand besoin de renouveler ma garde-robe, je veux que tu viennes avec moi.
– Excusez-moi, mais je dois aller au marché pour acheter des aliments.
– Prend-ton cabas, et viens avec moi, après avoir fait mes emplettes tu pourras aller à ton marché – trancha-t-elle.

J'entrai dans la cuisine, prit mon cabas et accompagnai la señorita Valverde de Castilla. Elle entra dans les boutiques ou j'avais l'habitude d'aller lorsque mon père était vivant. Plusieurs souvenir me revinrent en mémoire, des souvenirs heureux mais qui n'étaient pas pour le moins douloureux. Ces rues me rappelaient la perte de mon père, elles me rappelaient ma nouvelle classe sociale, elles me rappelaient mon impuissance. Je regardai le ciel couvert de Londres, il allait bientôt pleuvoir, lorsque Rosalina appela les gendarmes. Je n'y prêta pas plus attention car j'étais bien trop occupée à me concentrer pour ne pas laisser mes émotions refaire surface, la souffrance que me causait ces rues était presque létal. Les gardes s'approchèrent de moi et m'arrachèrent mon cabas de mains.

– C'est elle qui me l'a volé ! – hurla la señorita Valverde de Castilla en me pointant du doigt. – Je l'ai vu me voler mon bracelet en or, elle l'a sûrement mis dans son sac.

En l'instant de quelques minutes, une foule nous entourait et assistait au spectacle que faisait Rosalina. Je répétai aux gardes que je n'avais rien volé, mais un sorti le bracelet de mon sac et il le rendit à Rosalina.

– Vous voyez ! – s'écria-t-elle en fermant le bracelet autour de son poignet – c'est une voleuse !
– Je n'ai rien fait ! – dis-je calmement – je ne sais pas comment le bracelet est arrivé dans mon cabas mais je ne l'ai pas volé.
– C'est ce que tous les voleurs disent – dit un des deux gardes, celui qui avait un moustache en me menottant.

(***)

Le garde qui m'avait menotté ouvrit la porte de la cellule et m'y jeta.

– Le repas sera servi à 20:00 et il n'y a pas de petit déjeuner. Tu as un sceau pour faire tes besoins. – Il ferma la grille et s'en alla, me laissant seule dans le noir.

Dans la cellule, il n'y avait pas de fenêtre. L'humidité ruisselait sur les murs sales de la petite cellule. Ils étaient probablement peint d'un jaune moutarde, mais avec le temps et l'humidité la plupart de murs étaient de couleur brune avec quelques taches vertes. De la moisissure ? Il n'y avait qu'un seul lit, et le matelas paraissait encore moins confortable que celui que j'avais au grenier. Tout était sale, usé, sombre. L'unique source de lumière était la petite ampoule du corridor, là ou les gardes s'échangeaient lors de leurs tours. L'odeur était tout aussi déplaisante que le lieux. Des effluves d'ammoniac et de transpiration frappaient mes narines qui n'étaient pas habituées à tel odeur violentes. Rapidement j'avais très mal à la tête, je voulais m'allonger sur le lit, mais vu son état j'avais peur qu'il cède sous mon poids, alors je m'assis sur la chaise en bois et appuya ma tête contre les barreaux qui me retenaient prisonnière d'une injustice. Je ne lui avais pas volé son satané bracelet. Bien sûr, elle m'avait averti, j'allais payé mon insolence... Mais me faire accuser d'un vol ? C'était un acte bien trop odieux pour être une simple vengeance. Comme prévu, le repas fut servi à 20:00 précise. Il s'agissait d'un quignon de pain sec, très sec avec de l'eau. Je bu le verre d'eau mais ne toucha pas au pain. J'essayai de rester éveillée, à tout moment monsieur Douglas ou monsieur Blunt, (bien que ce dernier soit fâché avec moi), pouvait venir payer la caution qui me rendrait ma liberté. Mais personne ne savait que j'étais dans ce trou à rat, personne sauf Rosalina et elle n'allait sûrement pas le dire à son fiancé. Le tic-tac de l'horloge ronde qui était suspendue au mur en face de ma cellule, résonnait dans ma tête et frappait mes tempes tel un marteau frappait une enclume. J'écoutais les pas que faisaient les gardes dans les corridors de la prison, et cela me rendait malade. J'avais mal à la tête et tout ces petits bruits ne faisait qu'empirer la douleur. Mais il n'y avait pas que le bruit. Le froid et l'humidité, eux mordaient ma peau, sans scrupule. Je frottais mes mains vainement pour me réchauffer, mais le bruit de friction résonnait dans mes oreilles.

La DomestiqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant