CHAPITRE 8

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Edgar

Ma fiancée était une femme dont la beauté était tout à fait contestable. Elle n'était pas infirme, mais Léonore était mille fois plus belle. Malgré la mauvaise surprise, je fis semblant d'apprécier sa compagnie et je l'invitai à faire un tour dans Londres avec mon père. Nous étions allés dans divers endroits, et elle était absolument ébahie de découvrir la magnifique ville qu'est Londres. Après notre balade, nous rentrâmes à la maison. Lester Blunt m'attendait chez moi, avec ma domestique. Pendant les trois dernières semaines, Léonore et Lester s'étaient beaucoup rapprochés, et ma jalousie grandissait à chaque fois qu'ils s'échangeaient des rires, des regards complices, des confidences. Mon destin était scellé et mon seul mon père avait la clé de mon cadenas qui m'enfermait dans cette cage d'or. Certes elle est en or, mais c'est une cage. J'allais exploser lorsque ma domestique m'a dit que Lester et elle nous avaient attendus. J'ai dû me contenir lorsqu'ils s'échangèrent des sourires intimes. Après avoir pris le thé, Lester demanda à me parler en privé. Je m'excusai auprès de mon père et de ma fiancée, puis nous nous enfèremèrent dans mon bureau.

– Je sais que j'ai dit que je n'allais pas faire des avances à ta domestique à cause des mauvaises langues – commença-t-il en me regardant droit dans les yeux – mais, aujourd'hui je l'ai fait.
Je restai bouche bée.
– Qu'est-ce qu'elle t'a dit ? – demandai-je en espérant qu'elle aille refusé.
– Elle a avoué que nous avions une sorte de connexion, mais elle n'a rien dit de plus. – Sa phrase fut tranchante mais à la voix apaisante. – Je pense que si je passe un peu plus de temps avec elle, j'y arriverai. – il se frottait les mains de manière excitée.

Et dans ma tête j'espérais qu'il n'y arrive pas, même si cela me rendait un très mauvais amis.

La señorita Valverde de Castilla entra sans frapper, quelle femme insupportable !

– Mon cher fiancé, vous me manquez déjà – dit-elle en entrant dans mon bureau alors que personne ne l'avait invité.
De plus son accent espagnol faisait saigner mes oreilles.
– Qu'allons-nous faire ce soir ? demanda-t-elle en s'asseyant sur mon siège.
Ne l'avait-on pas éduqué ? Elle était sensé faire partie de l'aristocratie espagnole, l'étiquette devrait faire partie d'elle, mais ce n'était pas du tout le cas.
– Je n'en sais rien – expliquai-je en lui prenant la main – mais si vous désirez aller faire les emplette, je peux vous envoyer avec ma domestique.
– Votre domestique – s'écria-t-elle en m'attirant vers elle – votre domestique est détestable, mon cher Edgar. – elle passa ses mains derrière ma nuque.– Quand est-ce que vous allez m'embrasser ?
Quel culot !
– Je pense que je vais y aller – commenta Lester en me guignant de l'oeil. – Nous savons bien que trois c'est trop deux c'est assez.

Je me calmai rapidement, et embrassai ma fiancée. Ses lèvres firent des ravages sur les miennes. La façon dont elle m'embrassait était sauvage, fougueux, ardent et montrait son désir pour moi. Elle passa ses mains sur mon dos et sans savoir pourquoi j'attrapai ses hanches. Son physique n'avait pas grand chose d'attirant. Elle avait de fines lèvres, des sourcils fins. Son nez était aplati, et elle avait des grands yeux bruns. Rosalina était très maigre, et n'avais absolument aucun atout physique, en tout cas pour moi. Mais ses lèvres étaient curieusement dominatrices et enivrantes. Ma fiancée m'embrassait à la perfection, et je me sentais tel un imbécil, car mon coeur ne lui appartenait pas mais la propriétaire de mon coeur ne m'avait probablement pas choisi. Après quelques baisers, nous nous séparèrent l'un de l'autre et un ange passa. Elle n'osait pas me regarder dans les yeux, et comme un idiot, je me suis dit que je n'allais pas la refuser, peut-être qu'avec le temps je pourrais apprendre à l'aimer.

– Vos lèvres sont délicieuses, ma chère Rosalina. – dis-je pour tenter de combler le vide que causait le silence.
– Vous n'êtes pas mal non plus. Je peux vous dire que dès que je vous ai vu, vous avez fait fondre mon coeur.
– Suis-je aussi beau que cela ?
– Vous êtes divinement beau, Edgar.
– Vous n'avez pas peur du scandale – dis-je en ouvrant la porte de mon bureau pour sortir.
– Le scandale ? Qu'est-ce que c'est ? – demanda-t-elle en ricanant. – Je ne suis pas une personne qui suit les conventions.
– J'ai pu le remarquer – dis-je en sortant.

Saint-Clair était dans mon champ de vision.
Que devais-je faire ? Lui parler ou continuer de l'ignorer ? De toutes manières, je ne pouvais pas lui dire ce que je ressentais pour elle. Pourquoi ? Parce que je suis un homme de parole, que mon père m'a fiancé avec la señorita Valverde de Castilla et parce que nous n'étions plus de la même classe sociale. Pendant que je pesais le pour et le contre, elle leva ses magnifiques yeux bruns clairs, et me sourit faiblement.

– Vous avez du rouge à lèvres – dit-elle en montrant la commissure de sa lèvre, immédiatement je nettoyai mes lèvres. – voilà qu'elle est arrivée aujourd'hui et elle n'a pas pu résister à vos charmes.
– Ce n'est pas ton problème, occupe-toi de ton travail. – j'aurai dû me mordre la langue au lieu de lui parler de cette façon.
– Veuillez pardon mon comportement. – dit-elle en baissant les yeux, je n'aimais pas la voir soumise, mais je devais faire ce que mon père voulait.

J'étais confondu, ma fiancée m'avait embrassé et j'avais réellement apprécié, mais je ne sais pour quelle raison obscure mon coeur ne désirait pas lui appartenir. Que devais-je faire ? À qui devais-je laisser une chance ? Rosalina Valverde de Castilla ? Léonore Saint-Clair ? La raison ? ou le coeur ? Après de longues minutes d'hésitation, je décidai de laisser une chance à la raison. Rosalina Valverde de Castilla avait l'air si joyeuse de me connaître enfin, et même si c'était un mariage de convenance, je paraissais lui plaire, qui sait, peut-être qu'avec les années de mariage j'allais apprendre à l'aimer. J'étais dans mes pensées mais quelqu'un m'extirpa de mon monde.

– Monsieur Edgar – dit-elle en me regardant, elle resta debout à une certaine distance.
– Saint-Clair ?
– J'ai fini de tout ranger – comme si elle désirait s'excuser d'être venue me voir – Est-ce que je peux vous poser une question ?
– Bien sûr – dis-je en me redressant sur mon siège.
– Est-ce que j'ai fait quelque chose qui vous a déplu ? – me demanda-t-elle en triturant ses mains, signe qu'elle était gênée ou triste.
– Non, mais comprend que je ne peux plus agir de la manière aussi amical que j'agissais avec toi avant que ma fiancée arrive.

Elle me lança un regard triste, et retourna dans la cuisine.

La DomestiqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant