CHAPITRE 10

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Edgar

J'étais dans ma chambre, les lumières éteintes, allongé dans mon lit douillet et chaud. J'entendais le vent venir frapper mes fenêtres, mais cela ne m'empêcha pas de réfléchir. Une unique personne hantait mes pensées et mes rêves: Léonore Saint-Clair. Elle apparaissait tel un fantôme dans mes pensées, même lorsque j'essayais de me concentrer sur mon travail. C'est comme si j'étais devenu l'esclave de mes pensées, je ne pouvais plus arrêter de penser à elle, je ne pouvais plus l'oublier. Je livrais une guerre sans fin dans ma tête et personne semblait le remarquer, pas même la personne qui l'avait déclenchée. Mon amour pour elle était bipolaire, j'adorais la voir mais je détestais la voir en compagnie d'un autre homme et surtout qu'il s'agissait de Lester. Et même lorsque Lester n'était pas là, je n'aimais pas être en compagnie de ma domestique et de ma fiancée. Les deux femmes ne s'entendaient pas du tout, à tout instant elles étaient prêtes à se crêper le chignon. J'aimais être seul avec elle, j'aimais la regarder bouger pendant qu'elle travaillait, j'aimais la voir se concentrer lorsqu'elle nettoyait un objet de grande valeur et fragile, j'aimais la manière dont elle se mordait la langue pour ne pas me répondre, j'aimais la voir être elle-même, j'aimais la voir habillée avec d'autre habits que ceux de domestique mais c'était Lester qui avait ce privilège. Je me maudissais pour être aussi idiot, mais je ne devais pas laisser mon coeur gagner. En me mariant avec Rosalina, je pourrais augmenter ma fortune et c'est tout ce qui importait aux yeux de mon père. Si ma mère était encore en vie, elle n'aurait jamais contracté ce mariage. Malheureusement elle était partie trop tôt, et mon père avait fait ce choix.

(***)

– Ou est la domestique ? – se plaignit Rosalina en entrant dans le salon en pyjama – j'ai besoin d'aide pour m'habiller.
Quelqu'un toqua à la porte, et j'ouvrit. Lester entra avec un énorme sourire. Ma jalousie n'était pas contre mon meilleur ami, mais contre la relation qu'il avait avec ma domestique.
Je lui expliquai la situation et l'invita à prendre le petit-déjeuner avec nous.

– Mais ou est cette domestique ? répéta Rosalina en tentant vainement de se coiffer seule.

Je tirai sur la cordelette qui était reliée au grenier pour avertir ma domestique et nous attendîmes dans le silence pendant une dizaine de minutes. Une demi-heure plus tard, la fameuse domestique entra dans la cuisine.

– Ou étais-tu ? – grondai-je.
– Excusez-moi, hier je suis sortie avec Lester et j'ai...
– Prépare-nous le petit-déjeuner, nous sommes trois – coupai-je en sortant de la cuisine.

Quelques minutes plus tard, elle apparut dans le salon avec notre petit-déjeuner. Le visage fatiguée de Saint-Clair s'illumina lorsqu'elle vit Lester.

– Ce n'est pas trop tôt pour toi, j'espère – railla Rosalina après avoir but une gorgée de café.
La domestique ne répondit pas.
– Je te parle, souillonne – continua Rosalina.

Saint-Clair me regardait d'un air indifférent. Rosalina se leva et la tira par la manche de son uniforme.

– C'est à toi que je parle, souillonne, et quand je te parle, tu me regardes – beugla ma fiancée.
– Excusez-moi, c'est simplement que je ne me suit pas reconnu avec le terme de souillonne, j'ai cru que vous parliez avec vous-même à haute voix.

Ma fiancée rouge de rage se leva, prit la théière pleine de café brûlant et déversa le contenu sur ma domestique.

– Tu vas me le payer, souillonne – expliqua Rosalina en sortant du salon.
– Tu n'aurais pas dû lui parler de la sorte – sermonai-je en me levant – c'est ta patronne, enfin presque et tu dois lui obéir, mais ce qu'elle vient de faire n'est pas non plus correct, je vais aller lui parler. Veuillez m'excuser.
Je retrouvai ma fiancée dans sa chambre.
– Rosalina – dis-je gentiment – est-ce que nous pouvons parler ?
– Votre domestique, je veux que vous la renvoyez.
– Je ne vais pas faire ce que vous me demandez, mais je l'ai sévèrement sermonnée et je pense qu'elle ne recommencera pas.
– J'espère bien, pour qui se prend-elle ?
– Léonore avant d'être une domestique était de notre classe sociale – expliquai-je tentant de faire comprendre à ma fiancée que Saint-Clair souffrait probablement de la perte de son père et de la perte de son statut social – Aillez de la patience avec elle, la domestique n'est pas méchante.
– Et même si elle avait été la reine d'Angleterre, elle n'a pas le droit de me parler de la sorte.

Voilà un trait de sa personnalité que je ne connaissais pas encore, ma fiancée était têtue.

– Soyez un peu compréhensive, s'il vous plaît.

Elle fit une moue boudeuse, et croisa les bras.

– S'il vous plaît Rosalina – insistai-je en m'asseyant sur le lit.
– J'essayerai uniquement parce que vous me l'avez demandé – affirma-t-elle en prenant mon visage entre ses mains.

Elle m'embrassa tendrement et je sortit de la chambre. Je m'enfermai dans mon bureau et travaillai jusqu'à ce que Lester frappa à la porte de mon bureau.

– Est-ce que tout vas bien entre toi et Rosalina ? – demanda-t-il en entrant.
– Oui, et toi ? – questionnai-je par politesse et non par curiosité, à vrai dire je n'ai nullement l'envie de savoir ce qu'il faisait avec ma domestique.
– Léonore et moi sommes sortit tard, hier soir, c'est pour cela qu'elle était en retard, ce matin – m'expliqua-t-il en s'asseyant sur la chaise en face de mon bureau.
– Alors tu vas la courtiser ?
– Pas encore, elle est confuse et a besoin de temps.

Saint-Clair confuse ? Cela m'étonnait. Et cela voulait probablement dire qu'il y avait un autre homme dans l'histoire... Et si c'était moi ? Cette idée me plut énormément, mais je n'avais déceler aucun signe d'attirance vers moi pour sa part. Au début, lorsqu'elle venait d'arriver, elle rougissait souvent, mais je rejetais la faute à la timidité. Et si je lui plaisais ? Et si elle m'aimait ? Malheureusement je dû chasser ces douces incertitudes à mon coeur afin qu'il ne prenne pas le dessus.

– Tu vas bien Edgar ?
– Oui, je suis juste préoccupé pour un client – mentis-je en espérant qu'il n'essaye pas de m'aider.
– Oh, alors je ferais mieux de te laisser travailler, je vais voir ou est Léonore.

La DomestiqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant