CHAPITRE 12

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Edgar

J'entrai dans la cuisine et retrouva ma domestique en train de préparer le petit-déjeuner.

– Avec ma fiancée, nous allons partir en voyage demain matin. Je souhaite que tu prépares nos bagages, nous allons aller à Liverpool pendant deux jours.
– Oui, monsieur Douglas. – dit-elle sans même relever la tête pour me regarder.
J'avais l'impression que notre relation était morte depuis l'arrivée de ma fiancée, et cette impression me blessait, mais la raison me demandait de continuer dans cette voie. Je sortis de la cuisine et attendis dans le salon. Voilà quelques jours que je repoussais le voyage à Liverpool. Je ne souhaitais pas m'éloigner de Saint-Clair. J'aurais tellement voulu qu'elle vienne avec moi, mais Rosalina avait formellement refusé, sous le prétexte que ce voyage nous servirait de nuit de noce avant le mariage. Pendant ces quelques jours, les deux femmes ignoraient mutuellement. J'avais pu constater que Saint-Clair passait beaucoup de temps avec Lester. Mon père n'était toujours pas revenu de Dublin, et n'avait donné aucun signe de vie, pour l'instant.

(***)

Nous n'étions à la gare en attendant le train qui nous conduirait à Liverpool.

– Je suis très heureuse que vous ayez accepté de partir uniquement avec moi – dit Rosalina après m'avoir embrasser.

Rosalina n'était pas la femme la plus belle du monde, elle n'était pas non plus la femme la plus supportable du monde, mais je faisais un effort pour lui laisser une chance. Je ne sais pas comment, mais cette femme savait ce qu'elle faisait lorsqu'elle embrassait un homme.
Le train arriva dans la gare et je laissai Rosalina monter en première. Une fois installée elle me regarda longuement comme si elle essayait de lire dans mes pensées.

– Je pense que mon père a oublié de vous raconter une partie de mon histoire – commença-t-elle, je fronçai les sourcils. – je suis veuve. Mon père m'avait mariée à un avocat, Don Horacio lorsque j'avais 23 ans, et quatre ans après notre mariage, Don Horacio est mort.

Sa voix était calme, posée, stable.

– Je suis navré d'entendre ça – dis-je en lui prenant la main – votre père ne me l'avait pas dit. Mais cela ne changera pas notre situation.
– Merci pour votre compréhension.
– Vous avez dû énormément souffrir de la perte de votre premier mari.
– C'était aussi un mariage arrangé pour vous dire la vérité.

Je ne m'attendais pas à autant d'honnêteté, mais cela me fit plaisir, car si elle était honnête avec moi, cela signifiait qu'elle me faisait confiance.

Nous arrivâmes à Liverpool dans l'après-midi, et Rosalina était telle une enfant découvrant un nouveau jouet. Elle répétait sans cesse que tout était magnifique, mais pas autant qu'à Séville, sa ville natale. Nous arrivâmes à l'hôtel et j'avais réservé deux chambres. Nous avions déposés nos valises dans nos chambres et étions allés manger. En revenant, Rosalina me donna sa main, et nous marchions comme des amoureux. Nous entrâmes dans ma chambre, et ma fiancée commença à m'embrasser langoureusement. Elle m'entraîna jusqu'à mon lit.

– Je vous aime tant – murmura-t-elle en défaisant ma cravate.
– Rosalina, que faites-vous ?
– N'est-ce pas évident ?
– Et votre réputation ?
– Nous sommes à Liverpool, connaissez-vous quelqu'un ici ? – me demanda-t-elle avant de déposer des baisers dans mon cou – Nous n'avons qu'à nous dire que ce qui se passe à Liverpool, restera à Liverpool.
Elle me déboutonna ma chemise et embrassa mon torse.
– Vous n'allez pas enlever ma robe ? me demanda-t-elle en se mettant à califourchon sur moi.

Je rigolai, me redressai et lui ôta la robe. Après tout elle avait raison... Ce qui se passait ici allait rester ici.

(***)

Le lendemain matin, je me réveillai avec ma fiancée dans mon lit. Puis je me rappela du bon moment que nous avions passé hier après le restaurant. Cependant ce souvenir fut rapidement balayé par celui de Saint-Clair. Je me levai et j'entrai dans la salle de bain. Je fis couler l'eau chaude et je m'installai dans la baignoire. Je me demandais de quelle manière je réagirais si j'apprenais que Lester et elle avaient couché ensemble sans être marié. La jalousie s'empara de moi, et me mis de si mauvaise humeur que j'arrêtai de penser à ce scénario. Cependant, le fait d'avoir quitté Londres pendant deux jours leurs laissent beaucoup de temps pour se voir, et cela me contrariait tout autant voir plus.
Rosalina se réveilla et s'habilla, je pouvais la voir depuis la salle de bain, car je ne sais pas pourquoi j'avais laissé la porte ouverte. Je sortis de la baignoire et m'habillai rapidement.

– Vous avez bien dormi ? – quémandai-je en m'asseyant sur mon lit.
– Parfaitement et vous ?
– Tout aussi bien que vous – rétorquai-je en l'aidant à fermer sa robe.

(***)

Nous étions dans la gare et nous montions dans le train qui allait nous ramener chez nous, à Londres.

– Est-ce que vous souhaitez garder votre domestique après notre mariage ?
La question était directe, et précise, aucune explication nécessaire.
– Oui, je veux garder Saint-Clair comme domestique.
– Dans ce cas, j'aimerais enterrer la hache de guerre entre nous deux.

Je fus surpris de cette décision et n'y vit aucun mal. Au contraire j'étais plutôt content qu'elles se réconcilient même si elles n'avaient jamais été amies auparavant.

– Comment allez-vous vous y prendre ? – demandai-je en la regardant dans ses yeux.
Elle se mordit la lèvre inférieure, leva ses yeux bruns au ciel puis me regarda.
– Est-ce vous pourriez lui donner la matiné de demain libre ?
– Qu'allez-vous faire ?
– Nous irons faire des achats, j'ai grand besoin d'un nouveau chapeau, et comme elle a été une dame à une certaine époque, je suppose qu'elle connaît certaines boutiques.

Le fait de parler de son passé me pinça le coeur, j'avais l'impression qu'elle voulait simplement la faire aller dans ces boutiques pour se moquer d'elle. Mais peut-être que je me trompais, après tout elle voulait probablement passer du temps avec sa future domestique.

– Bien sûr, je peux même lui donner la journée entière si vous le souhaitez.
– Encore mieux ! – s'écria-t-elle en frottant ses mains.

Elle me regarda d'un air satisfait, et à ce moment j'aurais dû savoir que c'était un piège.

La DomestiqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant