La Domestique

CHAPITRE 14

Edgar

Ma fiancée rentra seule, alors qu'elle était sortie avec Saint-Clair.

– Elle est allée au marché – m'expliqua-t-elle en s'asseyant sur mes cuisses. – Nous avons tout notre temps, et de plus vous lui avez donné la journée de libre.
– Qu'avez-vous acheté ?

Elle se leva rapidement et me montra deux chapeaux, un bleu marine avec des plumes de couleurs blanche, et l'autre était vert pomme (très tape-à-l'oeil) et avait des rubans blanc, noir et gris qui le décoraient. Je le trouvais affreux.
– J'aime beaucoup le premier chapeau – dis-je en le pointant du doigt.

(***)

Je me réveillai et le petit-déjeuner n'était pas servi dans le salon, j'allai donc dans la cuisine pour réprimander ma domestique, mais elle n'était pas là. Je tirai sur la sonnette pour lui dire que nous l'attendions. Ma fiancée se réveilla et ne se plaignit pas de l'absence de Saint-Clair, ce qui me parut étrange.

– Je vais aller la chercher – dis-je en sortant de l'appartement.

J'utilisai pour la première fois de ma vie l'escalier de service et je croisa Théodora qui descendait.

– Mais m'sieur, qu'est-ce que vous faîtes ici ? – s'écria-t-elle.
– Léonore n'est pas venue depuis hier soir, est-ce que tu sais ou elle ?

Elle frotta son menton.

– Ben m'sieur, j'l'ai pas vu depuis hier matin.

Elle a pas passé la nuit ici.

Lester fut l'unique mot qui me traversa l'esprit.

– Merci et au revoir – dis-je en dévalant les escaliers.

Je me rendis chez mon ami, sa domestique m'ouvrit la porte.

– Sais-tu ou est Léonore ? – demandai-je en éludant les modalités.
– Non, pourquoi ?
– Elle n'a pas passé la nuit avec le reste des domestiques, et je ne l'ai pas vu depuis hier matin.

J'ai pu apercevoir de la préoccupation dans ses yeux.

– Tu penses qu'elle a disparu ?
– La dernière personne qui l'a vu c'était ma fiancée – expliquai-je – elles sont allées en ville.
– J'ai énormément de travail aujourd'hui – commença-t-il – et toi ?
– J'ai une conférence à donner et un procès, mais je fais demander à Rosalina d'aller la chercher.

Mais où était cette domestique ? J'avais un mauvais pressentiment, mais je me disais que ce n'était que mes nerfs. Je me rendis à ma conférence, qui à mon goût dura beaucoup trop longtemps. Je me languissais sur mon siège, en espérant qu'en rentrant chez moi Saint-Clair m'aurait préparer un repas pour midi avant d'aller au procès. Dès que la conférence eut fini, je me dépêchai de rentrer chez moi, et malheureusement il n'y avait que Rosalina dans l'appartement. Curieusement, ma fiancée ne se plaignit pas une seule fois de l'absence de Saint-Clair. Elle avait l'air très heureuse et cela ne me plaisait pas trop... je ne sais pas exactement pourquoi j'avais la forte impression que la disparition de Saint-Clair était liée à la sortie qu'elles avaient fait ensemble hier.

– Rosalina, vous ne sauriez pas, par pur hasard ou se trouverait ma domestique ? – lui demandai-je pendant qu'elle préparait le repas.
– Moi ? Pourquoi est-ce que je saurais où est cette domestique ?
– Vous êtes sûrement la dernière personne qui l'a vu, c'est pour cette raison que je vous le demande – expliquai-je.
– C'est prêt – dit-elle en déposant la tortilla sur une assiette.
– Après le procès de cet après-midi, j'irai chercher Saint-Clair – avertis-je, elle souleva un sourcil.
– Pourquoi ? Je vous ai déjà dit j'ai cherché dans tout Londres et je ne l'ai pas trouvé.
– Quelque chose de grave peut lui être arrivée.
– Et si elle est partie de son plein gré ? – demanda-t-elle en buvant une gorgée de vin – Peut-être qu'elle n'aimait pas vivre à Londres avec son nouveau statut.

Je n'avais pas pensé à cette possibilité, mais cela ne me semblait très faux. Saint-Clair adorait Londres, et elle n'avait aucune famille, aucun motif pour s'éloigner de Londres.

– Saint-Clair adorait Londres, Rosalina, ça ne me parait pas une explication plausible.
– Oh ! Mais ce n'est qu'une vulgaire domestique ! Pourquoi est-ce que tu es aussi inquiet pour elle ? – s'énerva-t-elle.
– Ce n'est pas une simple domestique – commençai-je – et je suis inquiet pour elle car même si nous ne sommes pas de la même classe sociale, Saint-Clair est humaine et en tant qu'humain j'ai le droit de m'inquiéter pour elle.

La sonnette de la porte retentit et j'ouvris. Lester entra et nous allâmes dans mon bureau.

– Cet après-midi, j'ai une opération, mais après je peux me rendre à l'hôpital pour voir si elle y est.
– D'accord, moi j'irai regarder les gares, Rosalina a émis l'idée qu'elle serait peut-être partie de la ville.

Lester fit une mine d'horreur face à l'idée que sa future conquête puisse partir.

– Je dois y aller, les juges m'attendent, si tu la trouves fais-le-moi savoir – dis-je lui tapant amicalement l'épaule avant de partir.

(***)

J'étais très partagé. Je venais de gagner le procès, mon client sera libre, mais la préoccupation due à la disparition de Saint-Clair m'empêchais de me réjouir de ma victoire. Je quittai l'audience rapidement, laissant mon client seul pour me diriger vers la gare. J'interrogeai des voyageurs, des travailleurs, des commerçant qui étaient aux alentours de Londres. Selon eux, Saint-Clair n'était jamais venu à la gare. J'espérai la voir ici, même si après je devrais la convaincre de rester, j'espérai qu'elle soit là, j'espérai la voir en vie. Dépité, je rentrai à l'appartement. Rosalina avait déjà préparé le repas, comme si elle savait que Saint-Clair ne viendrait pas à l'appartement.

– Vous voulez vous du vin ? – demanda-t-elle en se levant pour prendre la bouteille. – À quoi pensez-vous ?
– Rien... rien d'important... je suis simplement inquiet pour un client – mentis-je – son procès est fixé dans quelques jours.

Un petit mensonge n'allait pas lui faire de mal, et je n'allais tout de même pas lui dire la vérité, elle se serait fâchée et nou aurions encore discuté. Nous dinâmes puis je rentrai dans ma chambre, la tête tambourinante de questions. Plusieurs questions mais aucunes réponses, et cette situation était frustrante.